160 euros pour les enfants bénéficiant de la cantine gratuite, à Marseille certaines familles attendent toujours

A Marseille, des familles sont toujours dans l'attente d'une aide pour les enfants privés de cantine scolaire gratuite, pour cause de confinement. Problème, le dispositif ne prévoit pas de versement pour les familles sans numéro d'allocataire à la CAF. Un imbroglio administratif qui exaspère.

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Dans le centre de Marseille, Samira vit avec son mari et ses cinq enfants, dont son fils de quatre ans et sa fille de neuf ans. Ses deux derniers sont scolarisés dans des écoles de la ville, en moyenne section et CE2.

La famille gagne en moyenne chaque mois 1.600 euros. Mais avec un loyer de 760 euros, plus les différentes charges à payer, Samira et son mari n'ont pas des revenus suffisants pour nourrir leurs cinq enfants.

Les deux derniers bénéficient de la gratuité de la cantine dans leurs écoles. Mais depuis le 16 mars et le confinement, Inès a deux bouches supplémentaires à nourrir chaque midi.

"Ca nous a mis dans la difficulté tout de suite. Déjà qu'en règle général ce n'est pas facile, on mange avec ce qu'il nous reste. Heureusement, les associations nous ont permis de survivre", indique Samira.

Après la perte de son titre de séjour, octroyé pour accompagner son premier enfant malade sur le territoire, la jeune femme n'a plus de numéro d'allocataire de la caisse d'allocations familiales (CAF), et ne reçoit aucune aide pour sa famille.

Elle se retrouve du coup bloquée pour recevoir l'aide promise par la mairie de Marseille le 8 avril pour tous les enfants de familles modestes, habituellement accueillis gratuitement dans les cantines scolaires.

160 euros d'aide par enfant

Cette aide concerne près de 2.000 enfants. La mairie a décidé d'octroyer 5 euros par repas du 11 mars au 16 mai. Pour la famille de Samira, c'est un manque à gagner de 160 euros.

"Nous avons versé 312.800 euros à la CAF, qui les distribuera à ses allocataires", explique les services de la mairie. 256 familles auraient déjà reçu leur versement, selon la ville de Marseille.

"Il y a un gros travail des agents en ce sens. Après certaines familles ne se sont pas encore manifestées", confirme la mairie.

Pour le réseau d'éducation sans frontières des Bouches-du-Rhône (RESF 13), le collectif des écoles de Marseille et l'association Les Minots de Noailles, l'attente des familles, cinq semaines après l'annonce du maire, est "interminable"

Les associations et collectifs se fédèrent autour des familles avec l'envoi de courrier à la mairie pour dénoncer la situation. Ils s'inquiètent du versement pour celles qui ne sont pas allocataires CAF.

"Qu'est-ce qui est prévu pour eux ? Il y a des demandeurs d'asile, la situation est très complexe pour eux. Nous avons fait des demandes, des lettres, notamment une du 15 mai. Mais ça ne bouge pas beaucoup", explique Bernadette Mattrat, animatrice RESF 13.

Réfléxion pour les non allocataires

Pour les enfants dont la famille ne possède pas de numéro d'allocataire CAF, la mairie est en pleine réflexion.

"C'est en cours. Nos agents travaillent dessus. Nous essayons de règler la chose le plus rapidement possible", rapporte les services de la mairie de Marseille.

Du côté des associations, cette réflexion interroge. Elles pointent des négligences dans la gestion municipale.

"Ils sont au courant de tout pourtant. Il y a un service dédié à la gratuité dans les cantines. Mais ils tardent, comme d'habitude, même depuis les annonces du maire. On a même demandé les numéros Sodexo aux familles", confie sous couvert d'anonymat, une représentante d'association proche de familles.

Une série de dysfonctionnements

Pour le versement de l'aide, les services de la mairie ont envoyé un sms à toutes les familles concernées. 

Les familles, comme celle de Samira, ont répondu par mail à la mairie. Mais un mail d'erreur leur a été renvoyé avec le message suivant "l'adresse de votre destinaire n'existe pas".

"On a attendu, impatient, mais avec ce qui est arrivé, on a perdu espoir. En plus, il demande le numéro CAF alors que nous n'en avons pas et ils le savent. Alors, on voulait laisser tomber, mais les associations nous ont pas lâché en nous disant que c'était les droits de nos enfants", explique Samira.

Après le courrier des associations concernant les personnes non inscrites à la CAF et des appels au numéro vert, les services de la mairie leur ont demandé leur code Sodexo.

"C'est très difficile d'avoir les services. La CAF a répondu dans la journée, mais la mairie. Et puis dernièrement j'ai appris que le service de la gratuité a demandé aux directrices et directeurs d'école les élèves qui mangeaient gratuitement à la cantine et les numéros Sodexo. On marche sur la tête, il le demande aux familles, puis aux écoles", détaille une membre d'un des collectifs pour l'aide aux plus démunis.

Des associations prennent le relais de la mairie

Aujourd'hui, selon ces associations, des centaines de familles n'ont toujours pas reçu l'aide de la mairie. Depuis le début du confinement, elles ont pu compter sur leurs soutien pour "survivre".

"Ils ont été là dès le premier jour à nous livrer des produits de première nécessite. Nous avons survécu grâce à eux", reconnaît Samira.

Des colis ont été livrés aux familles avec du sel, des pâtes, de l'huile mais également d'autres produits. 

"Nous nous sommes substitués à l'Etat sur le terrain dès la première semaine. Ces personnes avaient peur, ne pouvaient pas faire d'attestation, ils restaient à la maison sans manger", raconte la membre d'une association marseillaise.

Des chèques alimentaires versés dans d'autres villes

A Paris ou encore à Brest, des chèques alimentaires ont été versés aux familles des enfants bénéficiant de la gratuité à la cantine. La ville bretonne a également remis une aide aux enfants ayant des tarifs réduits. 300.000 euros ont été versés aux familles de 2.200 enfants, soit un chèque de 150 euros.

A Marseille, les associations militent désormais pour que l'aide soit étendue aux enfants bénéficiant de la semi-gratuité de la cantine.

"Regardez ce qui s'est fait à Brest, une ville plus petite. Pourquoi nous ne ferions pas la même chose ici. Nous allons faire la demande", souligne Bernadette Mattrat, animatrice RESF 13.

Avant ça, les associations continuent leur combat pour obtenir "ce que doivent recevoir toutes ses familles dans le besoin. Nous ne lâcherons rien".
 
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