L’Art Dû théâtre, n'a que trois ans d'existence mais déjà un belle notoriété. Entre programmation ambitieuse et ouverture aux tout petits, ce théâtre de Marseille a su trouver son public. Sans subventions, ce lieu chaleureux va-t-il pouvoir s'en sortir après la crise du coronavirus ?
Tout s'est figé le 12 mars dernier, à la fin du spectacle de Pierre-Emmanuel Barré.
L'heure du confinement n'a pas encore sonné. D'un commun accord, l'humoriste et le directeur du théâtre Stan Brizay décident d'annuler les deux représentations suivantes.
Avec près de 100 spectateurs par soir dans la salle, ils ne voulaient pas participer à la propagation du virus.
Quatre jours plus tard, le confinement est obligatoire. Le rideau tombe sur la scène de L’Art Dû théâtre.
Adieu les trois coups
Le hall, si accueillant et chaleureux habituellement, est vide. Les affiches des spectacles du mois de mars, encore aux murs, rappellent que le temps s'est arrêté.Les spectacles ont tous été reportés. Les cours de théâtre sont en suspens.
Au début du confinement, qu'il pense provisoire, le moral est plutôt bon. Mais au fil des jours, Stan comprend que la situation va durer.
"Quand on percute que l’on va rester confiné, on repense à toutes les dépenses et on se demande comment faire".
81.000 euros de pertes
Aucune rentrée d'argent, aucune subvention et 4.500 euros de frais fixes par mois, loyer, crédit et autres frais compris. Les lignes comptables s'ajoutent et ne laissent apparaître au fil des mois que des pertes.Stan a calculé. Ce sont 81.000 euros de perte sèche de chiffre d'affaires depuis le 12 mars. "Même si tous les spectacles ont été reprogrammés, la perte ne se rattrapera pas".
Passé le choc, il faut penser au présent et au futur, relativiser aussi pour ce papa d'une petite fille de trois mois.
"Ce fut dur mais je l'accepte, il faut que l'on passe à autre chose, et que l'on se remobilise".
Dans un premier temps, il a fallu limiter la casse. "Il a fallu réagir vite et ne surtout pas baisser les bras, nous avons pu trouver un accord avec la banque pour geler le crédit, le propriétaire a accepté de reporter le loyer".
En ce qui concerne les 11 professeurs des cours de théâtre, qui ne sont pas intermittents, "c'est plus compliqué, car j'ai plus de 100 élèves et j'ai payé les profs en début d'année pour la plupart, je ne suis pas en capacité de rembourser les participants".
Mais le directeur du théâtre, qui ne se verse pas non plus de salaire depuis mars, rassure ses élèves. "Des stages auront lieu cet été pour compenser le manque de cours et personne ne sera lésé".
Stan reste suspendu aux lèvres du gouvernement, dans l'attente d'une date de réouverture. "Dès que nous pourrons rouvrir, les cours reprendront mais en plus petits groupes et sûrement en extérieur, pour éviter la proximité physique".
Tout va bien mais on ne sait pas où on va.
Stan Brizay se remémore le travail passé et apprécie l'évolution. Il y a trois ans, L’Art Dû théâtre n'était encore qu'un garage.
Lorsque le rideau est tombé en mars, le théâtre avait enregistré en moins d'un an près de 30.000 entrées. "Cette année s'annonçait comme la meilleure de toutes, donc là, c'est un gros coup d'arrêt".
Tant qu'aucune date n'est annoncée pour la rouverture, difficile pour Stan Brizay de s'organiser, mais il réfléchit déjà à la suite, plutôt partisan du "tout ou rien".
"Vu la jauge de ma salle, je pense qu'en ouvrant à moitié pour les spectacles, pour respecter les distances, on serait financièrement perdants".
"Je ne veux pas jouer au gendarme, surtout avec notre jeune public". Le directeur du théâtre préférerait attendre et ouvrir en toute sécurité en septembre et totalement.
D'une salle à l'autre, solidarité entre théâtres
Pour garder le moral et s'entraider, les petits théâtres privés en région se sont regroupés en association. Ils sont plus de 80, et échangent entre eux, se soutiennent et tentent de peser.Le but est aussi de chercher à obtenir des subventions en étant regroupés. "C'est une entraide, on a une vue plus globale aussi et la transmission des informations est très importante".
Déja dans les tuyaux avant la crise, le collectif s'est monté encore plus rapidement que prévu.Plusieurs dossiers de demandes de subventions sont en cours, et le directeur de L’Art Dû Théâtre est confiant.
Il a aussi fait une demande pour obtenir un prêt garanti par l’Etat, mis en place pour aider les entreprises à faire face au Covid. "Sans ce prêt, on serait au bord de la banqueroute".
Au lieu de baisser les bras, le directeur est allé de l'avant et a profité de tout ce temps pour contacter les productions et proposer sa scène à de grosses têtes d'affiches, en rôdage notamment.
Les sociétés de production ont pris en compte la situation et accepté de passer des artistes de renom sur des scènes plus petites.
"Le fait qu’on me dise oui m’a maintenu en vie", reconnaît Stan Brizay.
Même si la programmation doit rester encore confidentielle, le directeur promet de belles affiches pour le redémarrage de l'activité et ramener les spectateurs à la scène.
"Septembre va être assez dingue, je ne vous en dis pas plus mais on est sur une énorme rentrée". Tout juste glisse-t-il que la programmation sera essentiellement axée sur l'humour.
Autre point positif, le soutien du public. Sur son site internet, L’Art Dû Théâtre a déjà enregistré "une centaine de pré-inscription pour les cours de la rentrée".
"Je reçois énormément de messages de soutien". Ses fidèles spectateurs lui demandent comment l'aider ou le soutenir.
En réservant sur le site, les spectateurs aident le théâtre à se maintenir à flot, "C'est un soutien énorme", conclut Stan Brizay plus déterminé que jamais. Et que vive l'art du spectacle !