Des chiffres record presque jamais égalés dans l'histoire du Musée des arts asiatiques de Nice. 70.929 visiteurs ont parcouru les allées du musée pour aller à la rencontre de la vague la plus célèbre de l'histoire de l'art. Un raz de marée signé Hokusai !
> Reportage réalisé mi janvier 2023.
Le Musée des arts asiatiques accueillait depuis le mois de septembre dernier et jusqu'au 29 janvier, l'exposition "Hokusai : voyage au pied du mont Fuji".
Un événement, car pour la première fois, la célèbre vague de l'artiste japonais était exposée à Nice, parmi 126 estampes. Une œuvre datant de 1830 qui a connu un beau succès.
"En effet, avec près de 71 000 visiteurs, c'est le record de fréquentation pour le musée depuis son ouverture en 1998", nous précise ce 1er février Adrien Bossard, conservateur du patrimoine et directeur du Musée départemental des arts asiatiques. Il espère aujourd'hui que 20% de ces visiteurs reste fidèle au lieu.
Des gens sont venus de loin... Nous aurions même fait plus d'entrées en la proposant durant l'été, mais ma volonté était vraiment de l'offrir sur un temps scolaire pour que les écoles en profitent et les habitants de la région aussi en priorité,
Adrien Bossard, conservateur du patrimoine et directeur du Musée départemental des arts asiatiques.
Si parfois les files d'attente étaient un peu longues et la boutique de souvenirs vidée de ses catalogues et objets liés à l'exposition, Adrien Bossard, s'en excuse mais rassure les amateurs de gadgets et beaux livres : "nous en sommes au 5e réassort ! Donc, oui, catalogue et affiches sont de retour !"
Plus de 3 000 catalogues ont d'ailleurs été vendus.
Tout savoir sur cette oeuvre... et les autres !
C'est la vague la plus célèbre du monde. Elle a inspiré de nombreux artistes dont Van Gogh, Monet, Debussy ou Renoir. Elle sera exposée à Nice pendant quatre mois au milieu de 126 autres estampes de son auteur, le célèbre Hokusai.
L'œuvre intitulée "Sous la vague au large de Kanagawa" est une estampe issue d'une série baptisée "Trente-six vues du Mont Fuji" datant de 1830.
Une estampe est une impression à l'encre sur du papier.
Le résultat final, c'est le papier, mais c’est tout un processus de fabrication, de création très spécifique. Il y a beaucoup d’étapes. Au départ, il y a un artiste qui peint et ensuite cette peinture, cette image qui est créée de l’esprit de l’artiste est transposée sur des planches en bois qui sont utilisées pour imprimer patiemment les différents tirage.
Adrien Bossard, conservateur du patrimoine et directeur du Musée départemental des arts asiatiques.
Au 17e siècle au Japon, la technique nommée " ukiyo-e", traduit par "monde flottant" gagne en popularité.
Edo la future Tokyo est en pleine effervescence. La ville, en pleine construction, voit se développer les combats de sumos, les théâtres Kabuki, et les lieux de plaisir ou courtisanes accompagnent les hommes dans leur vie en dehors du travail.
"Les concepts de vie éphémère, et l'envie de vivre dans l'instant présent se développent" raconte Adrien Bossard.
"Il y a tout un monde d'amateurs de l’estampe qui se créait. Car on a tout un monde qui n’est plus de la noblesse, qui correspondait plutôt à une bourgeoisie qui est plus ou moins aisée, et qui a envie de s’entourer de belles choses. Et parmi ces belles choses qui les fascinent, on a ces images de l’ukiyo-e, les images du monde flottant. "
Cette estampe leur rappelle un sentiment de liberté en dehors de leur vie très dure. Ça leur permet de s’évader et c’est là qu’on retrouve le côté flottant.
Cette estampe leur rappelle un sentiment de liberté en dehors de leur vie très dure. Ça leur permet de s’évader et c’est là qu’on retrouve le côté flottant
Adrien Bossard.
Trente-six vues du Mont Fuji
Les estampes connaissent de beaux succès aux 17 e et 18 e siècles. Mais celui qui va faire connaître l'estampe japonaise dans le monde entier arrive au 19 e. Avec sa série "Trente-six vues du Mont Fuji" en 1830, Hokusai relance la fascination autour du monde flottant.
Et l'élément qui va le démarquer de ses paires, est tout droit venu d'Occident : le bleu, omniprésent.
"La caractéristique à cette série, c'est l’argument de vente, puisqu’on a tracé d’une publicité qui annonce le lancement de cette série et l’éditeur savait que ça allait cartonner. L’argument phare, c’était : regardez, il y a un nouveau pigment, et ce pigment vient de l’occident ! C’est un bleu de Prusse qu’on appelle aussi bleu de Berlin. "
Le pigment met un certain temps à arriver au Japon et à devenir abordable pour les artistes. Un des premiers à l'utiliser, c'est Hokusai. "C’est ce qui fait toute la force, toute la puissance de cette série inédite en 1830".
Le paysage n'est plus un simple décor, mais devient le sujet à part entière. Les personnages admirent le Mont Fuji, ce plus haut sommet du Japon.
La série est un succès au Japon, mais s'exporte aussi jusqu'en Occident.
Cette vague est dans l’imaginaire collectif depuis plus de 200 ans
Le directeur du musée des arts asiatiques.
La "vague" fait le tour du monde
"Dès le 19 e, cette estampe va inspirer des artistes en occident. Avec notamment "La mer" composée par Debussy. Et cette fascination va montrer aux Japonais à quel point ils ont une production artistique extraordinaire. Et c’est resté " explique Adrien Bossard.
Impossible aujourd'hui d'être passée à côté de cette œuvre. Dans un livre, un film, un documentaire, affiché chez un de vos amis, vous avez forcément croisé la route de la fameuse "vague" d'Hokusai.
La culture pop a beaucoup participé à cette popularisation. Elle se décline même en briques Lego :
"Il y aura une relance au 20 e siècle puisque la vague va être réutilisée, elle va être réinterprétée, on va la détourner. On va aussi l’utiliser pour faire des logos de marques. Et c’est une image efficace, c’est une vague, une montagne, du bleu. C’est la marque des grandes œuvres d’être simple, d’être efficace et en fait, tout le monde l’a vu au moins une fois dans sa vie" précise Adrien Bossard.
Le directeur du musée, amoureux de la culture asiatique, est très fier d'avoir pu accueillir le tableau à Nice.
"Je me rappellerai toute ma vie de la première fois que je l’ai vu cette vague et c’est un moment que j’ai envie de partager avec le public."
Une œuvre pour la première fois exposée dans la région et qui va repartir d'où elle vient avec les 125 autres estampes : dans la collection de Jerzy Leskowicz
Pour ceux qui regrettent déjà le bleu Prusse et les détails des œuvres, voyez la galerie en ligne ;-)