Du lundi 6 au vendredi 10 novembre, 15 prévenus sont jugés pour une escroquerie aux ramifications internationales au tribunal correctionnel de Marseille.
Les factures étaient vraies, mais les fournisseurs étaient des escrocs. Quinze personnes sont jugées à partir de ce lundi 6 novembre pour une vaste fraude aux ramifications internationales, 17 sociétés et associations se sont constituées parties civiles pour ces faits qui se sont déroulés principalement en 2015 et 2016. France 3 Provence-Alpes vous résume trois choses à savoir sur cette affaire.
Comment marchait l'escroquerie ?
L'escroquerie s'apparente à l'"arnaque au président" qui consiste à usurper l'identité d'un dirigeant d'entreprise pour convaincre un salarié de réaliser un virement. En l'occurrence, les escrocs usurpaient l'identité de fournisseurs pour se faire payer de vraies factures jamais honorées. Les prétendus créanciers informaient leurs "clients" d'un changement de domiciliation bancaire et réclamaient le paiement de véritables factures.
Pour piéger leurs victimes, les escrocs appelaient d'abord les fournisseurs des sociétés ciblées, en se faisant passer pour les clients, afin de connaître le montant des factures venant à échéance, avant d'endosser le rôle inverse.
Les escrocs se servaient d'un centre d’appels téléphoniques basé en Israël et des sociétés fictives basées à l’étranger, notamment en Espagne se chargeaient d’encaisser les fonds détournés. L'argent était souvent versé dans une banque de Madrid, sur un des comptes d'une société baptisée Murta Community, mais aussi en France, en Roumanie, en Bulgarie, en Pologne, à Hong-Kong...
Les prévenus sont jugés pour le chef d'escroquerie en bande organisée au blanchiment. Quatre des principaux protagonistes font l'objet d'un mandat d'arrêt depuis 2022.
Pourquoi le procès se tient-il à Marseille ?
L'un des prévenus est marseillais. Emmanuel Fitoussi, sous contrôle judiciaire depuis 2020, a reconnu avoir travaillé dans le centre d'appels d'Israël, sous le nom d'emprunt de "Patrick Montiel", mais comme simple employé, selon ses dires. Selon lui, trois des prévenus -Alain Lasserie, Wilfried El Baze et Stéphane Benhamou- étaient les chevilles ouvrières de ce centre.
Ses déclarations, ainsi que des enquêtes similaires menées à Bordeaux et Nancy, ont conduit les enquêteurs à soupçonner Alain Lasserie d'avoir été le cerveau de l'escroquerie et Stéphane Benhamou d'en avoir été l'opérateur (informatique, fausses adresses mails, faux RIB et justificatifs), tandis que Wilfried El Baze aurait recruté les personnes chargées d'ouvrir des sociétés fantômes à l'étranger, auxquelles transférer les fonds frauduleusement acquis.
Fitoussi, El Baze, Lasserie et Benhamou ont déjà été condamnés en décembre 2021 par le tribunal correctionnel de Bordeaux pour escroquerie en bande organisée, dans un autre volet de cette vaste arnaque suivi par la juridiction économique et financière (jirs) de Bordeaux.
Sur les bancs des prévenus figure aussi une série de personnes, pour la plupart domiciliées à Marseille, soupçonnées notamment d'avoir permis de blanchir de l'argent qui transitait par leurs comptes bancaires. Elles sont poursuivies pour complicité d'escroqueries commises en bande organisée et/ou blanchiment.
Qui sont les victimes de l'arnaque ?
Les entreprises lésées ou victimes de ces tentatives de fraudes étaient très diverses: des blanchisseries et hôtels, un distributeur de matériel de chauffage, salle de bains, carrelage et plomberie, des abattoirs, un Ehpad, etc. Au total, 17 entreprises ou associations à travers la France se sont constituées parties civiles dans ce procès.
Lors d'une tentative d'escroquerie de Dassault Aviation, à Martignas (Gironde), le service financier avait ainsi été contacté par un certain "Patrick Montiel", de Potez Aéronautique, pour vérifier la bonne réception d'un nouveau RIB envoyé de Marseille par la poste. Le même "Patrick Montiel" -pseudonyme récurrent dans ce dossier- avait auparavant contacté Potez Aéronautique en se faisant passer pour un responsable de Dassault, afin de se faire communiquer le montant des prochaines factures. Dans ce cas, aucune des deux sociétés ne s'était laissée berner. Mais d'autres ont été piégées, notamment par la justesse des montants réclamés, au centime près.