Au grand désespoir de beaucoup de boulistes, la pétanque reste interdite pour éviter les rassemblements . Un entrepreneur aubagnais propose cependant une solution pour pratiquer son sport préféré en toute sécurité. Nous l'avons testé.

S’il y a bien un sport à Marseille que beaucoup regrettent de ne plus pouvoir pratiquer, c’est la pétanque.

Il paraît même qu’on en a vu certains, brûler des cierges à la Bonne Mère pour un retour rapide sur les boulodromes.

Car oui, pour l’instant, les activités sportives à plusieurs sont encore interdites. Même pour la pétanque ! Je sais, ça tire les larmes.

La pétanque, c’est chic

Mais, c’était sans compter avec Vincent Lepeltier. Ce Breton (mais je n’ai pas le droit de vous le dire) amoureux de la Provence est installé à Aubagne depuis sept ans.

Il a monté une entreprise d’évènementiel. Puis de fil en aiguille, il déroule aujourd’hui des terrains de pétanque en location avec animateurs : "les Pétancoeurs", dans les plus grandes entreprises de l’hexagone (Mercedes, Wurth, Ricard, Haribo, Kedge, Orange, Carrières de Lumière).

Car oui, qu’on se le dise : la pétanque, c’est chic et c’est même bobo. Les cadres sup en sont gaga.

La petite entreprise était plutôt florissante et patatra dès la mi-février, catastrophe. Vincent Peltier perd 100 % de son business en trois jours.

"C’était la semaine du 17 février, un mois avant le confinement, tous nos évènements calés ont été annulés, les entreprises avaient peur", explique-t-il.

Une pétanque sans risque sanitaire

Vincent Peltier et ses Pétancoeurs se retrouvent sans aucun événement à organiser avant plusieurs mois.

Passé le stade de l’abattement, l’homme se dit qu’il faut continuer à jouer et que la seule manière de le faire et d’inventer un jeu qui respecte les barrières sanitaires.

Il faut avant et après chaque partie, désinfecter les boules, le cercle, le sol, le cochonnet et les rondins. Oui, mais comment ? 
Vincent Peltier envoie un dossier de près de 15 pages au comité de Lutte Contre les Infections Nosocomiales (CLIN). "Le comité a validé oralement notre process", souligne-t-il.

Alors, durant le confinement le Pétancoeur se met au travail. Il invente pour ses terrains un marquage au sol avec des cases pour les joueurs. Des cases éloignées d’un mètre.

Il met au point aussi un sens de circulation avec des flèches collées au ruban adhésif, au sol. Et bien sûr tout un protocole de désinfection des boules, du cochonnet et des cercles.

Et puis pour ceux qui malgré tout pourraient confondre leurs boules avec ceux du voisin, il propose des boules de couleurs ou des gommettes à coller.

"Mais, venez voir de vous-même plutôt que de faire un entretien par téléphone", lance Vincent Peltier.

Et comme votre serviteuse ne recule devant aucun sacrifice, RDV est pris sur le champ, à La Ciotat, ville de naissance de la pétanque comme chacun le sait, sauf les Lyonnais.

La Ciotat, ville de naissance de la "safe pétanque"

Vincent Peltier est déjà sur place lorsque j’arrive. Nous nous retrouvons sur le parking de l’entreprise de location de bureaux où il lui arrive de venir travailler.
On ne peut pas dire que l’endroit soit, en ce moment, très fréquenté. Tant mieux, nos exploits boulistiques n’attireront personne.

"C’est vide les entreprises sont encore beaucoup en télétravail", note-il.

Tout commence par un tapis de 10 mètres de long et de 2 de large que Vincent déroule. Puis vient le moment d’installer les bois autour du terrain.

Dans mes petits souliers, je demande si je peux aider … "Ah non je ne voudrais pas que vous vous blessiez". Je prends note et je reste donc sans rien faire à regarder Vincent Peltier installer son terrain.

C’est comme un mécano, un jeu de légo

En un quart d’heure, la chose est bouclée.
C’est enfin l’arrivée des boules. Il y en a pour tous les goûts … une boule couleur or, du plus bel effet sans doute cet été, avec une robe en lamé; une boule bleue très virile, c’est la préférée des joueurs de l’OM; des blanches classiques, des noires et enfin une belle paire de rouges sur laquelle je jette immédiatement mon dévolu.

Le lavage des mains avant toute chose

Le Pétancoeur démarre tout d’abord la partie et c’est important par un bon lavage des mains. Ici, pas d’eau courante, nous officions donc avec un gel bactéricide, fongicide et c’est très important : virucide.

Vincent Peltier en a fait une petite animation, pour que ce lavage en famille ou entre collègues soit aussi un bon moment de rigolade.
Le cochonnet, inutile de vous le dire, subit lui aussi un nettoyage en règle. Puis c’est le début de la partie.

Je ne m’appesantirai pas sur le score : un petit 13 à 4 pour Vincent Lepeltier…

Retour en revanche sur les innovations du Pétancoeur pour que la pétanque devienne un sport "safe".

Au sol des lignes et des flèches

Sur le tapis de jeu, des lignes et des flèches indiquent aux joueurs le sens de circulation pour aller récupérer ses boules.

"Les gens doivent être éloignés les uns des autres et avec ce marquage au sol, cela les incite à le faire", explique-t-il.

Des cases sont également prévues pour les joueurs qui attendent. Évidemment c’est un peu moins convivial.

"Mais oui ! Mais que voulez-vous : soit on trouve une parade, soit on meurt", lance-t-il.

Le mot est lâché. Car, c’est bien de cela qu’il s’agit : de survie. Sans un dispositif de sanitaire très strict, c’est la mort de la pétanque et avec elle de toutes les entreprises qui tournent autour.

L’entreprise de Vincent Peltier a déjà perdu des centaines de milliers d’euros. Même sans parler d’argent. Imaginez un monde sans pétanque. Le néant. 15 millions de joueurs désœuvrés, rien qu’en France.

Ce sport, c’est aussi un peu toute la vie de Vincent Lepeletier. 
"La pétanque, c’est transgénérationnel, ce sont vos grands-parents qui vous l’apprennent et puis, vous, vous l’apprendrez à vos petits-enfants".

Pour l’homme, la pétanque, c’est l’émotion, le respect, la confiance. "La pétanque, ce n’est pas seulement lancer des boules sur un terrain, c’est bien plus que cela".

Vincent Lepeltier s’agite. "Il faut qu’on se bouge, il faut que les entreprises aient à nouveau envie de travailler avec nous, on ne craint rien dans une partie de "safe pétanque".

Un sport convivial qui rassemble

J’argumente qu’avec le télétravail, cela risque de devenir encore plus compliqué de réunir des collaborateurs.

"Mais pas du tout. Au contraire même, rétorque-t-il. On peut imaginer une nouvelle manière de se réunir. On travaille de chez soi et une fois par semaine, on se réunit autour d’une partie de "safe pétanque". Il faut rester convivial. Il faut oser. On est des professionnels."

Vincet Lepeltier remballe son tapis, il sera passé au nettoyeur vapeur une fois à l’entrepôt. "A 120 degrés, le virus, il ne risque pas de résister".

Les boules passent une à une au désinfectant, je dis "adieu" à ma jolie paire rouge. Elle ne m’aura pas porté chance.

Vincent Lepeltier revient vers moi. Il ne m’a pas parlé de L’Enfant bleu. C’est une association qui vient au secours des enfants battus. Il lui verse chaque année une part non négligeable de sa marge. Mais pourquoi l’Enfant bleu ?

"Parce que l’injustice, ça me révolte, les enfants ou les femmes battus, ça me révulse. Regardez, j’ai les poils des bras qui se lèvent".

J’insiste encore un peu. Oui mais, la pétanque et les enfants battus, il n’y a pas de rapport ? Pour Vincent Peltier, ce sport c’est celui de l’enfance.
 
"Si vos parents vous aiment, ils vous apprennent la pétanque : le respect, l’écoute, les règles, les dangers".

"Moi, on ne peut pas dire que mon père ait toujours bien traité ma mère". Silence gêné. On termine l’entretien.

C’est vrai, ça serait dommage qu’un si joli sport disparaisse. Un sport connu sur la planète entière, un sport aussi bien masculin que féminin. Un sport qui rassemble.

Alors oui, il va falloir que vive la "safe pétanque". Finalement, c’est peut-être moi qui irai demain brûler un cierge à la Bonne Mère.
 
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