L'ex-président PS du conseil général des Bouches-du-Rhône s'est exprimé pour la première fois depuis le début du procès
ce vendredi devant le tribunal correctionnel de Marseille.
A la barre tout au long de cette matinée d'audience, Jean-Noël Guérini s'est défendu d'avoir favorisé l'entreprise de "Monsieur Frère".
"J'ai toujours séparé les intérêts privés de mon frère et l'intérêt général, je n'ai jamais mélangé les genres", a affirmé le sénateur à la fin de cette première semaine de procès.
Face à son auditoire, l'ancien homme fort du PS des Bouches-du-Rhône a retrouvé toute sa verve. "Inutile de regarder la salle, c'est le tribunal que vous devez convaincre", a glissé, amusée, la présidente Céline Ballerini.
Mais les témoignages d'anciens collaborateurs et la diffusion d'écoutes téléphoniques entre lui et son frère l'ont montré apparemment plus sensible aux sollicitations de son cadet qu'il ne l'affirme.
La préémption du terrain Semaire en question
Evoquée dans la lettre anonyme à l'origine de l'enquête, la préemption puis la vente par le conseil général des Bouches-du-Rhône du terrain de la famille Semaire à la communauté d'agglomération Garlaban Huveaune Sainte-Baume
(GHB) est à l'origine des poursuites contre l'élu et son frère.
Ce terrain de La Ciotat, mitoyen du centre d'enfouissement de déchets du "Mentaure" exploité par Alexandre Guérini, suscitait alors bien des convoitises, dont celle de l'entrepreneur qui devait accroître sa capacité de stockage pour répondre aux conditions de l'appel d'offre de GHB qu'il avait remporté.
A la barre, le beau-fils de l'ancien propriétaire du terrain a assuré que sa famille avait subi des pressions pour vendre, "coups de fil anonymes, perte d'une roue de l'un de ses camions sur l'autoroute".
C'est la ville de La Ciotat qui va déclencher les hostilités en annonçant son intention de préempter le terrain Semaire, alors occupé par une décharge sauvage, pour des raisons de sécurité et environnementales.
Furieux, Jean-Noël Guérini décide de faire jouer la prééminence du conseil général pour préempter le terrain.
"Il y avait trois raisons à cela, la plus importante était politique", a-t-il dit, évoquant son refus de voir La Ciotat tenue par la droite lui damer le pion.
Il a également cité l'insécurité du site et la préservation d'une plante rare et protégée, le "liseron duveteux".
Une subvention pour l'extension de la décharge
Curieusement, le même jour, une subvention sera votée par le département pour l'extension de la décharge du Mentaure.
Pour l'ancien directeur de cabinet de Jean-Noël Guerini, Rémy Barges, "tout le monde au cabinet et au conseil général" savait que c'était en réalité "pour aider son frère".
Alors que la préemption du terrain Semaire devait entraîner son gel pendant 10 ans, la préfecture de région ouvre la voie à son utilisation pour agrandir la décharge en publiant en mars 2006 une déclaration d'utilité publique (DUP) d'urgence.
Dans la foulée, le conseil général revend le terrain à la communauté GHB avec laquelle travaille Alexandre Guérini.
"J'ai la conscience tranquille", a assuré Jean-Noël Guérini soulignant que c'était bien l'Etat et non lui qui avait changé la destination du terrain.
"Je ne pouvais pas imaginer que cette décision serait prise", a-t-il affirmé. En réalité, la préfecture avait déjà à plusieurs reprises manifesté son intention d'autoriser l'extension du Centre du Mentaure au terrain voisin, notamment dans un arrêté de novembre 2004.
Alors, Jean-Noël Guérini a-t-il sciemment manoeuvré pour favoriser son frère? "Jamais je ne me suis occupé de ses entreprises", a-t-il martelé même s'il a reconnu avoir souvent été sollicité par son cadet.
"Il avait la maladie du téléphone" mais "entre ce qu'il me disait de faire et ce que je faisais, il y avait la Méditerranée", a-t-il lancé.
Pourtant sur une écoute, on entend le sous-préfet d'Arles de l'époque, sollicité par l'élu pour un autre terrain convoité par Alexandre, lui expliquer: "Dites à votre frère qu'il prenne contact avec moi, j'arrangerai tout".