Cinq ans d'études, 2.300 euros nets par mois, week-ends et astreintes compris. Les infirmiers anesthésistes sont en grève ce lundi. Ils dénoncent la dégradation de leurs conditions de travail et réclament la reconnaissance de leur statut. Témoignage à La Timone.
Valentin Prenant, 33 ans, est infirmier anesthésiste depuis 2015 à Marseille. Après ses trois ans d'études en école d'infirmiers, il a travaillé deux années puis repassé un concours pour avoir un master dans cette spécialité.
En poste au bloc central de l'hôpital public de la Timone, il gagne aujourd'hui 2.300 euros nets par mois, avec les week-ends et les astreintes.
Mais ce n'est pas son salaire qu'il met en avant pour expliquer sa mobilisation à cette semaine "blocs morts" décrétée dans les hôpitaux.
Comme les 10.000 infirmiers-anesthésistes diplômés d'État (IADE) de France depuis plus d'un an, il réclame la reconnaissance du travail qu'il fait au quotidien en binôme avec le médecin anesthésiste et des responsabilités qui sont les siennes auprès des patients.
"Le matin à 7h, je prends en charge les patients après la consultation préalable du médecin anesthésiste et je prépare les médicaments", raconte Valentin Prenant.
Et sa mission va bien au-delà de la préparation du patient.
"Tous les jours, on effectue des anesthésies complètes, générales ou locales, ajoute-t-il, on est aptes à le faire du moment qu'un médecin anesthésiste est disponible à tout moment, et si la situation nous dépasse".
Valentin Prenant a la lourde responsabilité de ses patients anesthésiés et de leur réanimation en péri opératoire.
On demande juste de reconnaître ce qui est fait tous les jours.
Valentin Prenant, infirmier-anesthésiste
Une réalité de terrain qui n'est pas prise en compte dans le statut des infirmiers-anesthésistes, qui veulent être reconnus comme "auxiliaires médicaux en pratique avancée".
"Ce sont des professionnels qui travaillent en autonomie supervisée par un médecin, détaille Valentin Prenant, non-syndiqué mais membre "actif" du collectif des infirmiers-anesthésistes de Paca, et on a toujours travaillé comme ça depuis 60 ans".
"C'est avant tout une reconnaissance professionnelle, souligne-t-il, qui nous permettrait de bénéficier des avantages en matière de projet professionnel, d'accéder à certaines formations comme des doctorats...".
Et cerise sur le gâteau, "s'il y a des avancées pécuniaires à l'avenir, ça permettra d'y prétendre".
En 15 ans d'exercice, Valentin Prenant a vu ses conditions de travail à l'hôpital public considérablement se dégrader.
"Il y a de plus en plus de lourdeurs administratives. On a l'impression que tout est fait pour que les gens n'aient plus envie de venir travailler", déplore-t-il.
Plusieurs fois, il s'est posé la question de rendre sa blouse. Ils sont nombreux à franchir le pas. Dès l'école d'infirmiers.
Entre 2018 et 2021, 1.300 démissions d'étudiants ont été enregistrées, a reconnu Olivier Véran le 28 octobre dernier.
"On fait ce métier parce qu'on l'a choisi et qu'on l'aime, dit-il, mais quand on voit qu'on demande juste à reconnaître notre travail et qu'on ne nous répond même pas, c'est du mépris".
La petite phrase de trop
Dans un climat de tension exacerbé par la crise sanitaire de ces derniers mois, une petite phrase du ministre de la Santé prononcée devant l'Assemblée nationale est venu mettre le feu aux poudres.
Olivier Véran a résumé le travail des IADE à des compétences techniques. Des mots qui ne passent pas.
Troisième mobilisation en un an
Pour cette troisième mobilisation depuis mai, un appel à la grève nationale a été lancé du 2 au 11 novembre. Pour limiter l'impact sur la programmation des interventions, les infirmiers-anesthésistes ont été assignés par leur direction.
Ce lundi à 8h, ils ont débrayé une heure pour se rassembler dans le hall de l'hôpital de la Timone.
Cet après-midi, un rassemblement est prévu devant le siège régional de leur ordre à Marseille, à qui ils demandent de soutenir leurs revendications auprès du gouvernement.