Entre informations contradictoires et de nombreux arrêts de trains, les usagers qui voulaient rallier Nice, Biot, Antibes, Cannes, Mandelieu ou Draguignan ont vécu une vraie galère ce lundi soir, mais aussi ce matin du 30 novembre. Récit d’un quotidien ordinaire ?
Cette soirée du 29 novembre, les naufragés du TER longeant le bord de mer azuréen ont souffert. Un premier tweet annonce une reprise du trafic à 20h15. Le décor est posé. Début de soirée difficile en vue pour les usagers de l'axe Monaco-Draguignan. Le site SNCF TER Paca donne alors, au maximum, 20 minutes de retard.
4 heures pour faire Monaco-Cannes
Au fil de la soirée, les réactions sur les quais et à bord du train s'enchainent. “Je suis partie à 18h11 de Monaco”, précise une travailleuse monégasque. Elle arrivera en gare de Cannes près de 4 heures après son départ.
Elle rajoute : "Là je suis au bout du bout, après je ne peux pas faire autrement. J'ai regardé sur internet et puis ils ont donné des informations vocales. C'est toujours pareil, on nous annonce quelques minutes de retard, et puis c'est une heure, deux heures. Quand on a démarré à Cagnes-sur-Mer, j'ai cru qu'on allait avancer d'une traite".
Elle s’est bien levée pour se dégourdir les jambes mais elle a fini par se poser : “plus envie de bouger”. Désabusée, cette employée utilise tous les jours le TER pour aller travailler en Principauté. Après une pleine journée de travail, elle croit avoir compté 4 ou 5 longs arrêts sur les voies, à Nice notamment. Rien à boire ni à manger, le dîner est encore loin. Elle arrivera finalement un peu avant 22h10 en gare de Cannes, sa destination.
Solutions de repli
En approchant de la gare de Biot, une dizaine de personnes attendent proches, taxis ou d’éventuelles solutions de repli. Un train stagne sur les rails, avec vue sur la Siesta et au loin, le Fort Carré antibois, il se dirige vers la cité aux remparts. Certains passagers ont un pied dans le train, un autre sur le quai, ils bloquent la fermeture des portes avant de jeter leur mégot dans une dernière volute de fumée. Tout est à l'arrêt depuis de très longues minutes, certains quittent la gare, d'autres hésitent encore.
Départ inopiné
Après avoir baissé sa vitre, le conducteur indique qu'à sa connaissance, il existe plusieurs problèmes sur la voie. Il évoque "une sorte de déraillement", des "personnes à évacuer d'un train entre Antibes et Cannes". Aucune nouvelle précise ne lui parvient par radio, impossible pour lui de donner des indications claires aux voyageurs. Une dame, chevelure grisonnante, hausse un peu le ton : "vous nous dites qu'il y en a pour quelques minutes, ça fait plus d'une demi-heure que j'attends".
Aux abords de la petite gare d'Antibes-Est, de jeunes passagers descendus du TER sont en ligne avec leurs parents. Une poignée de minutes après avoir échangé avec le conducteur, un train venant d'Antibes, en sens inverse, trace sur la voie. Le TER qui stationnait depuis de longues minutes reprend son trajet dans la nuit noire. Sans crier gare. Aucune annonce des haut-parleurs ou sons provenant du train. Les personnes qui hésitaient à réembarquer sont éberluées. "On a même pas été, prévenus" lance un jeune homme, "c'est hallucinant" s'énerve un autre qui continue avec un "quel bordel!". Deux jeunes femmes pressent le pas pour tenter de trouver un taxi.
Il est presque 21 heures, les écrans de la gare annoncent des retards de 1h40, il va falloir s'armer de patience. Un train corail effectuant la liaison Nice-Marseille a eu un problème technique à l'approche du tunnel menant à la gare de Cannes, des personnes ont dû être évacuées, les deux voies bloquées. C'est ce que confirmera le personnel de la gare d'Antibes, le matin du 30 novembre. La ligne fixe du service presse de la SNCF a bien été appelée à de nombreuses reprises, mais personne n'a décroché.
Portes fermées et problèmes de communication
Beaucoup tentent de joindre la SNCF par téléphone. Le numéro 08.00.11.40.23 est l'un des rares à être indiqué sur les réseaux sociaux, il est saturé d'appels et aucun personnel de l'opérateur ne répond.
Sur le fil tweeter, plus trop de nouvelles, un tweet est même épinglé en haut de page, rien à voir avec les perturbations en cours. On y parle calendrier de l'Avent, et offres promotionnelles.
Un autre train arrive et s'arrête en bout de quai. Des usagers courent jusqu'aux portes qui refusent de s'ouvrir. Le conducteur leur précise que pour des raisons de sécurité, il ne peut laisser personne descendre ou monter.
Bénis soient ceux qui ont encore de la batterie
Le conducteur explique qu'il y a "5 trains en enfilade", et que le service reprend normalement. A 21h10, la ligne téléphonique de la SNCF décroche enfin. Un train allant vers Cannes - et qui doit ouvrir ses portes cette fois-ci - est annoncé à 21h16. Il arrivera à 21h33 à Biot.
A cette heure, c'est le calme plat dans le wagon. Pas d’énervement, à quoi bon. Les dizaines de personnes croisées en arpentant les voitures ont tous les yeux rivés sur leurs smartphones. Séries, réseaux sociaux, mail, sms. Certains sont en ligne avec leurs proches, pour s’excuser du retard, ou pour raconter leur galère du soir.
“C'est une honte, mais on est habitués”, commente une jeune femme ravie d’avoir profiter du Black friday pour s’offrir son smartphone qu’elle a - vraiment - le temps de découvrir et de paramétrer. Elle n'a pas pu trouver plus d'informations sur ce qu'il s'est passé, ou sur les raisons d'un tel retard.
Gare d'Antibes, 10 minutes d'arrêt
Gare d'Antibes, 10 minutes s'écoulent sans aucune annonce du conducteur. Même à l'approche des gares, le nom des villes n'est plus énoncé. Un utilisateur étranger, peu coutumier du trajet, colle son nez sur la vitre. Il essaie de deviner où il se trouve. A ce moment-là de la soirée, dans ce train silencieux où des dizaines de passagers fatiguent, les gares ne sont même plus annoncées par les panneaux d’affichage internes, idem pour des d'éventuelles informations concernant le trafic.
Les mots "Bienvenue à bord de ce TER Zou à destination des Arcs-Draguignan" continuent de défiler sur la ligne de leds supposée détailler l'itinéraire.
Le conducteur prend finalement la parole, précise avoir parlé à sa régulatrice, et que le trafic reprend enfin son rythme normal. Il est 21h54. "Merci pour votre patience, nous allons enfin pouvoir aller gare de Draguignan" ponctue-t-il.
Un jeune homme, la vingtaine, masque noir et les mains dans les poches, se montre philosophe. Il a embarqué à Nice à 18h48 dans une gare niçoise, il est près de 22 heures. "Tous les usagers aguerris savent à quoi s’attendre sur cette ligne. Au bout de deux heures d’attente, beaucoup se sont résignés, ils ont cherché à trouver d’autres solutions, taxis ou Uber. Moi, je n’ai pas l’argent, mais j’ai du temps" explique-t-il dans un calme olympien. Un peu de sagesse pour terminer cette soirée aux allures de coup fourré.
Rebelote le lendemain matin
Après une soirée contrariée ce lundi 29 novembre, certains utilisateurs se retrouvent à nouveau sur les quais ce mardi matin. Rebelote côté retards. Un train prévu à 7h22 en gare de Cannes affiche 5, puis 30, puis 35 minutes de retard. Aucun personnel parmi la foule de gens qui s'agglutine sur le quai.
A 7h51, une annonce vocale, enfin. "Ah ben voilà, c'est ce qu'on attendait" plaisante une jeune usagère, AirPods au fond des oreilles et masque collé au visage. Tout le monde se précipite aux portes. A l'intérieur, le train est bondé comme un RER francilien aux heures de pointes. Entre les vélos et trottinettes qui sont à bord avec leurs propriétaires, les valises et sacs à dos volumineux de certains, difficile de se frayer un chemin, d'entrer ou même de sortir du train sans trop d'encombres.
Un autre TER a été vidé de ses voyageurs. Des usagers un peu perdus se retrouvent dépourvus de moyen de transport. Le conducteur stipule qu'il y a un "problème d'aiguille".
Il reprendra sa route quelques minutes plus tard, sans aucun passager à son bord.