Dans une enquête intitulée "Face au privilège des jets ", le Mediavivant jette la lumière sur l'empreinte carbone des vols en jet privé de Rodolphe Saadé et de la CMA CGM, puissant armateur basé à Marseille.
Des chiffres qui donnent le tournis. D'après une enquête du Mediavivant, le jet privé de la CMA CGM a rejeté 2468 tonnes d'équivalent de CO₂ entre mai 2023 et avril 2024. Toujours selon les calculs du Mediavivant, ces émissions représentent 274 ans d’empreinte carbone d’un Français moyen.
Des chiffres "impressionnants", selon Nicolas Raffin, porte-parole de l'ONG Transport & Environnement, mais "pas surprenants. Les jets privés sont les moyens de transport les plus polluants. Le jet privé va émettre 5 à 14 fois plus de CO₂ par passager qu'un avion commercial", poursuit-il.
Les trajets de l'armateur le plus puissant de Marseille sont d'ordre professionnels et personnels : un vol Marseille-Pékin le 29 février dernier pour une rencontre avec le vice-président chinois ou encore un trajet vers le Caire le 16 janvier 2024 pour un rendez-vous avec le président égyptien Al-Sissi. Ce jet privé fait également des allers-retours au Liban, d’où est originaire la famille Saadé, mais se rend aussi à Riyad, Abou Dabi ou Washington, nous apprend le Mediavivant.
Des vols réguliers entre Paris et Marseille
Le groupe CMA CGM explique ainsi l’utilisation de ce jet privé : "Cet avion est utilisé à titre professionnel par les équipes de direction du Groupe CMA CGM. Cette utilisation est requise dans la mesure où l’aéroport de Marseille-Provence-Marignane propose peu de vols commerciaux, pour les destinations citées en exemple".
L'enquête note pourtant des vols réguliers entre Paris et Marseille, un trajet couvert largement par des vols commerciaux ou des TGV. Autre bizarrerie, l'emploi du jet privé dénote avec l'objectif affiché de réduction de 80 % des émissions de gaz à effet de serre d’ici 2040 par la CMA CGM.
Nicolas Raffin estime que le cas Saadé illustre bien la nécessité "de réguler les voyages d'affaires dans un contexte où chaque entreprise doit baisser ses émissions de CO₂ en privilégiant les réunions à distance aux voyages ou en ayant recours au train pour les destinations en Europe".
Vers une interdiction des jets privés ?
Les chiffres faramineux d'émission de CO₂ par les jets privés reviennent régulièrement dans le débat public. Sur Instagram, le compte "L'avion de Bernard", comptabilisant plus de 85 000 abonnés, retrace les déplacements en jet du multi-milliardaire français Bernard Arnault. Le 6 avril 2023, la proposition de loi présentée par l'ex-député EELV Julien Bayou, qui visait à interdire les vols en jets privés, a été rejetée par l'Assemblée nationale.
L'ONG Transport & Environnement se positionne en faveur d'une position moins radicale : "Après 2030, nous souhaitons une interdiction des jets privés qui utiliseront encore du keroséne au lieu de carburant de synthèse plus vertueux". En attendant, l'avion de Saadé peut encore bien s'octroyer quelques tours, polluants, dans le ciel.