Partis de Provence, jeudi matin d'Allauch, dans les Bouches-du-Rhône, ces bénévoles ont laissé, hier, leur chargement de matériel médical, de vêtements et de vivres à la frontière polono-ukrainienne. Ils sont maintenant sur la route du retour, avec, à bord, des femmes et des enfants qui fuient la guerre depuis la ville de Lutsk en Ukraine.
La nuit fut glaciale. À se réchauffer tant bien que mal toutes les extrémités du corps. Le sommeil peine à arriver dans ce fourgon qui roule, sans s’arrêter.
Seuls les enfants se sont endormis : Yana, la petite ukrainienne de 4 ans, et ses cousines, Kristina, 12 ans et Victoria, 17 ans.
Les mères restent silencieuses et refusent gentiment d’aller se restaurer par peur de les réveiller. Le repos est précieux pour elles, après tant d’heures d’attente pour fuir le pays, en convoi.
Enfin la frontière française
06h00 du matin, ce samedi. Le ciel s’éclaircit peu à peu pour tendre vers des nuances rosées.
Jean-Michel, le conducteur, en profite pour s’arrêter acheter un lion en peluche qu’il glisse entre les mains de Yana. Le Lion en peluche a été baptisé Bob.
Ses yeux s’écarquillent aussi lorsqu’elle aperçoit les smarties que Pauline, ma collègue journaliste, lui a offert.
Les échanges avec ces réfugiées ukrainiennes sont assez restreints, en raison de la barrière de la langue. Seule l’adolescente, qui nous invite à l’appeler Vika, parle anglais. Elle nous explique, autour d’un café, qu’elle a téléphoné à leur père, resté au combat. Lui est soulagé de les savoir en sécurité.
Mais la jeune fille, elle, s’inquiète : "Ça fait plusieurs nuits que je ne dors pas à force de regarder les informations et de savoir ce qui se passe en Ukraine." Un âge précoce et pourtant déjà la tête sur les épaules, elle tente de se tourner vers l’avenir proche qui l’attend en France.
Alina, sa tante mais aussi la sœur de Slava, habite dans les quartiers nord de Marseille. "Ça fait des années que je ne l’ai pas vue. J’ai hâte de la retrouver, ça va être émouvant" souffle-t-elle, avec à l’esprit des souvenirs de son séjour dans le sud en 2016.
C’est à table avec Valérie, mon autre collègue journaliste, que les jeunes femmes délient peu à peu leur langue pour se confier. Slava est cardiologue et Tania travaille dans un barber shop.
Lorsque le chauffeur leur annonce qu’on vient de franchir la frontière française, Tania applaudit timidement dans ses mains. Sa fille, elle, reste imperturbable. Son innocence nous ébloui. Elle admire le paysage à travers la fenêtre, les yeux bleu azur rivés sur des arbres dépourvus de feuilles le long de l’autoroute. Elle chante alors une comptine ukrainienne en tapant, à son tour, dans ses mains.
Le béret magique
À la pause déjeuner, sur une aire d’autoroute, Jean-Michel encore bouleversé de la veille, en profite pour nous raconter "l’histoire de son béret magique".
Il appartenait à son grand-père qui, pendant la seconde guerre mondiale, n’a pas hésité à débarquer à Marseille, alors en proie aux bombardements. Sa mission ? Y récupérer des enfants pour les mettre en sécurité dans la grande maison familiale de Grambois, dans le Vaucluse.
Plus de 70 ans après, Jean-Michel ou l’homme au béret comme on le surnomme par chez lui, garde ce souvenir en tête et sur celle-ci. "Mon porte-bonheur" ajoute-t-il en souriant. "Car ce sont désormais des enfants ukrainiens que je ramène dans cette même maison, à l’abris des bombes."
À 59 ans, ce marin-pompier à la retraite, vient surtout de vivre un miracle : retrouver toute la famille de la meilleure amie de sa femme russo-ukrainienne.
"Quand nous sommes arrivés à Medyka, je me suis agacé voyant qu’on ne déchargeait toujours pas nos affaires. C’était du temps de perdu pour chercher Slava et ses filles."
Alors qu’il arrive par hasard sur le campement des militaires, une femme arrive vers lui. "C’est vous Jean-Michel ?" demande-t-elle. C’était Slava, le fameux "miracle du béret".
Jean-Michel ne cesse de se remémorer ce moment et n’en revient toujours pas. Dehors, le soleil tape. "On est loin des températures en Ukraine" lance la réfugiée, secouant son pull pour se faire de l’air, aux côtés de sa famille réunie.
Toutes, des rangers aux pieds, s’apprêtent à affronter la dernière ligne droite de ce convoi. Direction Grambois, le petit village du Lubéron.
(Re)lire l'épisode 1 : le convoi de l'espoir, l'aventure humaine d'une famille partie aider des réfugiés
Relire l'épisode 2 : le convoi de l'espoir en Pologne vers la frontière ukrainienne
Relire l'épisode 3 : le convoi de l'espoir arrive au camp de réfugiés de Medyka