Cinq choses à savoir sur la polémique autour d'une salle de consommation de drogue à moindre risque à Marseille

Dans le vocabulaire courant, on appelle cela une "salle de shoot". Les associatifs et les professionnels préfèrent parler de salle de consommation à moindre risque, pour le dispositif qui devrait voir le jour dans le centre-ville de Marseille cette année. Le projet avait été annoncé en 2023, et pourtant, aujourd'hui, il est toujours au point mort.

Alors que la ville de Marseille est réputée pour son trafic de drogue et ses nombreux consommateurs, l'idée d'une salle de consommation à moindre risque est en phase de concrétisation. Annoncé en 2020, lors de la campagne municipale du Printemps marseillais, où en est aujourd'hui ce projet ?

Les parties prenantes s'opposent sur différents points, et particulièrement sur le lieu de construction.

  • C'est quoi une salle de consommation ? 

Une salle de consommation à moindre risque, c'est un endroit où des consommateurs de drogue sont accueillis et accompagnés. 

L'objectif est que la prise de ces substances illicites, particulièrement les injections, se passe pour le mieux afin d'éviter tout risque, comme l'overdose, la transmission de maladies infectueuses ou encore risques bactériens ou abcès. Les consommateurs peuvent aussi être orientés vers le soin ou se reposer, en toute sécurité.

À Marseille, ce lieu serait accessible huit heures par jour, selon les informations de Marsactu. Une équipe composée de 14 personnes, dont 6 de façon permanente, pourraient prendre en charge les usagers.

Animateurs de prévention, infirmiers, éducateurs, médecins à mi-temps et personnels de sécurité feront partie de la brigade, précise l'association Asud (Auto-support et réduction des risques parmi les usagers et ex-usagers de drogues) Mars Say Yeah à France 3 Provence-Alpes. 

Un espace d'accueil, de restauration et d'hygiène, avec installation de douches, sera à la disposition des consommateurs.

D'après les informations de Marsactu, après consultation de documents, le budget de fonctionnement sera d'un million d'euros par an.

Asud estime qu'il y aurait une centaine de passages chaque jour.

Si le projet d'une salle de consommation est en pleine construction à Marseille, il existe déjà des lieux similaires à Strasbourg et à Paris.

On peut entendre également parler de "salle de shoot", un terme réfuté par Michèle Rubirola, première adjointe de la Ville. "À Marseille, l'héroïne est en forte diminution. C'est principalement de la cocaïne qui est consommée, et non du crack. Le terme « shoot » n'est du coup pas approprié", justifie-t-elle.

  • Qui a proposé l'idée ?

L'idée est apparue en 2020 dans le programme du Printemps marseillais. C'est Michèle Rubirola qui porte ce projet, qu'elle considère comme "prioritaire". Elle travaille avec des associations pour mettre en place ces salles de consommation, avec Asud, par exemple. 

Le maire de Marseille, Benoit Payan, a également apporté son soutien. "J’accueille favorablement la réalisation prochaine de ce projet utile, ambitieux auquel mes services et moi-même apporterons notre appui, participerons aux différentes instances de concertation, pour le bénéfice de tous", a-t-il écrit dans un courrier officiel, consulté par Marsactu.

L’ARS Paca approuve, de la même façon, le projet d’ouverture d’une « halte soins addictions » à Marseille, ont-ils confié au journal marseillais.

En réalité, la première fois que les Marseillais ont parlé de salle de consommation, c'était en 1995. Un projet qui a rapidement été abandonné. En 2019, la Ville réfléchit sérieusement à la mise en place d'un lieu qui accueillerait les consommateurs de drogues, mais, cette fois, dans le 5e arrondissement, du côté de l'hôpital de la Conception. Pour Stéphane Akoka, directeur d’Asud Mars Say Yeah, l'idée a été écartée en raison du refus du maire de secteur de l'époque et de Jean-Claude Gaudin, ancien maire de la Ville.

  • Quand la salle devrait voir le jour ? 

"Il faut que ce soit installé avant la fin de l'année", déclare la première adjointe. Pour elle, c'est une urgence absolue pour protéger cette population.

  • Où serait-elle implantée ? 

C'est cette question qui bloque l'avancée de la construction de ce lieu. La Ville souhaiterait l'implanter dans le 1er arrondissement, et plus particulièrement autour de la gare Saint-Charles. "Cela doit être installé là où les personnes consomment, là il y a de la précarité, de l'errance. Ça ne sert à rien de la mettre loin", confirme avec détermination Michèle Rubirola à France 3 Provence-Alpes.

Des propos confirmés par Stéphane Akoka, qui trouve ce lieu stratégique. "Le public, en grande précarité, est déjà sur le terrain. Ça permettrait de répondre à leurs besoins à eux, mais aussi à ceux des riverains qui se plaignent qu'il n'y ait aucune solution."

La mairie aimerait pouvoir installer des algecos sur un terrain vierge de 400 m2. Aucun lieu précis n'a, toutefois, été annoncé, bien que des rumeurs aient été entendues. Sophie Camard, maire du 1er et 7e arrondissements de Marseille, évoque "les escaliers de la gare".

    • Pourquoi il y a des opposants ? 

    Les critiques se dirigent essentiellement sur la localisation de cette future salle. Sophie Camard, issue pourtant du même bord politique que Michèle Rubirola, refuse que ce lieu d'accueil soit installé en bas des escaliers de la gare Saint-Charles. Elle précise toutefois qu'elle "n'a pas de réticences sur le principe, puisque le projet se trouve dans le programme".

    L'élue a confié aux journalistes du pureplayer Actu Marseille, que le projet n'était plus d'actualité, du moins plus dans le 1er arrondissement. Ce que réfute absolument Michèle Rubirola, maintenant sa position d'implantation dans ce secteur-là. La première adjointe assure cependant que "plusieurs lieux seront proposés".

    Sophie Camard critique aussi dans Actu Marseille l'installation de containers. "C'est indigne de mettre des toxicomanes dans des containers. Il peut y faire extrêmement chaud."

    Asud Mars Say Yeah regrette le manque d'échanges avec la maire de secteur, Sophie Camard, qui refuse de les rencontrer. L'association considère qu'elle bloque ainsi l'avancée du projet. Ce que dément l'élu auprès des journalistes de Marsactu. "Les mairies de secteur n’ont aucun pouvoir de blocage. C’est mal connaître la loi. Le rôle d’une mairie de secteur est simplement d’organiser les concertations nécessaires."

    Sophie Camard déplore que ce débat prenne une telle ampleur médiatique. "Ce n'est pas avec la polémique que l'on va faire avancer le dossier."

    Un groupe d'opposition à la mairie a également fait savoir son mécontentement face à l'implantation de ce lieu d'accueil. 

    "Ce serait par ailleurs un très mauvais message envoyé aux consommateurs de drogues dures, parties prenantes du trafic qui gangrène Marseille depuis de trop longues années. Il n'est pas cohérent de déplorer les dégâts du trafic de drogue tout en encourageant leur usage et consommation, même dans un lieu dédié", écrit le groupe d'élus dans un communiqué de presse. Pas prêts de baisser les armes, ils déclarent continuer "farouchement et en toutes circonstances" à s'y opposer.

    Un conflit qui n'est donc pas prêt de s'arranger de si tôt...

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