Cambriolages, vols et incivilités dans le 12ème à Marseille, malgré la baisse des infractions annoncée par la préfète de police, les habitants sont à bout

Ce jeudi 4 janvier, la préfète de police s'est rendue au commissariat du 12ème arrondissement de Marseille pour annoncer des mesures simplifiées de dépôts de plaintes et la baisse des chiffres de la délinquance. Sur place les habitants ne partagent pas ce sentiment.

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Réunis dans un groupe Facebook, "voisins vigilants du 12ème", des habitants de l'Est marseillais, Saint-Barnabé, Beaumont, Bois Luzy, Les Caillols, Saint-Julien ou encore Montolivet se plaignent de cambriolages violents et tentatives de cambriolages fréquents mais aussi d'une recrudescence d'incivilités en tout genre.

Effets d'annonce ou réalité du terrain?

A l'opposé de ce sentiment, la préfète de police à grand renfort de politiques et de médias est venue ce jeudi annoncer des nouvelles mesures facilitées pour le dépôt de plaintes et des renforts d'effectifs de 20 fonctionnaires pour la division Sud qui englobe les quartiers Est mais aussi les quartiers Sud de la ville et des communes limitrophes du secteur. Frédérique Camileri a même annoncé une baisse de 20 % des infractions dans ce secteur sur le mois de décembre.

Un chiffre qui surprend les habitants qui au contraire, eux ont le sentiment d'une recrudescence de violence et d'insécurité.

L'élu à la sécurité de la ville de Marseille, en charge notamment de la police Municipale, Yannick Ohanessian "partage les inquiétudes des habitants de l'Est marseillais, avec un constat de la montée de la petite délinquance quotidienne qui empoisonne la vie des habitants".

L'élu tient d'ailleurs a prêcher pour sa paroisse et souligne que "depuis l'élection du printemps marseillais, l'objectif est de doubler les effectifs de police municipale, pour remettre du bleu dans les noyaux villageois, des îlotiers, qui par leurs présences rassurent les habitants et dissuadent les délinquants de passer à l'action, et passer ainsi de 400 fonctionnaires à 800 agents d'ici la fin du mandat".

Mais entre le lancement de la campagne de recrutement, la formation, le concours etc... le temps est incompressible pour avoir des agents disponibles.

"En 2022, la ville de Marseille a réussi à recruter plus de 100 fonctionnaires et l'idée est de pouvoir continuer les années suivantes et pouvoir les positionner dans tous les noyaux villageois et pas seulement dans le centre-ville", indique Yannick Ohanessian.

"Il faut du lien entre police Municipale et police Nationale", insiste Sylvain Souvestre.

Dans les faits, "un déficit de 900 policiers nationaux à Marseille a été recensé à l'arrivée de Benoît Payan et ses équipes",  explique Yannick Ohanessian. 300 agents seraient déjà arrivés en deux ans suivant les annonces faites.

"Il y a une disparité dans la ville, et les quartiers Est souffrent d'un manque de présence policière", reconnait le patron de la police municipale.

Des demandes de renforts

Le maire de secteur dit avoir pourtant entendu les habitants à de nombreuses reprises, notamment dans les réunions de Comité de quartiers.

"J'ai même fait la demande au conseil municipal au maire de Marseille pour avoir au moins un équipage de police municipale par mairie de secteur pour des patrouilles dissuasives, mais on m'a répondu que ce n'était pas possible en terme de responsabilité, et que l'ensemble des effectifs étaient concentrés sur le centre ville.", rappelle Sylvain Souvestre maire des 11 et 12ème arrondissements de Marseille.

L'élu (LR) en convient, c'est bien sous le quinquennat de son parti que les effectifs de police ont commencé à diminuer avec Nicolas Sarkozy, puis cela s'est poursuivi avec François Hollande. Et même s'il ne partage pas les idées d'Emmanuel Macron, il reconnait que des efforts sont fait et les demandes sont entendues comme lors de la visite dernièrement de Gérald Darmanin dans le commissariat du 11 ème, " Ce commissariat devait fermer et on a réussi à éviter sa fermeture avec une élue en Marche du secteur, preuve qu'on peut travailler intelligemment ensemble même si on ne partage pas les mêmes idées politiques".

Et les habitants le reconnaissent aussi, il s'agit surtout d'un manque de moyen humains, " à 97%, les policiers font leur boulot mais ils ne sont pas assez nombreux", admet Nathalie, victime d'un cambriolage alors que son fils se trouvait à l'intérieur de la maison.

Elle est membre du groupe "voisins vigilants du 12ème" qui regroupe près de 1000 membres.

"On essaye de se transmettre dans ce groupe ce qui se passe dans le quartier, de signaler les personnes aux comportements suspects ou des véhicules qui stagnent dans certaines rues avec des personnes à bord, dans le groupe il y a aussi des policiers du 12ème dans le groupe, ils sont au courant de la situation".

Le constat est similaire du côté des syndicats de police, il manque des moyens et des fonctionnaires pour pouvoir couvrir correctement la zone.

" Le commissariat du 12ème était un commissariat où l'on avait, il y a 7 ans, 130 fonctionnaires, aujourd'hui il n'y en plus que 80, alors oui il a un renfort annoncé d'une vingtaine de collègues , très bien, mais on sera encore en deçà des chiffres d'il y a 7 ou 8 ans. Alors que les délinquants se sont adaptés, et les chiffres de la délinquance ne font que croître", indique Eddy Sid, syndicaliste chez FO.

"Il faut concentrer la liaison entre police municipale et police nationale", assure le maire de secteur qui est pour augmenter le nombre de caméras de surveillance dans le 12ème. "Pas que pour ces infractions là, mais aussi pour les dépôts sauvages qui se multiplient. En 11 jours , il y a eu à Montolivet au même endroit huit dépôts successifs de déchets sauvages. Cela ne peut plus durer", souligne Sylvain Souvestre, maire du 11/12ème arrondissement.

Même si l'élu reconnait positivement que "la Procureur de la République de Marseille agit fermement et rapidement lorsque les auteurs sont identifiés et il y a des résultats, c'est encourageant".

Des cambriolages traumatisants

En effet, un partie des personnes concernés par des vols avec violences, cambriolages, vols à l'arrachée ou encore pillage de voiture témoignent de leur difficulté de pouvoir porter plainte, de voir un équipage de police venir à leur secours lorsqu'ils contactent ce commissariat.

Dans le groupe "voisins vigilants du 12ème", les témoignages sont multiples tout comme les exemples photos à l'appui des infractions.

Dans Saint-Barnabé, il est facile aussi de retrouver des personnes qui ont subi des désagréments.

" J'ai retrouvé ma voiture sur des parpaings un matin, mes pneus avaient été démontés. j'ai appelé la police, pas de bol c'était un 15 aout, ils n'avaient personne à m'envoyer... quand à la vidéosurveillance .. il y a bien une caméra dans la rue mais elle n'enregistre pas les vidéos, donc impossible d'identifier les voleurs, et cela s'est passé dans une rue fréquentée et éclairée, on va finir par se faire justice soi-même", indique Elise*.

Pour Valérie, "c'est carrément tout le coté droit de la voiture qui a été dérobé. Je me suis approchée et j'ai vu qu'il n'y avait plus ni portière avant, ni portière arrière, mais également le tableau de bord avait disparu, le rétroviseur de l'autre côté aussi... bref ils ont fait leurs courses sur ma voiture!"

Des patrouilles citoyennes

Se sentant abandonnés par la mairie de secteur, le comité d'intérêt de quartier ou la police Municipale et Nationale, les habitants se sont organisés par eux-mêmes pour faire des rondes en voitures dans le quartier et faire fuir les cambrioleurs.

" Nous sommes à plusieurs voitures, nous faisons des tours dans le quartier et nous avons déjà réussi à mettre en fuite des voleurs qui escaladaient les barrières de nos voisins, on les a poursuivis jusqu'à ce qu'ils partent. Dans le même temps, nous appelions la police qui nous disait de rentrer chez nous, qu'aucun équipage n'était disponible pour venir cueillir ces voleurs, on ne peut pas rester les bras croisés, si cela continue, il va y avoir un drame.", s'inquiète Marie*.

Agressions à répétition au Parc de la Moline

De nombreux parents d'adolescents du quartiers dénoncent des agressions violentes de leurs enfants au parc de la Moline dans le 12ème arrondissement, situé à quelques mètres pourtant du commissariat.

"Plusieurs jeunes cagoulés et tout vêtus de noir s'en sont pris à mon fils pour lui dérober son portable, il n'a pas résisté et a quand même été frappé et jeté à terre et je sais que ce n'est pas le seul à qui c'est arrivé au parc.", indique Marie* mère de deux enfants et habitante de Bois Luzy.

Dans le groupe "voisins vigilants du 12ème", et dans le groupe "j''habite le 12ème" des témoignages vont dans ce sens. 

Le maire de secteur confirme cette insécurité au sein du parc et deux agressions récentes lui ont été remontées.

"J'aimerai des caméras de vidéos surveillance à l'intérieur du parc, cela dépend de la police municipale et des des agents de sécurité des parcs et jardins de la ville, donc il faudrait vraiment plus d'effectifs qui patrouillent dans ce parc".

Yannick Ohanessian insiste sur le fait qu"'il y a près de 1600 caméras de surveillance dans la ville et qu'elles sont plutôt réparties de façon équitables dans les différents secteurs, et que contrairement aux idées reçues, elles enregistrent ce qui se passe et permettent l'élucidation de certains méfaits".

Pour Sophie*, cette insécurité va plus loin, son fils de 18 ans l'a appelé en sortant de son entraînement de foot la semaine dernière entre les Caillols et Saint-Barnabé.

"Il devait prendre le bus pour rentrer comme d'habitude de son entraînement, il m'a appelé en panique car il était suivi par plusieurs jeunes, il avait beau accélérer le pas, il a bien senti qu'il était leur cible, il était stressé au téléphone, et j'ai dû tout lâcher pour aller le chercher au plus vite"

Pour les habitants comme Corinne de La Fourragère, "c'est la L2 et le métro qui ont fait augmenter la délinquance dans le secteur".

Un fait que réfute le maire de secteur Sylvain Souvestre, pour lui "c'est plus l'absence d'effectif car ces deux infrastructures n'ont pas apporté plus de passages dans le quartier ni de clients aux commerçants donc le lien de cause à effet n'est pas prouvé". 

*Prénoms changés à la demande des personnes interviewées

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