Une nouvelle usine doit voir le jour à Gardanne. Elle produira des carburants à partir de bois et d'hydrogène. Un projet dans le cadre de la reconversion d'une centrale à charbon à l'arrêt qui inquiète une partie des habitants de la ville. La concertation autour de ce projet se tient jusqu'au 15 novembre.
"Trop c'est trop, ras le bol"
Luc Le Mouel l'affirme haut et fort. Il n'a rien contre l'industrie. Mais pour lui Hynovera, c'est "le projet de trop".
Cette nouvelle usine s'inscrit pourtant dans un projet de reconversion d'une centrale à charbon très polluante. Depuis chez lui, Luc en voit les cheminées. Mais depuis l'été 2021, elles ne crachent plus de fumée.
Une décision imposée en 2018 par le gouvernement. La France s'est alors résolue à ne plus utiliser de charbon pour la production d'électricité d'ici le 1er janvier 2023. La fin d'une époque pour la ville de Gardanne, dont l'histoire est liée à l'industrie minière.
La centrale à charbon prochainement détruite
L'une des unités charbon a été remplacée par une fabrique d'électricité à biomasse. L'autre sera détruite prochainement.
Une partie du site de 80 hectares, partagé entre les communes de Gardanne et de Meyreuil, suscite l'intérêt d'une entreprise allemande, Hy2Gen. En accord avec l'actuel propriétaire de la centrale, Gazel Energies, l'industriel prévoit de produire des carburants à partir de bois et d'hydrogène. Le produit final sera destiné à l'industrie aéronautique.
La production est présentée comme "durable". L'hydrogène utilisé sera produit à partir d'énergies renouvelables, notamment celle de la nouvelle centrale biomasse. Le procédé réduira de 93% l'émission de gaz à effet de serre par rapport à la production de carburant classique, promet Hy2Gen.
Le projet qui s'inscrit dans un "pacte de territoire pour la transition écologique et industrielle" sensé prendre en compte à la fois les enjeux industriels et d'emploi, ainsi que la question écologique.
Une usine à risque pour les riverains
Malgré le discours rassurant de l'industriel, Luc Le Mouel craint qu'une usine polluante en chasse une autre. Il pointe le dossier de concertation, où l'on peut lire que l'usine sera une "Installation Classée pour la Protection de l'environnement" (ICPE). En clair, Hynovéra sera "susceptible de créer des risques ou de provoquer des pollutions ou nuisances, notamment pour la sécurité et la santé des riverains" indique le dossier de concertation.
Même si Hy2Gen assure que le risque sera "le plus bas possible", c'est ce point qui inquiète particulièrement Luc Le Mouel. Il est déjà engagé contre l'implantation de plusieurs usines "Seveso", du nom de la directive européenne visant à limiter les accidents industriels.
En plus du risque, il pointe la pollution générée par le ballet des camions qui livreront les copeaux de bois nécessaires à la production.
"Depuis le XIXe siècle, l'industrie a tout pollué ici. Il y avait une raison. Le charbon et la bauxite étaient sous nos pieds, il fallait donc implanter l'industrie à Gardanne."
Aujourd'hui, les matières premières utilisées sont importées. Pour Luc, Hynovera pourrait donc s'installer ailleurs. "On veut sauver les emplois c’est bien. Mais pour travailler faut d’abord vivre."
"Le problème c'est que personne ne veut d'usine dangereuse sur sa commune. Alors on prend ceux qui ont l'habitude et on les écrase".
Luc Le Mouel
Sur ce point, le maire de Gardanne se dit lui aussi vigilant. "On ne veut pas être la poubelle du département", affirme Hervé Granier (LR). "Gardanne doit rester une terre d'industrie, mais pas à n'importe quel prix."
"Je suis gardannais depuis 40 ans, mes enfants y grandissent, il est hors de question de laisser la moindre pollution sur notre ville".
S'il "comprend la colère des riverains", il se garde pour l'instant d'émettre un avis sur le projet Hynovera. "Je me positionnerai quand on aura toutes les informations." Une seule chose est sûre : "je m'opposerai à toute installation d'incinérateur", affirme Hervé Granier.
Le maire de Meyreuil, Jean-Pascal Gournès, nous a indiqué ne pas vouloir se prononcer avant la fin de la concertation.
Le projet Hynovera nécessite un investissement de 460 millions d'euros, dont 150 millions de subventions publiques. Il permettra de créer une cinquantaine d'emplois.