Le 5 mai 1992, une tribune s'effondre dans le stade de Furiani, en Corse. Ce jour-là, 19 personnes sont mortes et 2.357 ont été blessées. Le commentateur de l’OM sur France Bleu Provence, Avi Assouly est un rescapé. Il raconte.
Ce mercredi soir, au Vélodrome, les joueurs porteront un brassard noir et une minute de silence sera respectée avant la rencontre OM-Feyenoord Rotterdam, à la mémoire des victimes de Furiani.
Trente ans, jour pour jour, après la plus grande catastrophe du football français. À l'époque, le Marseillais Avi Assouly commente les matches de l’OM sur France bleu Provence.
Ce 5 mai 1992, il est avec 35 autres journalistes dans la tribune provisoire bricolée à la hâte pour la demi-finale de Coupe de France Bastia-OM au stade Armand-Cesari.
Une cinquantaine de fractures, trois semaines de coma, cinq opérations, c'est un miraculé de Furiani. Il nous raconte le moment où sa vie a basculé, ce jour-là, à quelques minutes du coup d'envoi.
- Quand vous êtes arrivé à Furiani ce jour-là, tout était comme d'habitude ?
Non, ce n'était pas comme d'habitude, parce qu'on était fatigués. L'OM était sur tous les tableaux, on revenait de l'Europe, ils repartaient pour la Coupe de France, il y avait le championnat.
D'habitude je pars la veille, on dort là-bas, et le lendemain on a le match, et là, j'étais tellement fatigué que j'ai pris le dernier avion pour être à Bastia vers 17h30. Le taxi est venu me chercher, j'ai déposé ma valise à l'hôtel, j'ai pris mon Nagra et mon accréditation, et me voilà reparti au stade, à Furiani.
Il y avait du monde, j'ai vu ces trucs, ces bouts de fer, ces machins. On s'est dit "c'est quand même bizarre, ça s'est monté tellement vite". On s'est dit, "bon ça va, la sécurité est passée, la préfecture a dit ok, on s'est dit c'est bon".
On a fait confiance, on est montés tout là-haut, même, on plaisantait, je crois que c'est Fasano qui a dit à De Rocca : "tu me feras un bon papier comme quoi j'étais un super journaliste".
Et nous voilà montés à 17 mètres de haut, parmi les supporters. Et on avait peur, surtout des bombes agricoles, du public.
- Comment était l'ambiance ?
C'était chaud! Incroyable! L'ambiance était très tendue. C'était très agressif. Pas de la haine, mais les Bastiais qui disaient "on va vous tuer, on va vous battre". Moi j'avais plus peur du public que de la catastrophe.
Et puis à 20h18, j'entends le speaker qui dit : "ne tapez pas sur les structures métalliques, attention, ne tapez pas". Les gens tapaient des pieds, il leur a dit "arrêtez!"
À 20h19, je mets ma main comme ça, en haut, et un genre de planche ou de fer est tombé. Je me suis dit "qu'est-ce que c'est que ça?". Ça commençait déjà à bouger.
Et j'ai un petit direct à 20h20, parce que le match était à 20h30. je dis "Bonjour, y a le public, c'est chaud, on distingue à peine les joueurs". Et je dis un truc prémonitoire, je dis : "j'espère qu'à la fin du match, je serai toujours là".
Dans mon esprit, c'était qu'on ne me tape pas dessus, si l'OM met un pénalty, on avait peur de ça et puis, patatras...
- Et après, c'est le trou noir ?
Je me souviens d'Alain Soultanian le kiné, qui est venu, qui m'attrapait la main, il me disait "Avi, Avi, ne t'en va pas, reste avec nous, je veux pas que tu partes, reste avec nous."
Les joueurs m'avaient emmené pour que je prenne l'hélicoptère. Et on m'a transporté à Ajaccio, à l'hôpital de la Miséricorde, mais j'étais sans connaissance.
Pascal Olmeta a même fait un papier où il disait "Avi, il est mort, il lui ont mis le drap sur le visage et le drap a bougé".
Et Tapie avec Casoni, avec Pascal, avec les joueurs, avec Amoros, ils m'ont envoyé sur Ajaccio. Et je me suis réveillé 21 jours après, à Marseille, à La Timone. J'étais dans le coma.
- Vous vous réveillez et après ?
Je me réveille et je ne me souviens plus de rien, je sais quand je suis tombé. C'était des sièges baquets, je m'attrape dessus et je vois toute ma vie. J'avais 40 ans à l'époque et j'ai vu toute ma vie défiler, mon frère, mes sœurs, leurs mariages, mes parents, la naissance de mon fils, mes enfants. Toute ma vie a défilé.
Je me suis réveillé 21 jours après, avec tout ce que vous savez, les vertèbres... je pensais que j'allais même être paralysé. Huit mois après, j'étais sur chaise roulante, voilà.
- Quand vous apprenez ce qu'il s'est passé, vous prenez conscience ?
Non même pas, j'ai une trachéotomie, des tubes partout, je suis éclaté. On m'a laissé pour mort. Tapie est passé nous voir, j'écoutais, mais je ne pouvais pas parler, j'ai frôlé la paralysie.
- Et aujourd'hui, 30 ans après ?
Dans le livre (NDLR "Furiani, 20 ans"), il y a dix ans, j'avais dit j'ai 20 ans de bonus. Aujourd'hui, j'ai 30 ans de bonus. Je suis un miracle vivant.