Durant trois semaines, les soignants de cette Maison d'Accueil Spécialisée, ont dû faire face à l’épidémie de covid-19 dans leur unité : la moitié des patients et un tiers des soignants étant positifs.
La Maison d’Accueil Spécialisée est une unité de l’Hôpital psychiatrique Edouard Toulouse de Marseille, qui prend en charge des patients autistes ou polyhandicapés, en long séjour.
24 patients et 20 soignants positifs
Quand le coronavirus a passé les portes du service, il a fallu agir. Mais le virus est trop rapide. En quelques jours, 24 patients, sur les 40 que compte la MAS, sont infectés. 20 soignants, soit un tiers de l’effectif, sont également malades.Les conditions de travail deviennent alors "inhumaines", comme le souligne une soignante, qui tient à garder l’anonymat, mais s'exprime au nom de l'équipe.
"Aujourd’hui, nous n’avons plus que 8 soignants qui tiennent debout. Il y a bien eu un renfort d’élèves infirmiers, mais ce qu’on subit c’est inhumain", déplore-t-elle.
"On doit travailler comme dans un service d’infectiologie, mais on n'en a ni la formation, ni le matériel", ajoute la soignante.
"Certains patients ne peuvent pas manger seuls, d’autres n’acceptent pas les soins alors il faut parfois les contraindre", explique-t-elle.
De l’enfermement à l’enfermement
Une situation que déplore également Kader Benayeb, secrétaire général de Sud Santé :Visites interdites, permissions supprimées, le syndicaliste reconnaît que l’Hôpital Edouard Toulouse (qui n’a pas répondu à nos demandes d’interview), a réagi très vite."On ajoute à ces patients, qui nécessitent d’ordinaire beaucoup de soins, de l’enfermement à l’enfermement".
Résultat, cela fait maintenant 18 jours, que les résidents de la Mas sont confinés dans leur chambre.
"Il a fallu pour les soignants se réinventer, car tout ça, ce n’est pas écrit dans les manuels", ajoute le syndicaliste.
Aujourd’hui, après trois semaines « catastrophiques », la situation s’est améliorée. Les 24 patients malades sont sur la voie de la guérison. "On est très fiers de nous, malgré nos petits moyens, il n’y a eu aucun décès dans l’unité", se réjouit la soignante.
« On préfère ne rien avoir si c’est pour 500 euros de prime »
Lors de sa dernière allocution, Emmanuel Macron a annoncé que les soignants des départements et des établissements les plus touchés par l’épidémie, percevraient une prime : allant de 500 dans le secteur médico-social, à 1500 euros dans le sanitaire.Une annonce qui fait bondir notre soignante de la MAS : "tout ça pour 500 euros? On préfère ne rien avoir alors ! ", s’indigne-t-elle.
Car la Maison d’Accueil Spécialisée relève du secteur médico-social. « Alors que d’autres services d’Edouard Toulouse, qui n’ont eu que trois patients covid, vont toucher 1500 euros, car ils relèvent des services de Santé » nous explique-t-elle.
Aujourd’hui, elle exige une valorisation à hauteur de ce que ces journées lui ont coûté "personnellement et professionnellement." Et d’ajouter que "les patients méritent également un geste, sur leur rente d’handicapé par exemple, pour ce qu’ils ont subi".« J’ai perdu quatre kilos en trois semaines. Je ne suis pas une héroïne, j’ai la trouille au ventre lorsque je dois rentrer dans une chambre. Mais nous sommes des soignants, et nous veillons sur nos patients »
Le syndicat Sud Santé a prévu d’écrire une lettre au président de la République, et à l’Agence Régionale de Santé. Pour Kader Benayeb, c’est "tout le personnel hospitalier (cuisiniers, administratifs, services de lingerie ou de ménage…) qui doit percevoir une prime".
Car dans cette guerre contre le coronavirus, "les Blouses Blanches, c’est tout le monde", explique-t-il.