Ateliers de méditation de pleine conscience à l'école : 5 points pour tout comprendre sur la polémique

Un temps expérimentée dans certains établissements avec l'aval du ministère de l'Education Nationale, la "méditation de pleine conscience" fait de nouveau parler d'elle. Des associations de parents et syndicats d'enseignants alertent le ministre par crainte de dérives sectaires.

"Nous renouvelons nos plus vives inquiétudes sur ces expérimentations, et vous demandons d'intervenir pour y mettre fin sans délai" afin de refuser dans l'éducation nationale "une technique, la MPC, aux conséquences incertaines et potentiellement risquées sur le développement psychique des enfants", écrivent une quinzaine d'associations et de syndicats dans un courrier au ministre de l'Éducation nationale, Jean-Michel Blanquer.

Parmi elles figurent la Ligue des droits de l'Homme, celle de l'Enseignement, les syndicats FSU, CGT et Unsa, la fédération de parents d'élèves FCPE et l'association de lutte contre les dérives sectaires Unadfi. 

Mais au juste de quoi parle-t-on ? Explications en 5 questions.

1. La "pleine conscience" c'est quoi?

La Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (Miviludes) indique dans son rapport d'activité de 2018-2020, qu'"il n’existe pas de définition de la médiation de pleine conscience communément admise. […] Lorsque l’individu médite en pleine conscience, assis ou non, il se focalise sur ses sensations, sa respiration, un point de son corps, un mouvement, ses émotions, ses pensées, sans émettre de jugement de valeur".

La Miviludes a enregistré en 2020, 95 saisines concernant des alertes sur la méditation en générale.

Voici la définition qu'en donne "Futurascience", le site scientifique : "De manière générale, la méditation de pleine conscience est étudiée pour ses apports dans différents champs de la médecine. Ainsi, elle serait efficace pour réduire le stress, l'anxiété, la douleur ou pour lutter contre les récidives d'une dépression".

Jon Kabat-Zinn, un professeur de médecine de l'université du Massachusetts, aux États-Unis, est à l'origine d'un programme de réduction du stress utilisant la méditation de pleine conscience.

En 2020, Miviludes explique avoir reçu "12 signalements concernant des personnes mineures et la méditation". Ces signalements interviennent après la constatation d' "un isolement excessif, générateur d'angoisses et de privations ", souligne le rapport sans préciser si cela est lié à la méditation de pleine conscience.

2. Comment est-elle entrée à l'école?

Le député d’Ille-et-Vilaine Gaël Le Bohec prône, depuis plusieurs années, la méditation dite de "pleine conscience".

En 2021, ce député avait proposé l'expérimentation de cette pratique dans certaines classes du CM1 à la 5e, dans un rapport remis au ministre Jean-Michel Blanquer. 

Gaël Le Bohec se base sur les travaux menés par Grégory Michel, professeur de psychologie clinique et de psychopathologie à l'université de Bordeaux. Il affirme que la pratique « pourrait réduire les inégalités à l'école, en aidant les enfants à se concentrer et en améliorant leurs capacités d'apprentissage. »

Un temps en phase expérimentale, cette technique a été la cible de nombreuses associations et syndicats de parents et d'enseignants et a été stoppée.

Le courrier en date du 17 janvier pointe "sa réapparition de façon maquillée depuis septembre dans plusieurs collèges avec la multiplication d'ateliers de relaxation, d'exercices de respiration, de méditation".

3. Que craignent les enseignants?

Selon eux, la méditation de pleine conscience est "une technique très spécifique dont la promotion et le financement à travers le monde sont organisés par le think tank ésotérique américain Mind and life institute"

Ce consortium associe des mouvances très controversées comme l’anthroposophie. L’inventeur déclaré de la MPC, ou Mindfulness, John Kabat-Zinn, est aussi l’un des actuels leaders de l’Institut Esalen, importante officine New Age, matrice de nombreuses psycho sectes qui inondent la planète depuis les années 70", souligne les syndicats enseignants.

4. Que craignent les fédérations de parents d'élèves?

Selon Christophe Merlino, président de la FCPE 13, le point de départ de cette mobilisation commune pour alerter sur les risques et dérives vient "d'un nombre élevé d'interrogations dans certaines régions, pas en Paca, où les ateliers étaient devenus payants et où il était demandé une centaine d'euros par élève".

Ces anomalies ont incité les fédérations de parents et syndicats d'enseignants à en parler et faire remonter au ministère de l'Éducation nationale.

"C'est aussi la laïcité qui est menacée, car ce courant est d'obédience bouddhiste", insiste le président de la fédération de parent d'élèves.

Selon lui, et les parents qu'il représente, "il y a la crainte de l'altération de l'esprit critique, on n'est pas contre l'utilisation de la relaxation pour apaiser si besoin en cas de stress, mais il faut savoir, qui le fait comment et pourquoi".

"On peut aussi se poser la question de cet atelier sur des élèves fragilisés par la situation sanitaire, dans quel but? Et il y a surement des choses plus prioritaires que ce genre d'atelier pour aider les élèves actuellement en difficultés", précise Christophe Merlino.

5. Qu'en pensent les défenseurs des libertés individuelles?

Didier Pachoud, du Groupe d'Etude des Mouvements de Pensée en vue de la Protection de l'Individu à l'hôpital de la Timone à Marseille, indique que s'il n'a "rien contre la méditation et toute forme de relaxation, la méditation de pleine conscience doit se faire de façon laïcisée".

"Le problème vient de ce que l'on observe sur le terrain, ce sont des intervenants extérieurs ou des professeurs qui dispensent cette technique. Et ils vont de manière consciente ou inconsciente faire du prosélytisme sournois vers le New Age, et le bouddhisme et là c'est une atteinte à la laïcité", explique Didier Pachoud.

La crainte est d'autant plus grande en cette période de pandémie, " le New Age amène à des dérives sectaires avec des discours anti-médicaux, anti-scientifiques, plus orientés sur la médecine douce, parallèle et l'augmentation de recherches d'alternatives", insiste Didier Pachoud.

Selon lui, "personne ne va pouvoir maîtriser ce que les opérateurs mettent dans les contenus, ce n'est pas une science dure". Car selon lui les personnes vers qui sont dirigés ces ateliers sont "très jeunes et incapables de se défendre des suggestions subtiles, ce n'est pas contre la pratique amie contre le glissement vers la doctrine".

"On connait très bien les profils des militants qui veulent mettre de la pleine conscience dans toutes les sphères de la vie quotidienne, politique, éducative, etc. Ils ne sont pas neutres idéologiquement, ce qui les rend suspects au départ", insiste Didier Pachoud.

Et il milite pour que "la méditation reste dans la sphère privée, et que l'on trouve d'autres pistes pour la relaxation".

Dans l'Éducation nationale, on doit "garder le cap de la science". Contactée, l'académie d'Aix-Marseille indique qu'à ce jour, aucun signalement n'est parvenu dans leurs services, "ce qui ne veut pas dire que cela ne concerne pas notre région", souligne le service communication.

Toujours selon les services académiques, "aucune demande n'a été formulée par des enseignants pour pratiquer avec les élèves cette méditation de pleine conscience".

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