Les auxiliaires de vie ne sont pas des soignants, mais ils sont en première ligne dans leurs missions à domicile, au chevet de personnes âgées ou handicapées. A Marseille, Emilie travaille sans masque de protection contre le coronavirus, avec la peur de tomber malade et de transmettre le virus.
Cet après-midi, Emilie Gayet travaille au domicile de Denise, 88 ans, et Fernand, 89 ans. "Quand je suis arrivée, il a fallu la lever, la nettoyer... C'est impossible de respecter les gestes barrières avec une dame comme ça", explique l'auxiliaire de vie sociale indépendante.
Comment déshabiller, rhabiller, laver, donner à manger en respectant les mesures barrières, le fameux mètre de distance ? Quant à rester moins de 15 minutes en contact...
Et Emilie n'a plus de masque. Elle en avait bien récupéré six à la pharmacie la semaine dernière, mais depuis les auxiliaires de vie sociales indépendantes ont été retirés de la liste des professions prioritaires.
L'AVS a contacté la direction générale de la santé, qui l'a renvoyée vers l'agence régionale de santé (ARS), laquelle l'a redirigée vers la délégation départementale... Aucune réponse. "On est complètement abandonnés", constate la jeune femme, déçue et en colère.
Un public vulnérable, une assistance vitale
Pendant que les instances se renvoient la balle, Emilie continue ses visites à domicile. Avec du gel hydro-alcoolique et des gants pour toute protection. Son assistance est vitale auprès de ce public vulnérable."Je m'occupe de cinq personnes du lundi au samedi, ce sont des personnes âgées, handicapées motrices ou mentales, par exemple j'ai une dame de 86 ans qui a la maladie d'Alzheimer", raconte Emilie dont la charge de travail s'est considérablement accrue depuis le début de la crise.
Et pourtant détaille Emilie, "les personnes âgées qui restent trop longtemps alitées peuvent avoir des problèmes gastriques et faire des escarres, il faut continuer à les lever et les aider à marcher".
Autant dire qu'entre 8h20 et 19h30, les journées d'Emilie sont bien remplies. Des journées que l'auxiliaire de vie traverse désormais aussi avec une part de crainte.
"Je n'ai pas peur de tomber malade, pour moi, parce que j'ai 34 ans et j'espère ne pas contracter une forme grave, dit-elle, mais j'ai très peur si je tombe malade, de ne pas être remplacée. Qui va s'occuper d'eux, leur donner à manger?"
J'ai très peur de les contaminer. Et eux aussi ont très peur d'être contaminés.
Sans solution des autorités sanitaires, ne sachant plus vers qui se tourner, Emilie a posté jeudi un émouvant appel à l'aide sur les réseaux sociaux. Et elle a été entendue.
"J'ai trouvé quelqu'un qui va me confectionner des masques en tissu dans les prochains jours, se réjouit-elle, et une infirmière avec qui je travaille m'a donné trois masques chirurgicaux que je vais faire durer en attendant".
"Mais ce que je souhaite par dessus tout c'est qu'on soit remis sur cette fameuse liste, supplie Emilie, peut-être pas au même titre que les soignants mais en bas de la liste..." .
Edouard Philippe a reconnu jeudi les "vraies difficultés" auxquelles se heurtent la France pour s'approvisionner en masques contre le coronavirus, alors que des présidents de régions ont affirmé que des acheteurs américains avaient "surenchéri" pour obtenir des masques. Une information démentie depuis par les Etats-Unis.