Essai clinique à l'IHU de Marseille: pourquoi des médecins demandent des sanctions contre le professeur Didier Raoult

Un essai clinique réalisé sur plus de 30.000 patients soulève une nouvelle fronde de médecins contre l'ancien patron de l'IHU Méditerranée Infection.

Très rapidement après l'apparition du Covid 19, l'Intsitut Hospitalo-Univeristaire (IHU) Méditerranée Infection de Marseille propose un remède : l'hydroxychloroquine. 30.000 patients ont été traités avec ce médicament entre mars 2020 et décembre 2021.

Cette prescription à grande échelle constitue "vraisemblablement le plus grand essai thérapeutique sauvage connu à ce jour" selon plusieurs organisations médicales qui ont publié une tribune dans le journal Le Monde du 28 mai. France 3 Provence-Alpes vous explique pourquoi ces médecins, pharmacologues, infectiologues ou encore cardiologues, demandent des sanctions contre le professeur Didier Raoult et son équipe.

    • Parce qu'ils dénoncent un traitement était systématique 

    Les signataires de cette tribune affirment que "les règles élémentaires ont été largement enfreintes, en particulier par certains biologistes et cliniciens de l'IHU, notamment à l'occasion de la crise sanitaire".

    Ils dénoncent un traitement administré de façon systématique. Plus de 30.000 patients atteints du COVID-19 ont été soignés à l'IHU Méditerranée Infection de Marseille. Ils ont presque tous reçu de l'hydroxychloroquine et de l'azithromycine, même s'ils étaient asymptomatiques. Les ordonnances étaient standards, le médecin avait juste à cocher des cases ou rayer un médicament, selon nos confrères de franceinfo.

    Les ordonnances semblent, pour celles que j'ai pu récupérer toutes pareilles. Donc, tout est pré-imprimé. Il n'y a pas besoin de changer quoi que soit.

    Professeur Molimard, chef de service du CHU de Bordeaux

    Le professeur Mathieu Molimard est à l'initiative de la tribune. "Les ordonnances semblent, pour celles que j'ai pu récupérer toutes pareilles. Donc, tout est pré-imprimé. Il n'y a pas besoin de changer quoi que soit", a-t-il expliqué. 

    Selon lui, "cela prouve que c'est systématique et qu'on est vraiment sur du protocole". La finalité d'un protocole de recherche est de réaliser un essai clinique. "C'est une recherche clinique, oui", affirme le chef du service de pharmacologie au CHU de Bordeaux. "Il y a une volonté de publier. On n'est clairement pas dans du soin, on n'est clairement pas dans l'intérêt direct du patient. Par contre, il y a un intérêt à publier." 

    • Parce qu'ils s'interrogent sur le consentement des patients

    Les signataires dénoncent un essai clinique "sauvage ", réalisé sans l'aval de l'Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM), garante de la sécurité des patients. 

    Les organisations médicales de cette tribune s'interrogent par ailleurs sur le consentement éclairé des participants. Les droits et la sécurité des personnes participant à la recherche doivent être respectés. Nous ignorons si les patients de l'IHU étaient informés de leur participation à une étude clinique. 

    • Parce qu'ils ont alerté sur les risques de l'hydroxychloroquine

    Le professeur Milou-Daniel Drici est cardiologue au CHU de Nice. Il raconte comment la toxicité cardiaque de l'hydroxychloroquine a été rapidement repérée : "Nous avons vu des toxicités cardiaques remonter par le biais de 31 centres de pharmacologies. Des troubles du rythme. L'alerte a été donnée très tôt."

    "Dans le mois qui a suivi l'utilisation, nous avions 103 cas. Aux alentours de l'été, nous avions 180 cas liés à l'hydroxychloroquine, dont 8 arrêts cardiaques, 4 ayant pu être récupérés."

    De nombreux témoins ont décrit se sentir beaucoup mieux après le traitement reçu à l'IHU. Mais en médecine, les preuves sont basées sur des études prospectives randomiséés, une partie des volontaires qui se prêtent à cette recherche reçoit le produit, l'autre reçoit un référent. "Il y a beaucoup de patients qui vont mieux grâce à l'homéopathie, qui n'a jamais pouvé son efficacité scientifique intrinsèque", décrit le preofesseur Drici.

    Le fait de se sentir mieux peut faire partie d'un processus de soins. Il peut être prescrit si le médicament est bénin mais pas quand il comporte des risques.

    Professeur Milou-Daniel Drici, cardiologue

    • Parce qu'ils s'étonnent du silence des autorités de tutelle

    Les recherches scientifiques sont encadrées. Les signataires de la tribune s'étonnent que les textes juridiques aient pu être "aussi largement et systématiquement bafoués, sans réaction des autorités administratives, ordinales ou judiciaires à la hauteur de la gravité de ces anomalies."

    "Les graves manquements constatés pourraient alors devenir la norme," alertent-ils.   

    "Pour que de telles prescriptions, à un tel niveau, aient pu être faites, il faut quand même la participation de l'industrie pharmaceutique qui délivre les médicaments (...) puis la participation des pharmacies dans les pharmacies hospitalières" signale Milou-Daniel Drici, "C'est une chaine qui aurait dû être contrôlée par l'Agence nationale de sécurité du médicament, le Conseil national de l'ordre et le comité d'éthique. Toutes ces institutions ont fermé les yeux."

    Pour la crédibilité de la recherche médicale française, la confiance accordée par les patients, les signataires demandent une réaction des autorités de tutelle et des sanctions. L'ANSM a fait savoir qu'elle envisageait de saisir la justice. 

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