L’inquiétude grandit autour de l'Ehpad Korian Perrier, situé dans le 8e arrondissement de Marseille, après la mort de deux résidents. L’une des familles lance un cri d’alarme : "Il y a urgence à agir". La direction de l'établissement organise dés ce lundi matin des tests.
La nouvelle ne suffira peut-être pas à apaiser les tensions, mais la direction de la résidence Korian Perrier nous l'a annoncé dimanche soir, par la voix de son responsable de communication.
"Tous les résidents vont être testés (test PCR-Coronavirus Sars-CoV-2) à partir de ce matin. Une opération menée en lien avec le laboratoire Labio mobilisé pour nous aider. C'est l'Agence Régionale de la Santé qui nous y autorise."
"Pour nous, c’est une véritable course contre la montre qui est engagée", explique Sylvie Carrière et sa famille, avec qui nous échangeons par téléphone et sms.
Depuis onze jours, sa mère Jeanne, 84 ans est enfermée avec cinq autres patients dans la cellule Covid-19 de l’établissement.
Premier motif évoqué, une petite fièvre pendant la journée du 27 mars. "Mais le problème", dit-elle, "c’est que depuis il n’y a plus de fièvre et surtout aucun autre symptôme. J’ai eu maman au téléphone, elle semble bien se porter, regarde la télé", raconte Sylvie qui habite en face de la résidence.
Et comme pour se rassurer, elle précise, "d’ailleurs à chaque fois que je l’appelle, le personnel soignant me répond très gentiment et me confirme que tout va bien".
Un propos confirmé par le médecin de la résidence. "Elle m’a appelée hier et s’est elle aussi montrée très rassurante sur l’état de santé de ma mère".
Confinée sans symptôme
Malgré l’angoisse, la voix de Sylvie reste calme. "Vous savez, je suis révoltée, car si tout va bien, pouvez-vous me dire ce que ma mère, qui n’a aucun symptôme fait enfermée dans une pièce baptisée Covid-19 avec d’autres patients, dont jusqu'à ce matin encore on ne sait même pas qui est positif ? Qui est négatif ? Les laisser là ensemble, c’est les condamner, leur laisser aucune chance".Hier, Sylvie Carrière a enfin reçu le résultat du test Covid-19 pratiqué sur sa mère, le 28 mars dernier. "Le résultat est douteux, pas exploitable", m’ont-ils dit. Et comme ce test ne démontrait pas sa positivité, ils lui en ont fait un deuxième, puis un troisième qui a été envoyé à Lyon, détaille-t-elle.
"J’attend encore les résultats". Sylvie a bien tenté d’interroger le médecin avec des questions précises. Elle lui aurait répondu ceci: "Les directives nous imposent de regrouper les personnes qui présentent des symptômes, positifs ou négatifs pour mieux les prendre en charge".
"Cette réponse m’a sidérée, raconte Sylvie, c’est sûr que si elle est négative à force de rester dans un espace réduit, avec des moyens thérapeutiques dont on ignore tout, elle va vite devenir positive", conclut-elle, cette fois en colère.
Une attitude incompréhensible
A 84 ans, Jeanne, lourdement handicapée, a été transférée dans cette pièce le 2 avril. "C’est long et il y a urgence à agir", dit Sylvie, "moi je veux, j’exige que ma mère réintègre sa chambre immédiatement. C’est une chambre seule".Comble de l’absurde, "dimanche le médecin m’a proposé de venir visiter ma mère dans la fameuse pièce et que bien sûr pour y pénétrer je serais équipée. Sa proposition partait certainement d’un bon sentiment, mais vous imaginez le dilemme? Alors que le gouvernement ordonne de rester chez soi, me proposer de venir, c’est curieux non de la part d’un médecin, je n’en reviens pas".
Sylvie a hésité, le coeur disait oui et la raison non. Son mari et ses enfants lui ont recommandé de ne pas le faire, trop risqué pour elle et pour les siens. "Espérons qu’il ne lui arrive rien", lâche t-elle sans en dire plus. Sinon la culpabilité de ne pas y être allée pourrait bien l’emporter.
De son côté, la direction de l'établissement s'apprête à commencer les prélèvements. Elle a tenu à nous faire savoir que "s'il y a des mécontents, la majorité des familles nous soutient". Une affirmation difficile à vérifier d'autant plus que l'annonce des deux décès par les familles elles-mêmes n'a fait que renforcer l'angoisse.