Le pédopsychiatre Marcel Rufo propose des clés de compréhension, et propose des outils pour répondre aux inquiétudes des enfants.
Trouver les bons mots pour en parler avec les plus jeunes. Depuis le début des émeutes consécutives à la mort de Nahel, les images de violences et de pillages se multiplient sur les chaînes de télévisions et les réseaux sociaux. Un déferlement d'images qui touche des enfants confrontés à des scènes choquantes ou difficiles à comprendre. Comment faire pour aborder le sujet avec eux ? Quelles infos les parents peuvent leur donner et quelles sont celles à écarter ? Face à ces questions qui angoissent nombre de mères et de pères, France 3 Provence-Alpes a interrogé le pédopsychiatre Marcel Rufo pour qu'il apporte des éléments de réponses.
France 3 Provence-Alpes : comment peut-on rassurer les enfants face aux violences, pillages et destructions qui secouent le pays depuis la mort du jeune Nahel ?
Marcel Rufo : Il faut d'abord et avant tout répondre au "pourquoi". Pourquoi certains jeunes adolescents ou adultes peuvent-ils en arriver à ces violences ? Une des réponses que l'on peut apporter et que ceux qui cassent, agressent ou détruisent se sentent illégitimes, pas comme les autres. Certains même ne se sentent pas être totalement français, pas citoyens, alors qu'ils le sont.
Comment expliquer aux enfants ce "sentiment d'illégitimités" ?
Nous avons tous des droits et des devoirs dans une société. Mais ceux qui commettent ces actes n'ont pas accès aux mêmes droits, une éducation et un environnement sécurisé, de bonnes conditions matérielles, un avenir ouvert. Comme ils n'ont pas accès aux mêmes droits, ils n'acceptent pas les mêmes devoirs que les autres.
Ils ont l'impression de vivre une ségrégation, un peu comme en Afrique du Sud. Ils sentent qu'ils n'ont pas les mêmes "avenirs possibles". Cela n'aide pas l'inclusion, ni à l'assimilation.
Que dire aux enfants à ce sujet ?
Les magasins cassés, c'est grave, mais cela aurait été pire si un autre jeune avait été tué par les policiers, et heureusement, cela n'a pas été le cas. Casser du matériel, c'est moins terrible que des morts. Et les policiers, malgré la tension extrême, ont pu éviter ça.
La solution, c'est l'école, et la réussite. Il n'y a pas que les diplômes d'excellence : il faut relancer l'idée de l'importance des apprentissages, se donner les moyens d'accompagner vers un métier.
Il faut donc redonner les moyens nécessaires pour que ces jeunes aient les mêmes chances qu'ailleurs. On parle d'égalité des chances, je parlerais de la nécessaire "égalisation" des chances.
Que faire face aux discussions des adultes, aux images et aux discours sur le sujet ?
Il est important de limiter au maximum l'exposition des enfants aux images des violences et aussi de freiner le flux d'information. Avec les adolescents, forcément exposés avec les smartphones, il faut en discuter avec eux. Leur apprendre à se méfier des discours de récupération qui créent de la division, et à s'ouvrir aux paroles d'apaisement.
L'admirable discours de la grand-mère de Nahel, par exemple, est merveilleux d'humanité. Cette femme, c'est la solution. C'est elle qui a la solution.