À l'occasion de la journée internationale du droit des femmes le 8 mars 2024, près de 80 associations, syndicats et organisations politiques appellent à une "grève féministe". On vous explique quels sont les droits des salariés dans ce mouvement qui dépasse le cadre exclusif du droit du travail.
À l'occasion de la Journée internationale du droit des femmes le 8 mars 2024, 78 associations, syndicats et organisations politiques, regroupés sur les réseaux sociaux sous le hashtag #grevefeministe, invitent à cesser de travailler, de consommer et d'effectuer des tâches domestiques, afin de dénoncer les inégalités dont sont victimes les femmes à travers le monde. France 3 Provence-Alpes vous explique quels sont les droits des salariés dans ce cadre atypique d'exercice du droit de grève.
Est-ce une grève comme les autres ?
Les revendications de ce collectif sont multiples et ne touchent pas toutes à la question du travail. De la solidarité avec les femmes du monde entier, à la liberté de choisir son identité sexuelle, en passant par la lutte contre les violences sexistes ou l'opposition à l'extrême droite, le panier de la contestation est rempli pêle-mêle de nombreux sujets de crispation.
Ce #8mars2024, c'est la #grèveféministe
— Grève féministe (@greve_feministe) January 31, 2024
Pour faire entendre nos voix et notre détermination
Pour défendre les droits des femmes et LGBTQ
Pour dénoncer les violences sexistes et sexuelles
Pour la fin de l'ancien monde
Soyons https://t.co/QGX7AFwRV5 à manifester partout en France pic.twitter.com/jM2FbnzNZo
Pourtant, selon Manon Child, avocate au barreau de Marseille, il s'agit d'une grève au sens juridique du terme, répondant à la définition de "cessation totale du travail, collective et concertée, en vue d'appuyer des revendications professionnelles, puisque les organisations syndicales dénoncent entre autres, dans leur tract du 8 mars 2024, les inégalités de salaire, de carrière, de pensions de retraite et la lutte contre la discrimination".
En revanche, pour ce qui concerne la grève de la consommation et la grève du travail domestique, le terme de "grève" est ici détourné de son sens premier, car il n'a pas de lien avec le monde professionnel. Il évoque ici plutôt un moyen de pression sur le gouvernement, l'action d'acheter ou d'accomplir des travaux chez soi relevant de la sphère privée.
Puis-je faire grève, même si je suis la seule (ou le seul) à cesser le travail dans mon entreprise ?
Si "l’exercice du droit de grève n’est pas soumis à un préavis dans le secteur privé", Manon Child, compare ce mouvement à celui contre la réforme des retraites. Les salariés du privé sont ainsi couverts par les préavis déposés nationalement par les organisations syndicales. "La grève est un droit individuel exercé collectivement, un seul salarié de l’entreprise ne peut pas faire grève isolément, sauf s'il obéit à un mot d’ordre formulé sur le plan national."
Dans la fonction publique, il est indispensable qu’un préavis de grève ait été déposé par un syndicat, ce qui est précisément le cas. Pour le 8 mars 2024, les confédérations et fédérations syndicales nationales CGT, FSU, Solidaires, UNSA et CFDT ont déposé un préavis de grève.
Puis-je faire la grève féministe si je suis un homme ?
Le mouvement vise une grève féministe et pas féminine. Il s'agit de défendre l'égalité salariale et de protester contre les discriminations professionnelles fondées sur le sexe. Un homme peut très bien porter ses revendications. Le droit de grève est un droit constitutionnel, qui s'applique donc à chaque citoyen.
Plus précisément, a-t-on le droit de faire grève si l'on est pas directement concerné par les revendications ? Les grèves de solidarité interne (en soutien à un collègue) ou externe (mouvement lancé par une autre entreprise) comme les grèves ayant un aspect politique, sont considérées comme licites. Il est en revanche impératif que les revendications intéressent d'une manière ou d'une autre le salarié gréviste. A titre d'exemple, la Cour de cassation a validé l'exercice du droit de grève pour la contestation de la réforme des retraites.
Que dois-je déclarer à mon employeur ?
Il n'est pas nécessaire d’avertir l'employeur avant de faire grève. Manon Child précise que "le salarié doit toutefois justifier, après son absence, de la raison de son absence : la grève". Dans la pratique, si l’employeur demande au salarié les jours suivants quelle était la raison de son absence, le salarié indique alors qu’il était gréviste.
Est-ce que je serai payé ?
Un jour de grève est un jour non travaillé, sans rémunération. Dans le secteur privé, l’exercice du droit de grève entraîne une réduction de la rémunération proportionnelle à la durée de l’arrêt de travail. Petite précision à connaître, indique Manon Child, "l’exercice du droit de grève ne doit pas être mentionné sur le bulletin de salaire".
Est-ce que je risque des sanctions ?
Aucun salarié ne peut faire l’objet d’une sanction (avertissement, mise à pied, licenciement) ni d’une mesure discriminatoire en raison de l’exercice du droit de grève. "Si l’arrêt de travail est licite, le salarié qui y participe ne peut être sanctionné", sauf en cas de faute lourde précise Manon Chid, faute qui se caractérise "par des actes d’entraves à la liberté du travail, telles que des violences sur les biens ou les personnes".