Journée de la Femme : la cheffe d'entreprise Corinne Versini raconte son combat contre le cancer du sein

Corinne Versini est chef d'entreprise dans le secteur des biotechnologies. En 2020, tombe le diagnostic de son cancer du sein. Elle mène alors deux combats de front, contre sa maladie et pour la bonne marche de son entreprise. Témoignage.

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Corinne Versini est une battante. Chimiste de formation, elle a fait Centrale Marseille et HEC, et elle a fondé sa société, Genes'Ink, spécialisée dans les nanotechnologies en 2010, à Rousset (Bouches-du-Rhône). 

En novembre 2020, son monde bascule quand on lui diagnostique un cancer du sein. Elle a 59 ans.  

"Au début, on m’a dit que je n’aurais pas besoin de chimio. Mais après l’opération, qui a eu lieu en décembre de la même année, on m’annonce que finalement, j’en aurais besoin ", se souvient la dirigeante d'origine corse qui a fait Centrale Marseille et HEC

Un nouveau combat commence alors pour Corinne Versini. Mais sa détermination et son tempérament ne faiblissent pas.

"Je ne me suis jamais dit que j’allais lâcher, ça ne m’a même pas traversé l’esprit ", raconte-t-elle, la tête bien droite, fière.

Le travail comme bouée de secours

La chimiothérapie est une étape des plus douloureuses à vivre pour Corinne. Tout de bleu vêtue, des boucles d’oreille au pull en passant par le foulard, elle se livre sur ce moment de sa vie.

Pour la première fois depuis notre échange, son sourire s’efface. 

" Pendant ma chimio, je regardais "à arme égale (G. I Jane) ". Quand j’ai eu la chimio mes cheveux sont tombés par paquets".

La gorge de Corinne se noue, les mots ne sortent plus. Les larmes s’échappent de ces yeux gris.

Après une respiration, elle reprend. "Je me suis dit que ce n'était pas possible, qu’il fallait que je reprenne le contrôle, donc je me suis rasée le crâne. Demi Moore le fait dans le film, et je me suis complètement identifiée à cette femme. "

A ce moment-là de la maladie, le travail lui permet de garder la tête hors de l’eau.

"Sans, je serais devenue folle, parce que les traitements vous font perdre la mémoire. J’étais en télétravail et tous les jours, j’avais les gens du bureau au téléphone. C’était une vraie fenêtre sur la liberté".

Quand je sortais de la chimio, parfois c’était l’enfer, et d’avoir des gens au téléphone ça faisait un bien fou.

Corinne Versini

Lorsqu’on écoute Corinne parler de sa maladie, on se rend compte qu’elle l’a gérée comme une entreprise.

"J’ai toujours fonctionné en bénéfice-risque. Si je gardais les deux glandes mammaires, j’avais un risque de récidive entre 20 et 25%. Alors que si je les enlevais, il descendait à "exceptionnel". A chaque fois, j’ai réfléchi comme ça, et je continue. C’est un peu mon esprit chef d’entreprise qui me fait réfléchir comme ça ", reconnaît-elle en riant.

Se sentir femme

Corinne Versini n’a plus aucune glande féminine. "Vous êtes toujours une femme vous savez? ", lui dit un chirurgien. "Je sais, je lui ai répondu. C’est pas parce que je me suis tout fait enlever que je ne suis plus une femme. C’est pas des glandes qui définissent mon sexe, c’est ce que j’ai dans la tête."

La féminité, on la retrouve sur la peau de la chef d’entreprise. Dans son dos, un tatouage de la déesse de la féminité aux traits très fins, qui recouvre l’intégralité de son dos.

Une chose est sûre, la maladie ne lui a retiré ni son sourire, ni sa coquetterie. Un joli rouge recouvre ses lèvres et un train de crayon dessine ses paupières.

La solitude du chef d’entreprise

Lors de l’annonce de sa maladie, la plupart de son équipe s’est montrée très solidaire. Mais la déception a pourtant frappé à la porte de Corinne.

"La solitude du chef d’entreprise, elle existe. Et quand on est une femme, elle est encore plus grande. Au moindre petit obstacle, les gens préfèrent partir plutôt que de le franchir avec vous. Et c’est ce qu’il s’est passé quand j’ai été malade ", relate-t-elle, la gorge nouée.

Par peur, certains ont quitté le navire. Là encore, Corinne fait preuve d’un état d’esprit assez surprenant.

"Mais je ne lui en veux pas. Elle a fait ça avec son ressenti et ses sentiments de l’époque. Vous ne pouvez pas en vouloir à quelqu’un qui à peur, tout comme on ne peut pas en vouloir à quelqu’un qui a froid ", raconte-t-elle fataliste.

Confrontée au sexisme dans l’industrie

Avant de créer son entreprise Gens'Ink, Corinne Versini a toujours travaillé dans l’industrie, dans de grandes entreprises comme IBM ou STMicroelectronics. Un milieu où les hommes sont majoritaires.

"Ça a toujours été compliqué d’être une femme, parce qu’il fallait toujours prouver deux fois plus que les autres. Et quand je dis deux fois, je reste encore modeste ", dit-elle le sourire aux lèvres.

"Mais on est tous sexiste, déclare-t-elle. On a tendance à choisir des gens qui nous ressemblent, ça nous rassure. Ce qui permet de dépasser ce sexisme, c’est l’intelligence. Quand on réalise, à un moment donné, que si on s’unit avec quelqu’un qui est différent de nous, c’est justement pour avoir quelque chose de plus complet. "

Même en créant sa propre entreprise, ce sexisme ne la lâche pas. Elle le rencontre à nouveau au moment de lever des fonds.

"Les questions étaient tout le temps défensives : Et qu’est-ce que vous allez faire si vous vous plantez ?  Jamais on ne m’a demandé ce que je ferais si je réussissais mieux. Et je suis certaine que c’était parce que j’étais une femme ", confie-t-elle.

Vie pro ou perso, il faut choisir

Il lui aura fallu six ans pour que son projet d’entreprise aboutisse. Bien installée sur sa chaise, elle tient à préciser un point important de sa vie personnelle : son divorce.

"Je pense qu’il valait mieux que je sois seule. Parce qu’il est difficile d’être une femme et de prendre sa carrière en mains. C’est difficile de concilier l’épanouissement au travail et l’épanouissement à la maison. Souvent, si on veut l’un, il faut sacrifier l’autre et c’est dommage. On devrait pouvoir faire les deux."

Durant les deux premières années, le doute la ronge de l’intérieur. "J’ai eu le syndrome de l’imposteur. Je ne me sentais pas légitime."

Ce sentiment, elle l’explique parfaitement. Pour elle, tout vient de l’éducation que l’on reçoit.

"On éduque les filles en leur disant de faire attention, que c’est dangereux. Alors que les garçons, on les pousse à prendre des risques. Donc, moi je me retrouve à prendre des risques à une période de ma vie où j’avais plus de 48 ans, et là je me suis demandée si j’étais légitime et si j’allais y arriver ", livre Corinne.

J’ai dansé avec la mort. J’ai vu l’enfer et j’en suis revenue

Corinne Versini

Le cancer n’a pas anéanti Corinne Versini, bien au contraire. "J’ai plein de projets en tête, que j’avais déjà avant, et maintenant je sais que je vais les faire ", explique-t-elle, comme une revanche sur la vie.

"Le temps m’a fait changer dans ma réflexion. Je sais maintenant qu’il y a une date de péremption."

"J’aurais jamais pensé que j’étais quelqu’un d’aussi résistante et cette épreuve a changé mon image de moi. J’ai toujours été déterminée, costaude, mais là… C’est pas que je suis invulnérable, c’est qu’il n’y a plus rien qui me touche. Qu’est-ce que vous voulez me faire ? Plus rien. J’ai dansé avec la mort. J’ai vu l’enfer et j’en suis revenue. Il n’y a plus rien qui m’arrêtera maintenant ", conclut-elle.

Chaque année, près de 50.000 cancers du sein sont diagnostiqués en France. 

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