Samedi 12 octobre, un bus à Marseille a été menacé par un homme armé devant un point de deal de la cité de la Cayolle, au sud de la ville. Après la mort d'un chauffeur de VTC une semaine plus tôt, les chauffeurs de la RTM ne veulent pas banaliser l'agression et expriment leur ras-le-bol face à la violence qu'ils rencontrent.
"C'est la goutte qui fait déborder le vase". Délégué syndical CFDT à la RTM, Nicolas Rougerie ne décolère pas. Depuis longtemps, les chauffeurs sont confrontés aux incivilités dans les quartiers de Marseille qui abritent le narcotrafic, leurs bus subissent périodiquement des caillassages.
Face au bus, un homme armé
Mais samedi 12 octobre, c'est à un homme armé que le conducteur de la ligne 23 a dû faire face dans le quartier de la Cayolle, en plein jour vers 17h.
Comme le rapporte France Bleu Provence, L'individu en scooter recherchait visiblement deux passagers dans cette cité connue (des quartiers sud) comme l'un des plus gros points de vente de drogue de la ville. Le chauffeur s'en est sorti en accélérant pour quitter la cité.
Notre collègue a eu une très bonne réaction, en prenant la fuite. Mais comment ça tournera la prochaine fois ?
Nicolas Rougerie, délégué syndical CFDT RTMFrance 3 Provence-Alpes
Dévié temporairement, le trafic RTM a repris un peu plus tard sur la ligne 23. Mais Laurent, le chauffeur concerné, reste traumatisé, "toujours à regarder à droite et à gauche à la Cayolle, au cas où il y aurait un projectile qui vient ou des jeunes qui sortent et qui sont agressifs".
Si les deux jeunes à l'intérieur aussi étaient armés, qu'est-ce qui se serait passé ? On aurait pu partir à une fusillade à l'intérieur du bus
Laurent, chauffeur RTMFrance Bleu Provence
Les chauffeurs refusent certaines lignes
Barrages filtrants de caddies et de palettes, dealers armés menaçants..."Il ne se passe plus un jour sans que des incidents violents n'éclatent dans ce quartier" confirme la CGT, majoritaire à la RTM. Et au sein des 1600 chauffeurs marseillais, "de plus en plus refusent d'assurer leur service sur les lignes sensibles", dans les quartiers nord, et quelques-unes des quartiers sud, se désole Nicolas Rougerie. Le récent assassinat d'un chauffeur VTC, victime collatérale du narcotrafic marseillais, a fait l'effet d'une bombe chez les conducteurs.
Après l'assassinat du chauffeur VTC par les trafiquants, nos conducteurs se demandent qui sera le prochain
Nicolas Rougerie, CFDT RTMFrance 3 Provence-Alpes
L'allée des pêcheurs, un point sensible de la traversée de la Cayolle
Dans un courrier à la direction, la CFDT dénonce "l'insécurité grandissante, tant pour le personnel que la clientèle". La CGT estime qu'il en va de "la vie des conducteurs, des passagers et des habitants". Et le syndicat appelle à "l'arrêt immédiat de la desserte des points de deal" sur la ligne 23.
la ligne 23 est devenue un véritable couloir de l'insécurité
CGT RTMFrance 3 Provence-Alpes
Ici c'est Marseille
La direction de la RTM reconnaît ces "situations d'insécurité, générées par la guerre des gangs du narcotrafic à Marseille, qui touchent le réseau de transport comme tous les habitants". Pour autant, Nicolas Covarel, le directeur de l'exploitation, veut relativiser : la ligne 23 n'a été déviée "que" quatre fois depuis le début de l'année. "Quatre fois de trop", admet-il. "Mais en 20 ans de carrière, je n'ai vu aucun tir viser nos véhicules."
Sécurisation maximale
Selon lui, la RTM reste en France la société de bus urbains qui offre la plus grande sécurisation de son réseau. Chaque véhicule est équipé de "quatre à huit caméras" dans l'habitacle, "bientôt visionnables en temps réel". La régie emploie un effectif conséquent chargé de l'accompagnement et de la sécurité des passagers et des chauffeurs : trois cents "vérificateurs" (contrôleurs), et une centaine d'agents de surveillance au sein du "Groupement d'Assistance et de Protection" (GAP) mis en place en 2023. Des agents souvent issus des quartiers sensibles.
À Marseille, la RTM s'est dotée d'une brigade de "police du réseau"
Nicolas Covarel ajoute que le réseau de transports est au cœur du Contrat Local de Sécurité, et donc des réunions de concertations avec notamment la police et les services sociaux, qui se déroulent dans chaque arrondissement deux fois par mois.
Avec les moyens que nous mettons en oeuvre, le bus reste un des endroits les plus sûrs de Marseille
Nicolas Covarel, directeur d'exploitation RTMFrance 3 Provence-Alpes
Préavis de grève la semaine prochaine ?
Face à "l'augmentation de la violence", les syndicats de la RTM ont lancé une alerte sociale auprès de leur direction et un rendez-vous a été fixé au vendredi 18 octobre 2024. Les organisations n'excluent pas de recourir à l'appel à la grève dès la semaine prochaine s'ils n'obtiennent pas des "mesures concrètes pour garantir la sécurité dans les zones à risques".
Eviter les points de deal ?
La solution consistera-t-elle à établir un nouveau plan de transports urbains, qui évite les zones les plus insécurisantes ? À la RTM, Nicolas Covarel s'y refuse : "Nous devons rester accessibles et disponibles pour tous les pères et mères de famille de Marseille, où qu'ils habitent".