Pendant deux jours, un logiciel de reconnaissance faciale est testé pendant le carnaval de Nice, avec le feu vert de la CNIL selon le maire de la ville. De son côté, la commission nationale informatique et liberté s'inscrit en faux, car elle n'a plus à donner d'autorisation formelle.
C'est confirmé. Ce mardi 19 février et le lendemain, la ville de Nice va tester un système de reconnaissance faciale sur la voie publique via ses caméras de vidéo-protection, dans l'enceinte du carnaval de Nice, dont la 135e édition a commencé il y a trois jours.
Nous avons reçu le 15 février, pour la première fois, l’autorisation d’expérimenter la reconnaissance faciale durant le @nice_carnaval. Nous devons utiliser toutes les innovations possibles au service de notre sécurité ! #Nice06 pic.twitter.com/jl4cq8NmeE
— Christian Estrosi (@cestrosi) 18 février 2019
Ce test consiste à demander à un millier de volontaires venant au Carnaval de jouer le rôle de "cobaye" et d'accepter le principe de la reconnaissance faciale, ce qui permettra ensuite de rechercher parmi eux des personnes disparues ou suspectes dont les opérateurs de vidéo-surveillance auront la photo.
Les personnes qui ne seront pas volontaires auront le visage flouté et ne seront pas reconnaissables sur les images.
6 caméras de vidéo-surveillance dans le périmètre
Concrètement, l'expérimentation va permettre de tester différents scénarios, comme celui d'un enfant perdu dans la foule, d'une personne âgée vulnérable elle aussi égarée ou encore d'une personne dite "d'intérêt", c'est-à-dire recherchée, en mettant en oeuvre six caméras de vidéo-surveillance positionnées sur le périmètre de test.
Patrick Allemand, conseiller municipal d'opposition, est très circonspect.
Le logiciel "Any Vision" utilisé permet notamment, indique Jean-Philippe Claret, président de Confidentia qui dispose de sa licence, "de reconnaître quelqu'un même si la photo a trente ans" ou encore de reconnaître une personne passant de profil près d'une caméra, même si la photo fournie est de face.
Les Niçois semblent plutôt pour.
A l'issue de cette expérimentation, un rapport sera remis à la CNIL dans un délai de deux mois.
Une requête en urgence pour la CNIL
Pour le maire de Nice, la CNIL, commission nationale informatique et liberté a donné son feu vert, mais dans une courrier transmis à l'AFP, la commission dit "regretter l'urgence dans laquelle ses services ont été sollicités" et précise que ces circonstances" ne sont pas "de nature à favoriser un travail d'analyse approfondie du dispositif projeté". Par ailleurs, elle explique que depuis l'entrée en application du Règlement général sur la protection des données (RGPD) en mai, "ces dispositifs ne sont plus soumis à son autorisation préalable".
La CNIL souligne que "l'expérimentation projetée ne saurait aller au-delà du simple test du dispositif technique" et que "si le dispositif était effectivement utilisé à des fins de sécurité ou de prévention (prévention et détection des infractions pénales, enquêtes et poursuites, protection contre les menaces pour la sécurité publique), il y aurait lieu de faire application non pas du RGPD, mais de la directive Police justice du 27 avril 2016".
CHRISTIAN ESTROSI ET LA RECONNAISSANCE FACIALE
La ville de Nice compte 2.350 caméras, soit une pour 145 habitants.Christian Estrosi, maire de la commune et patron de la Métropole, se bat depuis 2016 pour faire modifier la législation sur l'utilisation de la reconnaissance faciale. A l'occasion de l'Euro 2016 de football, quelques semaines avant l'attentat de Nice, sur la promenade de Anglais, il avait déjà demandé sans succès au gouvernement l'autorisation d'utiliser cette technique à l'entrée de la fan zone installée dans sa ville.
En décembre dernier, il a demandé au préfet de lui fournir la liste des "fichés S" de sa ville, afin de "pouvoir suivre toutes les allées et venues, dans les transports en commun, dans les artères, dans les lieux publics, des individus en question", via un logiciel de reconnaissance faciale qui serait relié à l'ensemble des caméras de la ville.