Déserts médicaux : plus de 100 jours pour un rdv avec un dermatologue, un délai alarmant et dangereux

102 jours pour avoir un premier rendez-vous avec un dermatologue dans les Bouches-du-Rhône, pas de rendez-vous possible dans les départements alpins... Une réalité dramatique et dangereuse pour les patients. Quelles sont les causes et les solutions ?

"On savait qu'il y avait des délais important pour obtenir un premier rendez-vous avec un dermatologue, mais on ne s'attendait pas à des chiffres aussi alarmants", indique le docteur Jean-Pascal Del Bano, co-fondateur du groupe "le Guide santé".

Le Guide vient de publier une étude exhaustive sur les délais d'attente pour avoir un premier rendez-vous avec un dermatologue. Cette enquête a été réalisée entre juin et décembre 2019, selon le principe du "patient-mystère".

"Nous avons contacté les 3.341 dermatologues conventionnés en France, comme si nous étions un patient qui souhaite prendre un rendez-vous", explique le docteur Del Bano. "Nous avons constaté de grandes inégalités d'une ville à une autre ou d'un département à un autre".

Une carte interactive nationale a été éditée et représente, ville par ville, le temps moyen d'attente pour obtenir un premier rendez-vous avec un dermatologue.

En France, la durée moyenne pour avoir un rendez-vous est de 95 jours, c'est aussi le cas à Marseille. Mais le temps moyen dans les Bouches-du-Rhône est de 102 jours, 105 jours dans le Vaucluse et 106 jours dans le Var.

Pire, dans les deux départements alpins, il est carrément impossible de prendre un premier rendez-vous avec un dermatologue.

"A Gap, par exemple, il y a 16 dermatologues, aucun n'a accepté de prendre un premier rendez-vous ou alors le délai était de plus d'un an", précise le docteur Del Bano.

"C'est très inquiétant quand on sait qu'un mélanome peut évoluer très rapidement", insiste-t-il.

Cette enquête a révélé un autre chiffre alarmant : sur les 3.341 dermatologues conventionnés en France, seuls 593 ont proposé des consultations pour un nouveau patient et 1.193 sont restés injoignables à trois reprises, à raison d'un appel par semaine.

Pourquoi des délais aussi importants ?

Pour expliquer ces délais si longs pour obtenir un premier rendez-vous avec un dermatologue, il n'y a pas une raison, mais plusieurs.

D'abord, il y a une baisse de la démographie médicale. Les médecins aussi partent à la retraite et ne sont pas remplacés. "C'est vrai", constate Jean-Pascal Del Bano, "mais ça ne suffit pas à expliquer les temps d'attente aussi longs".

Il y a aussi le vieillissement de la population, "avec l'âge, les maladies de peau augmentent et surtout, ce sont des maladies chroniques qui demandent des consultations régulières et occupent beaucoup de temps".

En France, 15 % de la population souffre de maladie de peau chronique.

Le temps médical disponible, justement, il diminue de plus en plus. Terminé, l'époque où les dermatologues (en médecine de ville) travaillaient 70 heures par semaine. "Aujourd'hui, ils veulent travailler 35 heures, comme les autres", constate le docteur Del Bano, ce qui n'est pas le cas des spécialistes hospitaliers qui sont plus près des 50 heures que des 35.

Le temps médical disponible est aussi diminué par les tâches administratives, l'accueil des visiteurs médicaux et les consultations esthétiques.

"Les consultations esthétiques ne sont pas des soins médicaux. Nous avons parfois constaté que chez un même spécialiste, il fallait une semaine pour avoir un rendez-vous pour une injection de botox, alors qu'il fallait trois mois pour une consultation médicale", affirme Jean-Pascal Del Bano.

À ce sujet, sur les 3.341 dermatologues en France, 32 ne proposent que des consultations esthétiques.

Une autre cause pour expliquer les délais d'attente, ce sont les maladies elles-mêmes, qui se "chronicisent". "Psoriasis, acné, dermatite atopique, aujourd'hui, il existe des molécules capables de traiter ces maladies, mais il faut un suivi régulier et ça prend beaucoup de temps médical", justifie le docteur Del Bano.

Quelles solutions pour réduire les délais ?

Les patients "sur-sollicitent" les dermatologues, notamment à cause des campagnes de prévention, "mais ils ne respectent pas le parcours de soin et se dirigent tout de suite vers le dermatologue. Il faut d'abord consulter son médecin généraliste qui pourra traiter 80 % des maladies de peau ou réorienter vers un spécialiste", insiste Jean-Pascal Del Bano.

Il faut aussi apprendre aux patients à s'auto-surveiller. Il existe des brochures disponibles, en particulier pour apprendre à surveiller l'évolution d'un grain de beauté.

Du côté des médecins, il faudrait une meilleure répartition des spécialistes sur le territoire. L'Agence régionale de santé (ARS Paca) propose des aides à l'installation et des aides au regroupement des professionnels de santé. Plusieurs contrats ont déjà été signés entre des médecins et l'ARS Paca dans la région, mais au-delà des déserts médicaux, il y a les déserts du temps médical qu'il faut aussi régler.

Enfin, il faudrait également développer le métier d'assistant auprès du spécialiste. "Des assistants, bien formés, pourraient par exemple trier les patients en fonction de leur pathologie et prodiguer des sons, ce qui donnerait du temps médical au médecin", conclut le docteur Del Bano.

Depuis juin 2019, lorsque vous avez un doute sur l'évolution d'un grain de beauté par exemple, des pharmacies proposent de prendre des clichés à l'aide d'un dermatoscope. Ces photos sont ensuite envoyées vers une plateforme dédiée et vous avez la réponse d'un dermatologue dans les 15 jours.

En France, chaque année, 14.300 personnes sont touchées par le mélanome et ce cancer fait 1.800 morts par an. C'est le plus grave des cancers de la peau, il peut évoluer très rapidement et produire des métastases. Si le diagnostic est réalisé suffisamment tôt, ce cancer peut être mieux soigné.

D'autres spécialités en tension

"Le Guide Santé" a constaté principalement quatre spécialités médicales où les délais d'attente pour avoir un premier rendez-vous sont particulièrement longs : la dermatologie, l'ophtalmologie, la gynécologie et la pédiatrie.

"Nous réalisons actuellement une étude sur les délais d'attente en ophtalmologie. L'enquête n'est pas terminée, mais on constate déjà des délais entre six mois et un an pour obtenir un premier rendez-vous", indique le docteur Del Bano, précisant que les causes de ces délais sont à peu près similaires à celles constatées en dermatologie.
 
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