Un yacht de 86 mètres appartenant à un oligarque russe proche de Vladimir Poutine a été saisi par la douane française à La Ciotat, dans les Bouches-du-Rhône. Une saisie in extremis, dans le cadre de la mise en œuvre des sanctions de l'Union européenne contre la Russie.
A quelques heures près, le yacht aurait rejoint les eaux internationales. L'Amore-Vero, yacht de 86 mètres de long, a été saisi dans la nuit du 2 au 3 mars par la douane française aux chantiers navals de La Ciotat, dans les Bouches-du-Rhône.
Cette saisie entre dans le cadre des sanctions européennes contre la Russie. L'Union européenne a en effet établi une liste noire des personnalités sanctionnées par un gel de leurs avoirs et une interdiction de séjour en raison de leur soutien à Vladimir Poutine dans la guerre contre l'Ukraine.
Officiellement, 510 personnalités et entités russes et biélorusses figurent désormais sur cette liste. Elles peuvent faire l’objet d’un gel de leurs avoirs financiers et de leurs biens immobiliers. Les personnes restent propriétaires de ces actifs, mais ne peuvent ni les transférer ni les vendre. Igor Setchine, patron du groupe pétrolier russe Igor Rosneft et propriétaire de l'Amore-Vero, proche collaborateur de Vladimir Poutine, figue sur cette liste noire.
Tentative de fuite
Le navire était aux chantiers navals de La Ciotat pour des travaux depuis début janvier et devait y rester jusqu'au début du mois d'avril. "On a appris que ce navire allait stopper et qu’il avait l’intention de quitter les eaux communautaires. Ça nous a interrogés", relate Eric Salles, chef des opérations pour la garde-côte douanière et chargé de la communication pour la garde-côtes.
Le yacht était déjà connu des douanes et déjà contrôlé. L'une des difficultés auxquelles fait face la douane, est d'identifier le propriétaire réel des navires. Pour l'Amore-Vero, le pavillon n'est pas de la fédération de Russie. "La douane a les capacités de démanteler des structures de sociétés-écrans", et donc de remonter à l'oligarque russe.
En voulant quitter les eaux françaises, le yacht s'est retrouvé dans une "situation délictuelle" : "Il n’a pas respecté les mesures européennes d’immobilisation. L’équipage et l’armateur connaît très bien la réglementation européenne. Il devait partir vers la Turquie".
"On a diligenté un contrôle, on a vérifié un certain nombre d’informations et on a confirmé les intentions du capitaine qui avait l’ordre de quitter les eaux européennes". Le contrôle était donc "urgent".
Il s’apprêtait à partir, c’était une question d’heures.
Eric Salles, chef des opérations pour la garde-côte douanière
La saisie a été effectuée dans la nuit, par six agents de douane. L'appareillage était prévu le lendemain matin. Concrètement, des mesures techniques ont été prises à bord pour éviter qu'il ne s'échappe. Les papiers et la carte électronique de démarrage ont été récupérés. L'Amore-Vero est désormais totalement immobilisé, et surveillé 24h sur 24.
A bord du navire, l'équipage composé de cinq personnes européennes est également en situation délictuelle, ayant répondu à l'ordre de quitter les eaux françaises. Ils restent libres, mais ne quittent pas le navire, par mesure de sécurité et pour effectuer la maintenance courante.
La prise en charge financière de ce stationnement à La Ciotat reste à la charge du propriétaire, Igor Setchine. "Ce n'est absolument pas l'Etat français", insiste Eric Salles.
Un délit qui peut coûter "très cher"
Selon le chef des opérations, ce délit "peut coûter très cher". "Des peines de prison peuvent être infligées. Si on poursuivait ce navire en justice, le propriétaire encoure des peines de prison, de lourdes amendes. Et si l’équipage tente de s’échapper, il encoure aussi de lourdes sanctions".
Le gel du navire empêche le propriétaire de le vendre, le louer ou l'utiliser. "Dans la réglementation, si on traduisait en justice ce dossier, le bateau pourrait être confisqué. Cela correspond à une déchéance de propriété et l’Etat français deviendrait propriétaire. A ce stade, ce n’est pas prévu".
D'autres contrôles en cours
C'est la 4e saisie effectuée par la douane française. Un cargo russe de commerce, le Victor Andryukhin, a notamment été intercepté dimanche de le golfe de Fos-sur-Mer, avant d'être immobilisé à quai.
"Beaucoup de navires russes sont présents sur les côtes européennes. Nous sommes tous à l’affût, tous nos agents sont totalement focalisés sur ce type d'activité", indique la douane. En Méditerranée, 300 agents effectuent des contrôles sur la côte de Menton à Port-Vendres, de la frontière italienne à la frontière espagnole. Mais également en mer.
Dans un communiqué, paru ce vendredi 4 mars, le ministère de la Justice annonce "renforcer les contrôles sur les avoirs russes pour mieux identifier les avoirs gelés".
Les parquets "seront invités à ouvrir systématiquement des procédures judiciaires" à chaque signalement pour vérifier que les détenteurs d’avoirs gelés ne contreviennent pas aux sanctions ou à la loi, précise le Parisien.
Le cas échéant, le ministre préconise la saisie des avoirs "criminels" identifiés et précise que les biens confisqués seront en priorité affectés à des organisations à but non-lucratif.
Pour éviter que les oligarques russes n’échappent aux sanctions, comme a tenté de le faire Igor Setchine, une "task force" gouvernementale a été créée par le ministère de l’Économie, comprenant Tracfin et trois autres services gouvernementaux.