Un oeil porte-bonheur peint sous la corniche Kennedy veillait depuis plus de deux mois sur l'anse de la Fausse Monnaie. Il a été retiré ce jeudi 22 juillet par une entreprise de nettoyage envoyée par la mairie. La peinture, pourtant appréciée par beaucoup, déplaisait au chef étoilé Gérald Passedat.

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La sidération en dit long sur les réseaux sociaux. Jeudi 22 juillet au petit matin, alors que seuls les baigneurs les plus motivés étaient déjà dans l'eau, une équipe de nettoyage venait effacer le "Cyclope du littoral" dans l'anse de la Fausse Monnaie. Cet oeil bleu saphir peint dans la falaise sous la corniche Kennedy veillait depuis plus de deux mois sur ce coin populaire de Marseille.

Visiblement oppressé par ce regard protecteur, le chef étoilé Gérald Passedat, dont le restaurant est situé juste en face, avait sollicité à plusieurs reprises la mairie pour que celle-ci le débarrasse de sa source d'angoisse. "Un oeil est braqué sur mon établissement", se plaignait le chef cuisinier. 

L'adjointe à l'urbanisme Mathilde Chaboche, prise à partie sur Twitter le 30 juin dernier, renvoie alors le délicat problème à l'adjoint en charge du littoral Hervé Menchon qui, à la surprise générale, répondra favorablement à la requête du restaurateur.

"Gâchis", "paranoïa" et "caprice" pointés du doigt sur Twitter

Mais depuis jeudi dernier, la polémique enfle. La peinture plaisait à la grande majorité de ceux qui fréquentait la Fausse Monnaie et sur les réseaux sociaux on ne comprend pas comment Gérald Passedat a pu avoir gain de cause pour une chose pareille.

L'oeil, "poétique" et "réussi", formait en effet dans la roche comme un visage bienveillant sur cette pointe d'Endoume. Les accusations de clientélisme n'ont alors pas tardé, et "gâchis", "paranoïa" et "caprice" sont pointés du doigt.

De son côté Hervé Menchon explique avoir "agi en tant qu'élu au service de la collectivité". "Je n'ai même pas les coordonnées de M.Passedat !", se défend l'adjoint en charge du littoral, qui souligne que cette peinture n'avait pas d'autorisation et qu'elle était donc illégale. "Il faut avoir le courage politique d'agir pour l'ensemble des Marseillais", se targue-t-il, "dès lors qu'il y avait une plainte, je ne pouvais pas ne pas agir". 

Les pollutions marines du restaurant reviennent en mémoire

Sur Twitter, les réactions ne manquent alors pas de rappeler au restaurant étoilé son passé fâcheux. En 2019, des photos de peinture déversées dans la mer avaient fait scandale, une pollution juste en contrebas du restaurant qui ravalait sa façade. Des images qui tranchent aujourd'hui avec la plainte du restaurateur pour le joli oeil de la Corniche. 

Non sans humour les internautes, et notamment le journaliste de la Marseillaise David Coquille, soulignent d'ailleurs tous les éléments problématiques autour du restaurant. Entre ruines, escaliers fissurés et caméras de surveillance mal placées, ils posent à leur tour la question de ce qui est "autorisé"

"Ce n'est pas une oeuvre d'art"

Cette affaire soulève néanmoins une question existentielle : celle de savoir ce qu'est au juste une oeuvre d'art. Pour Gérald Passedat, ceci n'en était visiblement pas une mais le chef n'a pas souhaité répondre à nos sollicitations pour s'expliquer plus largement sur sa conception de l'art.

"Sans paternité, ce n'est pas une oeuvre sur un plan réglementaire", tranche de son côté Hervé Menchon. L'élu tient à détailler encore sa défense : "c'était du land art... un travail dans la nature donc par définition éphémère ! De toute façon, je suis sûr que l'auteur comptait les jours avant que ça ne disparaisse !" De là à dire que ce nettoyage était une partie intégrante de l'oeuvre, on est pas loin...

En attendant qu'un nouveau Nazar Boncuk revienne peut être à la Fausse Monnaie, un autre oeil continue lui de surplomber la mer : celui en céramique à la calanque de Saint-Jean de Dieu. À plusieurs dizaines de mètres de haut et loin de tout restaurant étoilé, il devrait pouvoir porter encore longtemps son regard sur la Méditerranée.

 

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