"On s’attend à une 2ème vague, qui va durer" : le témoignage d’un médecin psychiatre, sur les effets du confinement

Angoisses, troubles psychiatriques aggravés, les conséquences psychologiques de l’isolement peuvent être très importantes. A l’hôpital Edouard Toulouse de Marseille, les urgences psychiatriques reçoivent déjà des patients fragiles, pour qui le confinement peut être très étouffant.

Cela fait maintenant neuf jours que le confinement est généralisé en France. Neuf jours, qui peuvent être une réelle souffrance. Car cette crise sanitaire touche tous les services hospitaliers. Et notamment les services psychiatriques.

C’est le cas de l’établissement Edouard Toulouse, dans le 15ème arrondissement de Marseille, qui prend en charge des patients souffrant de pathologies psychiatriques.

Charlotte Bertier y est médecin pédo-psychiatre. Depuis le début du confinement, ses consultations se font par téléphone. Mais elle effectue également des gardes, aux urgences psychiatriques de l’Hôpital Nord, qui dépendent d’Edouard Toulouse.

"Errances, violences, tentatives de suicide"

Et déjà, elle ressent les effets du confinement : "On reçoit beaucoup de personnes, qui décompensent, qui rechutent. Il y a des errances sur la voie publique, des violences, et aussi des tentatives de suicide", explique le médecin.

Cette situation déstabilise profondément les patients déjà suivis en psychiatrie.

"Un patient avec une pathologie sévère chronique, qui a besoin d'un soutien conséquent, va suivre un traitement, reçoit des visites d’infirmiers ou des soins en hôpital de jour", explique-t-elle.

"Il a ses repères, son lien social. Mais avec le confinement, le manque de soins ou l’angoisse, des signes de la maladie peuvent réapparaître et il va perdre tout son équilibre de vie".

Délires, désorganisation, troubles du sommeil, mais aussi mise en danger en ne respectant pas les règles de confinement. Les conséquences, peuvent être dramatiques.

Patients en rupture de soins, difficile gestion des addictions, le tableau se noircit jour après jour. Le Dr. Bertier le sait, il faudra aussi gérer l'après confinement, ceux qui affectés par le deuil, des angoisses post épidémie ou une perte d’emploi viendront frapper à la porte des hôpitaux.

"On s’attend à une 2ème vague, qui va durer, en psychiatrie", redoute Charlotte Bertier. 

"Une population encore plus fragile"

L’hôpital Edouard Toulouse, dessert un bassin de population très précaire. Situé dans le 15ème arrondissement de Marseille, les patients viennent majoritairement des quartiers Nord, le secteur le plus pauvre de la cité phocéenne, parmi les dix plus pauvres de France.

"C’est une population qui est encore plus fragile. Toutes ces modifications de vie ont des impacts immédiats et graves", explique Charlotte Bertier.

Dans ce contexte, la pédo-psychiatre craint une recrudescence des violences familiales : "On se sent impuissant. Comment évaluer cela à distance, par une seule consultation téléphonique ?",  confie-t-elle.

Des services psychiatriques sous tension

Les mesures gouvernementales pour endiguer l’épidémie ont conduit à la fermeture des hôpitaux de jour, aux structures qui assurent le suivi post hospitalisation des patients et aux consultations à domicile.

En conséquences, les personnes vont se diriger vers les urgences, où les risques de contamination au covid-19 sont élevés.

A Edouard Toulouse, qui dispose de près de 200 lits en hospitalisation psychiatrique, déjà deux patients sont affectés par le virus.

Il faut donc réorganiser le service, et ouvrir une unité pour accueillir seulement les patients contaminés. Pour les soignants, le risque est également élevé.

"C’est angoissant, pour la population, pour le système de santé déjà fragile, et pour notre famille. On sait qu’il y aura des malades parmi nous, et la peur de contaminer nos proches est toujours présente", explique Charlotte Bertier.

Aller à l’hôtel ? Le Dr. Bertier y a pensé. Mais le soutien de sa famille est trop important, nécessaire, pour pouvoir supporter les prochaines semaines, qui s’annoncent difficiles.
 
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