Depuis le début du premier confinement, l'USPEG, l’un des principaux clubs de basket à Marseille, n'a plus accès à son gymnase, dans le 10e arrondissement de Marseille. L'origine du problème : des paniers cassés que personne ne veut réparer. Vendredi dernier, la mairie s’est engagée à financer les travaux à hauteur de 21.000 euros.
"Ça fait 15 ans que je suis dans ce club et que je lui donne ma vie. Et regardez dans quel état notre gymnase se trouve ?" lance Philippe Del Santo, président de l’USPEG basket, la larme à l’œil. Avec le téléphone en main, il filme la scène pour la retransmettre en direct sur sa page facebook.
Les pigeons en ont fait leur nid, les paniers sont cassés et les doubles vitrages sont grossièrement rafistolés avec du ruban adhésif.
Cette vidéo, c’est son dernier ressort pour exprimer son ras-le-bol. Alors, sans relâche depuis plusieurs jours, il ne cesse de la partager sur ses réseaux sociaux pour éveiller les consciences. Une visite guidée du complexe Ledeuc dans le 10e arrondissement de Marseille, fermé depuis deux ans, qui fait réagir de nombreux internautes.
"C’est une honte de ne pas respecter le sport à ce point, et le basket-ball plus particulièrement. Bravo Philippe pour ton implication, et honte à la ville de Marseille pour avoir laissé ce gymnase à l’abandon. Nous sortons d’une période de pandémie infernale sans pouvoir profiter de nos loisirs et passions. À cause d’un papier administratif, nous sommes encore privés de pratiquer notre sport en toute liberté ? Réveillez-vous !" s’exclame Anne-Lise.
Des conditions "inadmissibles"
Et pourtant ce gymnase a une grande histoire. Créé en 1971, il a accueilli par le passé de nombreux tournois internationaux. "La Pologne, le Luxembourg, l’Italie, l’Espagne sont venus jouer ici !" lance le président du club de basket, exténué par l’absence de réponses à ses multiples mails.
J'ai une équipe de féminine seniors (de 18 à 23 ans) qui joue en pré nationale. Elles sont obligées de s'entrainer ailleurs, une fois à Forbin, une autre fois à la Bombardière.
Philippe Del Santo, président de l'USBEG basket
Malgré les conditions dans lesquelles on évolue, elles sont premières et visent la montée en nationale 3. On veut développer le sport pour les filles mais on ne nous donne pas les moyens."
Depuis le début de la crise du Covid-19, les 296 licenciés de ce club sont obligés de s’entrainer et de jouer leurs matchs ailleurs. Ils sont délocalisés dans deux gymnases situés dans les 11e et 14e arrondissements de Marseille. Les collégiens et lycéens des environs, eux non plus, ne peuvent pas utiliser cette installation.
Les 14 écoles qui viennent du lundi au vendredi sont obligés de faire du sport en extérieur sur le terrain de football et ne peuvent pas pratiquer en salle le badminton, le handball ou le basket-ball par exemple.
Philippe Del Santo, président de l'USBEG basket
Alors, qui est le responsable ? Le gymnase appartient au Comité d’entreprise d’EDF, le CMCAS. Mais il a été rétrocédé à la ville en 2006, par un bail emphytéotique de 99 ans, pour 1 euro symbolique, selon Philippe Del Santo qui tient le document entre les mains. "À ce prix-là, si je suis locataire, les réparations je peux les faire !" lance le bénévole, d’un ton sec, avançant sur le sol bleu pétrole du terrain de basket, aujourd’hui recouvert de poussière et d’excréments d’oiseaux.
Des négociations en cours
Problème : Les deux institutions se renvoient la responsabilité des travaux. Côté CMCAS, un conseil d’administration était prévu ce vendredi 25 mars. "Mais pas de réponse depuis" rétorque Philippe Del Santo. Et côté mairie, le service des sports explique : "C’est un dossier très compliqué, nous ne sommes pas officiellement mandatés pour intervenir. Une réunion avec le CMCAS, propriétaire du complexe, est programmée la semaine prochaine pour signer un nouveau bail dans les règles. Avant cela, le service juridique et financier de la ville ne peut pas autoriser les travaux car ce serait illégal."
Je veux aller très vite car cette situation ne me convient pas du tout. Notre politique sportive, c’est de permettre aux marseillais le sport pour tous.
Sébastien Jibrayel, adjoint au sport à la mairie de Marseille
"J’ai demandé à ce qu’on rajoute dans le bail la mention "prise en charge des travaux et entretien"" ajoute l’adjoint Sébastien Jibrayel.
En attendant, l’attrait pour le club dégringole. "J'ai perdu 40% de mes licenciés notamment les jeunes. Leurs parents ne veulent pas traverser la ville pour emmener les enfants au basket. Cette année, j'ai 9 gamins de 7-8 ans qui s'entrainent. Alors qu’en temps normal, j'en ai autour de 45" explique Philippe Del Santo.
Marseille en manque d’infrastructures sportives
À Marseille, capitale européenne du sport en 2017, de nombreux clubs n'ont peu ou pas accès aux infrastructures. Peut-on se permettre de ne pas entretenir l'existant ? D'autant que le gymnase en question est un "beau" gymnase, avec des gradins, ce qui est rare à Marseille.
Face à la pénurie d'équipements sportifs, la ville a lancé un grand plan de réhabilitation.
Il nous manque 50% des installations pour pouvoir satisfaire toutes les disciplines confondues. On doit faire face à un retard qui s’est accumulé sur 30 ans, tout est vétuste.
Sébastien Jibrayel, adjoint au sport à la mairie de Marseille
"Nous avons récupéré des financements auprès de l’agence nationale du sport (ANS). Et sur les 20 derniers mois, on a pu transformer 8 terrains synthétiques, remettre à neuf 4 gymnases et 4 pistes d’athlétisme. Mais il manque encore plus de 10 bassins d’eau", explique Sébastien Jibrayel, qui ne cache pas sa motivation.
La mairie s'est engagée à financer les travaux à hauteur de 20.000 euros environ pour réparer les deux paniers de basket, une fois que tous les documents seront signés. "Le budget est prévu. Et maintenant qu’on a réussi à ouvrir ce débat, ne regardons plus dans le rétroviseur mais avançons" conclut Sébastien Jibrayel. Avant d’annoncer une rénovation "dans les semaines à venir".
"Je n’ai rien contre la ville de Marseille, mais si je n’avais pas fait cette vidéo, il n’y aurait sûrement rien eu. Sauf que moi, mon club dort depuis deux ans et demi, et c’est le problème !" lâche Philippe Del Santo. Ancien secrétaire général de chauffeurs poids-lourds, il n'oublie pas de mentionner qu'il "ne lâche rien dans la vie" avant de raccrocher son téléphone "avec l'espoir que les choses changent".