40 ans de la Marche pour l'égalité et contre le racisme : "On est en train de passer le flambeau"

40 ans après le départ de Marseille de la Marche pour l'égalité et contre le racisme, appelée "Marche des Beurs", le combat continue, mais sous une autre forme. Un collectif se mobilise pour transmettre cet héritage à la nouvelle génération.

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Le 15 octobre 1983, une trentaine de jeunes et de militants partaient du quartier de La Cayolle, à Marseille, et entamaient une marche non-violente jusqu'à Paris, pour l'égalité, et contre le racisme. Après près de deux mois de marche, plus de 100 000 personnes se rassemblaient à la capitale. Quarante ans plus tard, le collectif Mémoires en marche, à Marseille, participe à une coordination nationale qui vise à transmettre cette histoire et sensibiliser autour de problématiques qui n'ont pas pris une ride. 

Continuité de l'action 

"Le 27 juin dernier, un policier a tué Nahel Merzouk, 17 ans, à Nanterre. Ça nous a rappelé ce qu'il s'est passé en 1980 à Marseille, Lahouari Ben Mohamed, 17 ans, tué par un CRS", explique Zohra Boukenouche, membre du collectif. En 1983, elle participe à l'organisation de la Marche pour l'égalité avec la radio pirate, radio Gazelle. Elle accueille les marcheurs venus du quartier des Minguettes, à Vénissieux. Aujourd'hui, elle veut "passer le flambeau", transmettre un héritage face à "un gouvernement sourd, qui se durcit".

Ce n'est pas normal qu'un gamin issu de la 4ᵉ génération d'immigrés dise encore : je suis algérien. Ça prouve qu'il y a eu un manque quelque part.

Zohra Boukenouche, collectif Mémoire en marche

à France 3 Provence-Alpes

"Plein de choses importantes n'ont pas été réglées. Et on le voit aujourd'hui avec les affaires de violences policières, les délits de faciès, les discriminations." 

Passer le flambeau

Pour Zohra Boukenouche, une marche comme en 1983 "n'a pas lieu d'être". "Le travail a été fait, les marcheurs ont traversé la France pour interpeller et dire : "Regardez, nous sommes des Français comme les autres." Aujourd'hui, le combat a évolué. Les espaces d'expression aussi. On est en train de transmettre quelque chose. De donner les clés. Tenez, c'est votre histoire."

Le flambeau passe dans les mains des jeunes, dont celle de Lotfi Moussa. Il fait partie du Collectif Jeunes, un groupe de jeunes militants qui ont décidé de s'unir à l'occasion des célébrations de la Marche pour l'égalité et contre le racisme. "Notre rôle, c'est d'entretenir le travail de mémoire et de stimuler l'engagement des jeunes générations sur ces combats", expose le jeune militant de 29 ans.

Lotfi Moussa a grandi dans les quartiers nord de Marseille, à Saint-Louis, dans le 15ᵉ arrondissement. Confronté aux fractures sociales et à la montée de l'extrême droite, Lotfi Moussa s'engage très vite en politique. "J'ai vécu tout ça à l'échelle locale". Il n'a pas connu la Marche de 1983, mais le racisme et les discriminations, oui. 

"Dans les recherches de stage, d'alternance. Puis, une fois diplômé, j'ai été victime de la discrimination à l'emploi. Une fois que j'avais un emploi, la discrimination pour trouver un logement. Une fois que j'avais un emploi, en logement, c'était à travers les loisirs de la vie de tous les jours, l'accès aux boîtes de nuit, au restaurant… On s'aperçoit que ça nous suit. Même quand on pense avoir réussi à s'extirper, la réalité nous rattrape". 

Aujourd'hui, je me bats pour que mes petits frères et sœurs n'aient plus à galérer pour décrocher un stage non rémunéré.

Lotfi Moussa, référent Collectif Jeunes

à France 3 Provence-Alpes

"40 ans après la Marche contre le racisme, notre rôle, c'est de sensibiliser la jeunesse, la pousser à l'engagement, à se conscientiser au maximum, décrit-il. Pour qu'une génération se saisisse du sujet et le combatte. Lutter, c'est transmettre".

Une génération désespérée 

"Quand on demande aux jeunes s'ils sont au courant de cette Marche en 1983, très peu acquiescent. C'est pourtant leur propre histoire, c'est alarmant", déplore Lotfi Moussa. Le militant évoque l'absence de cet épisode dans les livres d'histoire. "On a tendance à parler d'ailleurs dans le monde, à montrer les autres du doigt alors qu'on a le doigt sale". 

Lorsqu'il rencontre des jeunes, Lotfi entend "beaucoup de colère, et de dégoût". "On arrive à un stade d'abandon, de désespoir. Pour eux, la République n'est plus en capacité de répondre à ces problématiques. Ils n'attendent plus rien de qui que ce soit."

Il y a 40 ans, il y avait beaucoup d'espoir, de la part de la génération de nos parents. Aujourd'hui, il faut être à la hauteur de cet espoir-là, recréer un espoir.

Lotfi Moussa


à France 3 Provence-Alpes

De nouveaux moyens d'expression

Pour transmettre, le Collectif Jeunes utilise les outils actuels, comme les réseaux sociaux. "L'idée n'est pas de réitérer ce qui s'est fait en 1983, déclare le jeune militant. Pour des questions logistiques, de sécurité, de disponibilité, mais pas que. Ce n'est pas forcément en refaisant la même action qu'on obtiendra un résultat positif. Il y a d'autres moyens de parler aux gens."

Ce dimanche 15 octobre, des commémorations sont organisées de Marseille à Paris en passant par Lyon. Des débats, des conférences, des projections de films. Une exposition sur la Marche pour l'égalité et contre le racisme, "Là où il y a eu oppression, il y a eu résistance", sera également inaugurée au musée d'Histoire de la cité phocéenne. 

Un rassemblement symbolique est organisé devant l'Hôtel de Ville de Marseille. "L'idée, ce n'est pas de refaire ce qui a été fait, martèle Lotfi Moussa. L'ensemble de la coordination œuvre depuis des décennies. Mais de se mobiliser pour fédérer une nation. Et trouver la paix". 

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