Arrivé en France par les Alpes-Maritimes il y a 20 ans, le moustique Tigre a progressivement colonisé la plupart des départements français. D'autres espèces invasives porteuses de maladies virales font leur apparition, conséquence du réchauffement climatique.
Avec le printemps, les moustiques ont fait leur grand retour. Depuis quelques semaines déjà, ils viennent agacer nos oreilles, annonceurs de piqûres, boutons et démangeaisons... Moustiques communs, moustique Tigre... il existe de nombreuses espèces présentes en France et sur le littoral méditerranéen en particulier. France 3 Provence-Alpes vous explique pourquoi vous n’avez pas fini de vous faire piquer par les moustiques en Provence.
- Combien de différentes espèces de moustiques y a-t-il en France ?
En 2020, 3.578 espèces de moustiques ont été inventoriées au niveau mondial, une centaine en Europe. En France métropolitaine, on en recense près de 70 espèces, dont une quarantaine sur le littoral méditerranéen, indique Charles Jeannin, entomologiste à l'Entente Interdépartementale (EID) Méditerranée.
En Provence, il y a une quarantaine d'espèces présentes, dont un dizaine seulement qui pique l'homme. Certaines espèces se sont spécialisées sur d'autres animaux pour prendre leur repas, comme les oiseaux en Camargue, par exemple. Certains moustiques sont au contraire "opportunistes" et "piquent tout ce qu'il trouve, reptiles comme mamifères pour prendre du sang un peu partout", explique Charles Jeannin.
- Quelles sont les espèces présentes en Provence ?
Parmi la quarantane d'espèces courante sur le littoral méditerranée, il faut distinguer les moustiques des marais, comme l'Aedes caspius et l'Aedes detritus que l'on trouve en Camargue, et les espèces urbaines comme l'Aedes albopictus, communément appelé moustique Tigre.
Les principales espèces nuisantes en Provence appartiennent au genre des Aedes et des Culex. Moustiques "des champs", les Aedes caspius et Aedes detritus se croisent dans les zones humides, même si à la faveur des vents ils peuvent se dispercer sur plusieurs dizaines de kilomètres. Moustiques communs qui prédominent un peu partout en France métropolitaine dès le mois de mars, les Culex Pipiens (qui signifie "gazouillis" en latin) règnent quant à eux sur les zones urbaines et péri-urbaines.
Aussi désagréables que soit leur présence dans notre environnement, ces moustiques ne sont pas porteurs de maladies. Le culex est responsable du virus West Nile, mais les cas de forme grave chez l'homme sont rares.
En revanchge, depuis 2004, un autre moustique "des villes", le moustique Tigre, a fait une arrivée remarquée en France métropolitaine. Détecté pour la première fois dans les Alpes-Maritimes, il a colonisé en 20 ans 71 départements. L'Aedes albopictus peut transmettre le chikungunya, la dengue et le Zika.
- Faut-il craindre l’arrivée de nouvelles espèces invasives ?
Vingt ans après l'arrivée du moustique Tigre en France, les Agences régionales de santé scrutent l'instroductions d'Aedes exotiques sur les points d'entrée, dans les ports et les aéroports et les marchés internationaux.
Le plus surveillé est le moustique égyptien, l'Aedes aegypt, premier vecteur de dengue sous les Tropiques. "Il était présent dans les ports du bassin méditerranéen il y a un siècle, à cause du transport de marchandises et du nombre important de réservoirs d'eau dans les ports où il n'y avait pas l'eau courante, car il pond dans les tonneaux et dans les pots de fleurs, et on avait des épidémies de fièvre jaune en Espagne ou à Athènes, explique l'entomologiste de l'EID. Avec les conditions sanitaires qui se sont améliorées, on l'a repoussé sous les Tropiques et maintenant on commence à le retrouver autour de la Méditerranée.
Favorisé par le réchauffement climatique, il est réapparu en Egypte, autour de la Mer Noire, en Géorgie, et en Russie.
J'ai identifié l'Aedes aegypti dans le port de Marseille.
Charles Jeannin, entomologiste à l'EID Méditerranée
Il est déjà présent en France. Charles Jeannin est "tombé de dessus" par hasard il y a quatre ans, à l'occasion de la surveillance renforcée menée sur le moustique Tigre. "J'ai identifié l'Aedes aegypti dans le port de Marseille, dans un de nos pièges, on a envoyé le moustique aux Etats-Unis à des chercheurs qui ont une base de données sur ce moustique et grâce à la génétique, ils ont pu nous dire qu'il venait du Cameroun". Une information confirmée par la présence d'un bateau en provenance de ce pays d'Afrique à 100 mètres du piège une semaine avant la capture.
Brun légèrement plus grand que le Tigre avec des rayures dorées sur la poitrine et non blanches, l''Aedes japonicus est aussi présent en Europe centrale, autour de l'Allemagne ou d'Autriche, d'où il pourrait facile venir en France un jour prochain. C'est une espèce qui ne supporte pas les températures supérieures à 30 degrés, mais ses œufs eux résistent mieux au froid et surtout au gel. Sa capacité d’expansion très rapide le rend tout particulièrement difficile à éradiquer. Ce moustique est vecteur de la dengue, chikungunya, le Zika, et du virus du Nil occidental.
Enfin la France surveille de près l'Aedes koreicus, proche du japonicus, présent notamment en Italie du Nord et l'Allemagne.
- Le réchauffement climatique est-il responsable de la multiplication des moustiques?
Les flux commerçiaux sont une porte d'entrée privilégiée pour les moustiques, d'une région du monde à l'autre. "Le réchauffement climatique contribue forcément à leur multiplication, car c'est un insecte et il ne régule pas sa température, il est à la température du milieu dans lequel il se trouve. A l'état larvaire au début de sa vie, plus l'eau est chaude et plus la larve va grandir vite", selon Charles Jeannin. Mais la chaleur a son revers, ajoute-til, le moustique ne supporte pas un air trop sec.
L'entomologiste précise par ailleurs qu'il n'observe pas plus de moustiques qu'avant mais plutôt des variations saisonnières et géographiques. "Le moustique Tigre n'est pas de plus en plus présent, mais il s'étend géographiquement,
- Comment le moustique Tigre est arrivé en France ?
"Ce qui a fait arriver le moustique Tigre chez nous ce n'est pas le réchauffement climatique, c'est la capacité de ses oeufs à supporter des longs voyages en bateaux et à se maintenir en zones tempérées quand il y a un hiver", souligne Charles Jeannin.
Si les flux commerciaux sont le principal mode d'entrée en France de ces espèces exotiques, une fois en France, leur propagation est encore le fait de l'homme. "Le moustique Tigre ne s'est pas déplacé lui-même pour coloniser les 71 départements, il monte dans les voitures et c'est l'homme qui le déplace, ou dans les démanagements. On a été témoin de gens qui ont déménagé d'Aix-en-Provence, avec tous leur jardin et leurs pots de fleurs, ils ont raméné toute une population de moustiques avec eux".
- Quelle maladie est-ce que je peux attraper avec ces moustiques ?
Les moustiques peuvent transmettre la dengue, la fièvre jaune, le chinkungunya et Zika. Les Culex sont principalement responsables de la fièvre du Nil Occidental (West Nile Virus), isolé pour la première en Camargue en 1964. Dans 80% des cas l'infection passe inaperçue. Le reste du temps, ça ressemble à une grippe, des complications méningées peuvent survenir mais elles sont rares. Une recrudescence de cette maladie a été observée ces denrières années sur le pourtour méditerranéen.
Pour 2022, Santé Publique France a rapporté 272 cas importés de dengue, 22 cas importés de chikungunya et trois cas importés de Zika, ainsi que 65 cas autochtones répartis en 9 foyers de transmission.
En septembre 2022, les autorités sanitaires ont alerté sur la forte augmentation de cas de dengue en France, favorisée par la prolifération du moustique Tigre. Dans environ un cas sur trois, une personne contaminée présente des symptômes assez similaires à ceux d'une grippe : fièvre, courbatures ou encore maux de tête.
- Ces maladies sont-elles dangereuses pour l’homme ?
Un malade peut développer des formes sévères de ces infections virales. Certains cas peuvent être mortels s'ils ne sont pas traités à temps.
Depuis 2020, les missions de surveillance entomologique et d'intervention autour des cas humains d’arboviroses (maladies transmises par les moustiques) sont désormais confiées aux agences régionales de santé.
Une surveillance renforcée des cas de maladies virales est mise en place par les ARS sont en charge de la surveillance des maladies, tout cas autochtone doit être déclaré 1er mai au 30 novembre, pendant la période d’activité du moustique.
Dans le monde, chaque année 800.000 personnes meurent de maladies transmises par des moustiques. Ce qui en fait l'animal le plus dangereux pour l'homme.
- Quels sont les moyens de lutte les plus efficaces contre la prolifération ?
La surveillance des moustiques des marais non vecteurs de maladies incombe aux collectivités. L'EID Méditerranée a une centaine d'agents qui surveillent les milieux naturels qui se mettent en eau (pluie, étangs, irrigation) et surveillent l'apparition des larves dans l'eau. Le traitement à grande échelle se fait par hélicoptère ou avion par l'épandage d'un larvicide, du BTI (Bacillus thuringiensis israëlensis), le seul autorisé en France.
La surveillance des moustiques vecteurs avérés comme le moustique Tigre relève des Agences régionales de santé (ARS). Espèce urbaine, le moustique Tigre se développe surtout dans les jardins ou sur les terrasses, cours, balcons... Il pond ses oeufs dans les eaux stagnantes. La phase aquatique, correspondant au développement de la larve et sa mue en nymphe (équivalent du cocon du papillon) avant de devenir moustique dure 5 à 7 jours. C’est à ce moment-là qu’il faut agir.
La lutte anti-larvaire par avion est impossible, la meilleure prévention consiste en fait à gérer chez soi ses eaux domestiques : vider, couvrir, jeter, ranger, curer les pots et coupelles… Privé d’accès à l’eau, le moustique Tigre ne se reproduit pas.
L'ARS a aussi en charge la surveillance des cas importés de dengue, chikungunya et zika. Quand un cas est confirmé, l'EID Méditerranée intervient. "On rentre en contact avec le patient et on va voir s'il y a du moustique, ensuite on fait une démoustication délocalisée autour de son domicile pour éviter que des moustiques qui l'auraient piqué et récupéré la dengue commencent à la transmettre au voisins".
Quand un cas importé de dengue passe entre les mailles du filet, des cas autochtones peuvent être détectés par la suite. "Ce sont des gens qui n'ont pas voyagé et qui ont attrapé la dengue par un moustique qui a commencé à la transmettre localement, on a des foyers quasiment chaque année maintenant", note Charles Jeannin.
- Je n'ai pas tout lu, pouvez-vous me faire un résumé ?
Il existe plus de 3000 espèces de moustiques,dont une quarantaine présents dans notre région, mais tà peine une dizaine pique. En Provence, on croise principalement des moustiques des marais, non vecteurs de maladie et le moustique Tigre. Arrivé en France par les Alpes-Maritimes 2004, il est très surveillé car vecteur de la dengue, du chikungunya et zika. Il a, à ce jour, colonisé 71 départements.
Avec le réchauffement climatiques, d'autres espèces invasives prolifèrent et arrivent en France à la faveur des flux commerciaux. L'Aedes aegypti, considéré comme l'un des plus importants vecteurs de dengue a été détecté à Marseille il y a quatre ans. L'Aedes japonicus et l'Aedes koreicus sont également présents chez nos voisins européens.
La lutte contre les moustiques passe la lutte anti-larvaire comme en Camargue. Pour le moustique Tigre, la meilleure prévention est de suprimer les eaux stagnantes dans les jardins ou sur les terrasses. Sans accès à l'eau, le moustique ne se reproduit pas.