Parti d'Aix-en-Provence le 22 février, le bus d’alerte républicaine et démocratique du Camp des Milles sillonne la France pour alerter sur les extrémismes qui menacent notre démocratie. Hasard du calendrier, le 24 février, la Russie lançait son entreprise de "dénazification" en Ukraine.
"L'histoire montre jusqu'où mènent les extrêmes". L'inscription qui barre son flanc sonne comme un avertissement. Le bus d’alerte républicaine et démocratique (BARD) s'appuie sur les leçons de l'Histoire pour démasquer les dangers qui menacent aujourd'hui notre démocratie.
La campagne du BARD entamée le 22 février a été rattrapée par l'invasion de l'Ukraine lancée 48 heures plus tard par Vladimir Poutine au nom de la "dénazification".
"Cette invasion russe nous rappelle les deux éléments clés dans les processus qui mènent au pire : la notion d'engrenage et la notion d'extrémisme identitaire, on sent bien que c'est un extrémisme nationaliste russe qui prend le pas sur toutes les règles internationales des droits humains. On a là une réelle inquiétude avec le recul de l'Histoire", commente Alain Chouraqui, le président de la Fondation du Camp des Milles.
Cette campagne s'inscrit dans l'action d'éducation à la citoyenneté menée depuis 2012 par le Camp des Milles, près d'Aix-en-Provence. Ce lieu de mémoire raconte l'histoire des internements et des déportations durant la Seconde Guerre mondiale.
La Fondation du Camp des Milles a été créée pour renforcer la vigilance et la responsabilité des citoyens face au racisme, à l'antisémitisme et à tous les fanatismes.
Avec le BARD, c'est un peu le Site-Mémorial qui prend la route à la rencontre de différents publics à travers la France.
"L'idée a été de se dire, on va essayer d'aller vers les gens en apportant, pas le Mémorial avec ses richesses, mais l'essentiel des leçons de l'Histoire", explique Alain Chouraqui.
Des clés pour repérer le début de l'engrenage
Avec à son bord une exposition sur les génocides du XXe siècle, le BARD se veut un outil pour aider chaque citoyen à identifier les étapes d'un engrenage qui mène du racisme ordinaire aux crimes de masse, afin que chacun soit capable de repérer un processus déjà enclenché, et d'y résister avant qu’il ne soit trop tard.
"En nous appuyant sur les analyses tirées de l'Histoire, nous avons repéré des caractéristiques communes aux différentes tragédies qui précèdent le basculement de la démocratie et parfois des crimes de masse", explique le président de la Fondation du Camp des Milles.
"Nous constatons avec une très grande tristesse et préoccupation, que ces caractéristiques s'enchaînent depuis plusieurs années maintenant nous amenant sur cette ligne de crête où le basculement de la démocratie est possible".
L'exposition rappelle ainsi que l'étape historique qui précède le basculement de la démocratie est toujours marquée par ces signes : perte de repères, institutions attaquées, rejet des élites, crispations identitaires et montée des violences dans la société.
"C'est toujours l'extrémisme identitaire qui nourrit cet engrenage qui va du terreau du "racisme ordinaire" jusqu'au pire y compris le basculement de la démocratie".
Alain Chouraqui, président de la Fondation du Camp des Milles
Alain Chouraqui met en garde contre la passivité face à un processus enclenché en France depuis des années.
Résister, c'est d'abord voter
"Ce basculement n'est pas du tout inéluctable, chacun peut y résister".
"Chacun peut résister à sa manière, il n'est pas nécessaire de prendre des armes, ça commence par le vote, et très concrètement par le refus sur internet de relayer des messages haineux (...) toute chose qu'on pourrait en période calme laissez passer en considérant que ce n'est pas grave, des blagues racistes ou des choses comme ça, (...) il y a des moments où quand l'air est vicié, ça ne passe plus et il ne faut plus laisser passer", conclut Alain Chouraqui qui aborde ses questions dans son livre "Le vertige identitaire", à paraître ce mercredi 2 mars aux éditions Actes Sud.
Le bus d'alerte républicaine et démocratique du Camp des Milles va parcourir 6.000 km à travers la France avec des arrêts dans 20 villes au cours des six prochaines semaines.