Professeur pendant trente ans dans les quartiers nord et déjà auteur de plusieurs livres sur son métier, Dominique Resch livre un témoignage drôle et touchant de ce qu'il a vécu avec ses élèves de lycée pro à Marseille dans "Le plus beau métier du monde".
Dominique Resch a un pincement au cœur en ce lundi 4 septembre, jour de rentrée des classes. Pour la première fois depuis trente ans, il n'est pas au rendez-vous avec ses élèves. Il n'est pas en retard. Il n'est pas malade. Rien de grave. Il est à la retraite.
Pour cette rentrée, le professeur de français-histoire-géo s'adresse à un nouveau public. Dans une BD intitulée Le plus beau métier du monde, chronique d'un prof des quartiers (éditions Vuibert), il raconte son métier au lycée professionnel Louise-Michel, dans le quartier "sensible" de la Castellane - la cité de Zinédine Zidane - à Marseille. Pas une sinécure, mais une source presque inépuisable de perles, anecdotes, et autres situations cocasses du quotidien.
"C'est que du vécu, précise d'emblée l'auteur, j'ai mis un point d'honneur à ce que tout soit strictement vrai, j'ai un dessinateur qui s'amuse parfois à arranger les choses mais tout est vrai, confie-t-il à France 3 Provence-Alpes. Ce qui m'a plu, c'est de montrer tout le côté positif dont on ne parle jamais dans la presse en général."
"Beaucoup d'élèves savent que j'écris sur eux"
D'une bulle à l'autre, on rit de bon cœur de ses échanges avec ses élèves, jamais en manque d'inspiration pour animer les cours. Comme le jour de la rentrée, quand il faut remplir la fiche de renseignements... On comprend toute la réserve de patience que l'enseignant doit avoir engrangée pendant l'été pour ne pas craquer à la fin de la première journée.
"Beaucoup de mes élèves savent que j'écris sur eux, et ils ont tendance parfois à en rajouter un petit peu, ils me disent : 'Ça pourrait vous aider pour votre livre', c'est assez drôle, mais je leur dis non, il faut se calmer un petit peu", s'amuse Dominique Resch qui préfère cependant tempérer ces bonnes volontés. "En même temps, c'est sympa car ils adorent qu'on parle d'eux !".
Des Vosges aux quartiers Nord
Le Vosgien s'est ancré dans les quartiers nord dans les années 1990. Il n'a plus voulu être muté. "Jamais. Pendant deux ou trois ans, je doutais un petit peu, je n'avais pas les codes, je n'avais même pas leur façon de parler, c'était un peu difficile et après, il y a eu des retours sympas de ces gamins qui parfois n'ont rien. Tout ce qu'on leur apporte, c'est tellement gratifiant, riche pour eux et pour moi. Je ne fais pas d'angélisme, mais je ne veux pas faire de misérabilisme non plus".
Pour autant, il ne masque pas les difficultés d'enseigner dans ces quartiers. Les dealers, la violence ou encore "la détresse des élèves qui arrivent d'Afrique notamment et qui sont dans le dénuement le plus complet".
"Je n'ai pas voulu le cacher, mais j'ai voulu montrer que derrière ça, dans le lycée en tout cas, on a beaucoup choses positives."
"On a des gamins qui nous arrivent parfois un peu sans foi ni loi et au bout de quelques mois, ils jouent au basket, ils sont sympas, ils font des exposés, et c'est ça qui me plaît."
Dominique Reschà France 3 Provence-Alpes
Tout n'a été simple dès le départ, reconnaît le professeur. Ce sont les années d'expérience qui lui ont permis de nouer cette relation avec ses élèves. "Mais surtout, j'ai la chance d'être dans un lycée professionnel assez petit, et c'est assez humain, et dans pas mal de classes, ils ne sont pas nombreux et ça, ça change tout. En CAP maçon, par exemple, ils sont 15, ça crée un rapport privilégié avec eux et c'est beaucoup plus facile que s'ils étaient 30 ou 33".
Dans cette BD, Dominique Resch et ses élèves prennent vie sous le trait de l'illustrateur Eric Doxat, qui signe son premier roman graphique. "C'est un dessinateur absolument extraordinaire, car il ne suit pas la mode des mangas, etc. il a vraiment un coup de crayon que je trouve fabuleux, avec des petits aplats de couleur là où il faut, en plus il est très sympathique, j'ai eu beaucoup de plaisir à travailler avec lui".
Bientôt une adaptation au cinéma ?
Olivier Nakache et Eric Toledano ont signé la préface et on imagine sans mal une adaptation drôle et touchante de ces bulles de BD sur grand écran. "Ce n'est pas prévu, mais c'est vrai que je parle beaucoup avec eux, et c'est vrai que dans la lignée d'Intouchables et d'autres films fabuleux qu'ils ont faits, ce serait une bonne idée, c'est sûr", confie Dominique Resch.
Qu'on se rassure, le nouveau retraité ne s'ennuiera pas et ses élèves ne le quitteront pas réellement. Il a encore plein d'histoires à raconter. Pendant trente ans, il a collecté ses petits bouts de vie. "J'avais toujours un stylo et dès que j'entendais un truc un peu marrant ou une situation un peu drôle, je m'empressais de le noter". Sur des petits papiers, qu'il mettait ensuite dans sa poche. "Et le soir, j'en sortais de mes poches de pantalon ou de veste. Ça traîne un peu partout à la maison, dans les tiroirs, un jour, je les rassemble et je regarde ce que je peux faire avec tout ça."
Avec toute cette matière collectée et conservée précieusement pendant trente ans, Dominique Resch a de quoi nous régaler encore. Un volume 2 est déjà dans un coin de sa tête. Si l'album qui vient de sortir marche bien, souligne-t-il.