On connaissait les anti-chant du coq ou les allergiques au fumier, mais pas encore les opposants aux odeurs d'oignons qui rissolent. Un traiteur du quartier de la Libération à Nice a dû renoncer à cuisiner cette spécialité culinaire. Les clients gourmands doivent se rabattre sur des pans bagnats. Les copropriétaires ont gagné la guerre de la pissaladière.
À Nice, on l'appelle le "pissaladière gate". Comprenez une affaire polémique, un scandale bien local.
C'est l'histoire d'un traiteur qui avait l'habitude de vendre 50 parts de pissaladière par jour et jusqu'à 150 le week-end. Une affaire qui tourne. Oui, mais voilà, les voisins ont demandé qu'il arrête la cuisson.
L'année dernière, il a reçu un premier courrier, l'année dernière, il a cru que c'était une blague. Ensuite, quand il a reçu la mise en demeure par un avocat, il a compris que ça prenait de l'ampleur.
"Mondialette de la pissaladière"
Pourtant, la fabrication n'est pas nouvelle. Claude Smaniotto cuisine la pissaladière, recette traditionnelle niçoise qu'il tient de sa grand-mère, depuis 10 ans dans le quartier de la Libération à Nice.
Pour ne plus déranger, il est passé de la pissaladière à une autre spécialité locale qui ne demande pas de cuisson : le pan-bagnat. Un comble pour celui qui a remporté la "Mondialette de la pissaladière" en 2018 !
"J'espère que je vais en vendre autant que les pissaladières et que l'odeur de l'huile d'olive ne les dérangera pas surtout !" explique Claude Smaniotto avec le sourire. Surtout, il ne cuisine plus du tout de plat chaud dans ce local : plus de ravioli en daube ou de petits farcis. Les clients sont les premiers punis.
Il ne s'explique pas cette soudaine aversion pour l'odeur des oignons, ingrédient principal de la pissaladière. Pourtant, des solutions techniques existent pour limiter les odeurs.
Les services d'hygiène ont proposé l'installation d'un tuyau d'extraction pour évacuer les fumées malodorantes... mais la copropriété a voté contre.
Patrimoine culinaire local
Depuis, Claude Smaniotto bénéficie du soutien du quartier de la Libération. Il a recueilli 150 signatures sur une pétition papier et 4.100 pour une pétition en ligne. Certains clients ne comprennent pas une telle opposition au patrimoine culinaire local : "Si c'était du stockfish ok, mais là c'est de la pissaladière !" "Je trouve ça lamentable", lâche une autre, "ils ne savent pas vivre ces gens-là !" Sauf que les copropriétaires ont la loi avec eux.
Pas d'autorisation de la copropriété
Le local est exploité depuis toujours comme commerce. C'est souvent le cas au pied des résidences d'habitation. Mais d'après le règlement, toute cuisson est interdite dans la copropriété.
Le traiteur ne souhaite pas porter l'affaire en justice. Mais il est obligé de continuer son activité, car l'interdiction de cuisiner la pissaladière a découragé un potentiel repreneur.
Pour une fois, ce n'est pas la salade niçoise qui fait parler d'elle.