L'exposition temporaire "Les elles des jeux" en cours au Musée national du sport de Nice. Une exposition consacrée aux femmes dans les jeux olympiques, de l'Antiquité à nos jours, ou pour être plus explicite, de la quasi-exclusion des femmes à la lutte pour la parité tant souhaitée. À voir jusqu’au 3 novembre prochain.
C’est la troisième fois, dans l’histoire olympique, que la France accueillait les Jeux d’été, après ceux de Paris en 1900 et 1924, mais la première fois qu’elle organise les Paralympiques. La première fois aussi, que la parité hommes femmes devrait être totalement assurée. La moitié des 10 500 athlètes engagés devraient être des femmes. C’est ce qui est annoncé. Des jeux hautement symboliques donc !
Aujourd’hui cela semble "normal", pourtant, il a fallu des siècles pour en arriver là !
Une compétition qui rime avec combat
Les femmes et les Jeux Olympiques ont longtemps noué des destins contradictoires, voire hostiles. Exclues, de fait, du mouvement olympique à sa renaissance moderne il y a 130 ans. Ainsi, en 1896, à Athènes, les femmes n'étaient pas autorisées à participer aux compétitions, le baron Pierre de Coubertin restant ainsi fidèle à la tradition des Jeux antiques.
Les JO doivent être réservés aux hommes, le rôle des femmes devrait être avant tout de couronner les vainqueurs.
Baron Pierre de Coubertin, le fondateur des Jeux Olympiques modernes.
Les propos de ce dernier, qui datent de 1912, sont sans ambiguïté : "Une olympiade femelle serait peu pratique, inintéressante, inesthétique et incorrecte. Le véritable héros olympique est, à mes yeux, l’adulte mâle individuel. Les JO doivent être réservés aux hommes, le rôle des femmes devrait être avant tout de couronner les vainqueurs".
Du néant à la parité, tel pourrait être résumé, pourcentage à l’appui, la présence des femmes au sein de l’organisation olympique, que ce soit au niveau des athlètes ou au sommet de la hiérarchie institutionnelle.
Si on comptait une femme sur dix sélectionnées aux jeux de Berlin en 1936 et seulement encore une sur sept, quarante ans plus tard à Montréal (1976), depuis deux olympiades elles font quasiment jeu égal avec les hommes. Mieux, désormais, tous les sports du programme leur sont ouverts sans exception.
Cette thématique de société nous apparaissait comme une évidence. Cette exposition permet de mettre à l'honneur des personnalités, qu'elles soient célèbres ou non, qui le méritent et qui ont permis de casser les lignes, par leurs exploits sportifs ou leurs actes forts.
Marie Grasse, directrice générale du Musée national du sport de Nice.
"Toutes ces pionnières ont chacune leur propre histoire mais toutes peuvent inspirer les jeunes sportives, qu'elles soient les championnes de demain ou tout simplement passionnées de sport" précise Marie Grasse, directrice générale Musée national du sport de Nice.
Les sportives ont mis des décennies à acquérir, peu à peu, la place qui leur revient dans le sport en général et plus particulièrement dans le mouvement olympique. Un parcours longtemps bordé de préjugés et d’interdictions mais heureusement semé de grandes premières. C’est ce que retrace, sur plus de 500 m², l’exposition "Les Elles des Jeux".
Une expo immersive et interactive en 6 actes
Dans une scénographie toute particulière, en forme d'infini, le parcours de cette exposition retrace plus de 130 ans de notre société contemporaine à travers les histoires de femmes emblématiques au destin exemplaire.
Le parcours est divisé en 6 parties découpées à la fois de manière chronologique et thématique.
- Elles ne sont pas les bienvenues
Avec "Elles ne sont pas les bienvenues" l’exposition entame son voyage dans le temps par les premiers Jeux Olympiques de l’ère moderne et un petit rappel de l'époque antique, où, non seulement les femmes n'avaient pas le droit de participer, mais pas le droit non plus d'être spectatrices !
- Elles prennent leur destin en main
Dans "Elles prennent leur destin en main" le chemin se poursuit en rendant hommage aux femmes, qui depuis un siècle, ont essayé de jouer un rôle de premier plan dans le monde du sport.
- Elles sont à jamais les premières
Des pionnières dirigeantes, comme Alice Milliat créatrice de Jeux mondiaux féminins en 1922, aux grandes athlètes françaises et étrangères telles que Christine Caron, Marie-José Pérec, Laure Manaudou ou plus récemment Clarisse Agbegnenou ou Simone Biles. Elles sont parvenues, par leur voix ou leurs performances à s’octroyer toute la place qu’elles méritent dans la grande légende du sport mondial.
Pour mémoire, Alice Milliat est la première femme dirigeante dans l’histoire du sport. Cette Nantaise de naissance a vécu en Angleterre, où elle découvre tant le sport que les revendications féministes. Elle devient Présidente du "Femina Sport", le premier club féminin en 1917.
Elle y ouvre aux femmes la pratique de nombreux sports. Fin 1921, elle fonde la Fédération sportive féminine internationale et lance le combat pour donner une vraie place au sport féminin. A l’été 1922, elle organise ses Jeux féminins à Paris et se consacre alors à essayer de convaincre le CIO d’ouvrir ses Jeux Olympiques aux femmes.
Hommage particulier, également, à Anny Courtade qui a brillé dans l’univers sportif en portant la destinée du Racing Club de Cannes, en volley féminin, jusqu'au plus haut. Sous sa présidence (1993-2016), le club devient la meilleure équipe d’Europe (deux Ligues des champions) et surclasse le volley hexagonal (vingt titres en championnat et dix-neuf Coupes de France).
- Elles imposent leurs choix
Outre celui d'être sportive et de vouloir participer aux J.O., autre argument et non des moindres plaidant en défaveur de la sportive : l’exposition de son corps et les mouvements supposés inappropriés qu’elle lui fait subir pour conjuguer l’inconciliable : liberté de mouvement et convenances révolues.
Ainsi en faisant fi des us et des coutumes vestimentaires ou réglementaires pour imposer leurs droits quand ne leur demandait pas l’impossible, voire le pire : être non seulement expertes mais de rester qui plus est féminine.
Elles imposent leurs choix également pour être libres dans leur vie privée. En amours ou dans le fait d'être mères. Des histoires exceptionnelles de celles qui ont osé afficher leurs différences et leurs audaces sans tenir compte du regard d’autrui. Grâce à ces pionnières, les sportives dans leur ensemble ont gagné de nombreuses batailles de manière parfois si exemplaire que leurs luttes ont servi la cause des femmes au sens large.
- Elles font face aux limites du corps
Cette thématique permet d’interroger le visiteur sur un autre symbole sociétal : la femme doit être belle en toutes circonstances, se taire et faire fi de sa condition de physiologique de femme ! Pour exemple emblématique, jusqu'en 1969, les sportives étaient sexuellement contrôlées avec l'exigence d'un certificat de féminité pour participer aux J.O. ! Outre les soucis d’égalité conjoncturels, la sportive est au cœur de représentations de beauté et doit répondre aux normes qui sont celles de son sexe biologique.
- Elles nous attendent aux jeux de 2024
La route se termine à Paris où, pour la première fois, 50 % des 10 500 athlètes engagés, originaires de 206 pays, devraient être des femmes. L’exposition se termine par l’histoire à écrire.
Des chiffres qui ne mentent pas
- 1896 JO d'Athènes, 14 pays engagés, 0 femme pour 245 hommes
- 1900 JO de Paris, 28 pays engagés, 27 femmes pour 1121 hommes
- 1904 JO de Saint-Louis, 12 pays engagés, 6 femmes pour 644 hommes
- 1908 JO de Londres, 22 pays engagés, 37 femmes pour 1 934 hommes
- 1924 JO de Paris, 44 pays engagés, 135 femmes pour 2 819 hommes
- 1936 JO de Berlin, 49 pays engagés, 328 femmes pour 3 738 hommes
- 1972 JO de Munich, 121 pays engagés, 1059 femmes pour 6 075 hommes
- 1992 JO de Barcelone, 169 pays engagés, 2704 femmes pour 6 652 hommes
- 2008 JO Pékin, 204 pays engagés, 4 746 femmes pour 6 282 hommes
- 2020 JO de Tokyo, 206 pays engagés, 5 409 femmes pour 5 910 hommes
90 : C’est le nombre d’années qu’il a fallu attendre pour qu’une femme soit élue membre du CIO (Comité International Olympique).
Hé oui, ils l’ont dit !
Parmi les petites phrases lues lors du parcours de l'exposition, certaines méritent d'être relevées...
- En 1922, le journal, "LE FIGARO" publie : "Voilà la leçon du 400 m cette épreuve terrible pour le corps féminin et qui le rend si peu aimable. Quelles sont ces furies toutes possédées par une sombre folie ? Leurs yeux sont hagards, leurs bouches sont crispées et je préfère ne pas parler de leurs poitrines ... ".
- En 1935, Siegfried Edström le président du CIO déclare : "Vous savez combien Alice Milliat et son mouvement nous a causé de problème, et je souhaite que toute cette chose disparaisse de la surface de la terre".
- 1987, Marc Madiot, cycliste, à Jeannie Longo, cycliste : "Je suis contre le cyclisme féminin. Une femme sur un vélo, c'est moche"
- En 1998, David Douillet : "Pour moi une femme qui se bat au judo ou dans d’autres disciplines, ce n’est pas quelque chose de naturel, de valorisant (…) Pour l’équilibre des enfants, je pense que la femme est mieux au foyer".
- 2013, Pierre Ménès, journaliste, à propos des premières footballeuses : "De grosses dondons qui étaient certainement trop moches pour aller en boîte le samedi soir."
- 2018, Denis Balbir, journaliste : "Une femme qui commente le foot masculin, je suis contre. Dans une action de folie, elle va monter dans les aigus".
Ce fut long et lent, mais l'évolution est tout de même spectaculaire même si, évidemment, il reste encore tant à faire !
A vous de vous faire une opinion avec cette exposition, ouverte du mardi au dimanche, de 10h à 17h (jusqu'en mai), puis de juin à août tous les jours, de 10h à 18h. Attention : les jours de match à l’Allianz Riviera, le musée ferme exceptionnellement ses portes une heure avant le coup d’envoi du match.