Le salon de lissage HLC dans le 6e arrondissement a été la cible de violentes agressions en février et en mars. Des hommes casqués s'en sont pris physiquement à Hanene, la gérante. Vidéosurveillance de rue absente, pas d'accès à son dossier médical, et aucune sécurité renforcée, la coiffeuse se sent abandonnée malgré l'enquête en cours.
"J'ai eu la force de me relever et de partir vite en courant". Hanene est encore sous le choc et dans l'incompréhension de ce qui lui arrive. Le 9 février d'abord à 17h23 puis le 21 mars à 15h34, des hommes casqués font irruption dans le salon de coiffure d'Hanene, spécialisé dans le lissage, situé au 106 rue de Breteuil dans le 6e arrondissement de Marseille. Ces agressions violentes semblent être dirigées uniquement contre la gérante. "Les hommes n'ont jamais tenté de s'en prendre à la caisse ou aux sacs à main des clientes ou encore de voler des produits qui coûtent cher", indique Hanene la gérante, confirmant à France 3 Provence-Alpes une information de La Provence. Les coups pleuvent sur une seule personne, Hanene, jusqu'à ce qu'elle réussisse à se mettre à l'abri. Pourquoi est-elle ciblée ? Qui lui en veut et pourquoi ? L'enquête en cours tentera de le définir. Avec son avocat Maître Warren Azoulay, elle a porté plainte. Des interrogations subsistent.
Des agressions sans raison
Hanene, âgée de 35 ans, mère de trois enfants, est installée depuis quatre ans au 106 rue Breteuil et a un deuxième établissement au 104 de la même rue avec son mari. La coiffeuse est spécialisée dans le lissage brésilien et les soins personnalisés. Son commerce "se porte bien" et elle "s'entend très bien avec ses voisins", d'autres commerçants de la rue. Depuis son installation, la clientèle est fidélisée, et Hanene gère plusieurs employées. Dans son salon, à la décoration moderne et cosy, l'ambiance est douce et calme pour les clientes qui peuvent rester plusieurs heures, le temps des prestations les plus complexes. Sauf ce soir du 9 février, où comme le montre la vidéo, Hanene est agressée par-derrière par un homme casqué alors qu'elle coiffe une cliente.
"Il m'a frappée sur la tête avec son arme. Je suis tombée par terre et il a continué à me taper. J'ai essayé de me débattre comme j'ai pu. Ma cliente aussi a reçu des coups car elle s'est interposée parce qu'elle a senti que j'étais en danger", raconte la coiffeuse encore sidérée de ce qui lui est arrivé.
Par instinct de survie, elle parvient à se réfugier. "Je ne sais pas comment j'ai fait. J'ai eu la force de me relever et de partir vite en courant me cacher dans les toilettes. On est une quinzaine dans le salon. L’homme a tenté de me suivre et de me chercher, puis il est ressorti. Cela s'est passé très vite", se souvient douloureusement Hanene, qui à cause de ses blessures aura huit jours d'incapacité temporaire totale (ITT).
La deuxième fois, le 21 mars dernier, ce sont deux hommes qui surgissent dans le salon.
Mais traumatisée par la première agression, Hanene est sur le qui-vive, "repère les deux hommes dès leur apparition sur le trottoir" et part s'"enfermer dans le laboratoire du salon".
Ils la poursuivent, comme on peut très clairement le voir sur les vidéos. "Ils ont essayé d'ouvrir la porte du laboratoire, où j'étais cachée avec une de mes collègues. Ils étaient armés et casqués mais n'ont pas réussi à ouvrir la porte".
Alerté par une des salariés, le mari d'Hanene, qui travaille au 104, vient en direction du salon, et tombe nez à nez avec les agresseurs. "Mon mari a juste eu le temps de faire tomber un des deux jeunes hommes du scooter et ce jeune homme-là a braqué mon mari avec son arme en plein milieu de l'après-midi, en pleine rue Breteuil", détaille la coiffeuse. Mais aucune trace de ce qui s'est passé à l'extérieur du salon car les vidéosurveillances de la rue ne fonctionnaient pas.
Les cameras de surveillance de la rue "hors service"
La rue de Breteuil se situe entre le palais de justice et la synagogue, deux lieux sous haute surveillance, mais à cet endroit les caméras de vidéos surveillance sont hors service, le 9 février et le 21 mars, malgré une première agression.
Seules les images de vidéoprotection du salon de coiffure pourront être exploitées par les enquêteurs. Ont-ils pu se raccorder sur le reste du système de vidéosurveillance de la ville pour suivre la trace des agresseurs ? Rien ne filtre de l'enquête, même si pour le moment aucune arrestation n'a eu lieu."On a l'impression que la sécurité, tout est monopolisé autour des quartiers nord", se désole Hanene. "Et nous qui sommes dans le centre-ville, commerçants, on se sent en danger. On n'est pas en sécurité. Dieu seul sait ce qu'ils auraient pu refaire et les caméras n'ont pas été réparées et je trouve ça inadmissible. Même pour les habitants de cette rue, il n'y a aucune sécurité".
"Aujourd'hui ce sont les victimes qui doivent prouver leurs propres agressions à ceci près que si vous n'avez pas de preuve, on vous l'opposera devant le tribunal", explique Maître Azoulay, l'avocat de la coiffeuse.
"L'impression d'être une deuxième fois victime"
Hanene va plus loin, elle ne se sent pas assez écoutée ou soutenue dans son épreuve. "Malheureusement, qu'on le veuille ou pas, on a du mal à nous prendre en considération. On le ressent, au vu des questions qu'on nous pose parce qu'on est maghrébin. On a tendance à croire qu'on a des histoires, des dettes, des problèmes avec les gens". La jeune entrepreneuse est pourtant catégorique, "je ne dois de l'argent à personne, à part pour le prêt de la banque pour mon commerce, aucun fournisseur, aucun client, aucune charge n'est pas réglée". Ce que vient confirmer son avocat Maître Azoulay, qui regrette aussi que "sa cliente n'ait pas accès à son rapport d'unité médico judiciaire légale", après son examen par le médecin lors du dépôt de plainte. "Parce que c'est un droit pour les victimes d'avoir ce rapport ou par l'intermédiaire de leur avocat, Aujourd'hui Hanene a l'impression d'être une deuxième fois victime dans cette affaire".
Selon la jeune femme, "elle travaille dur depuis longtemps" pour la pérennité de son activité avec son mari, et n'a "pas de conflit ou de personnes qui pourraient lui en vouloir". Elle est d'autant plus "surprise" qu'elle se sent "vraiment être la cible de ces attaques, sans savoir pour quelle raison, et reste dans la peur que cela recommence". Elle a d’ailleurs décidé de cesser son activité et rendre son bail commercial. "Elle a perdu son commerce, c'est quand même quelque chose", souligne Maître Azoulay.
L'enquête se poursuit
Justement, est-ce pour récupérer le lieu qu'Hanene a été agressée, comme une menace à prendre au sérieux ? Est-ce en lien avec la concurrence dans le monde de la coiffure ? Est-ce des intimidations pour demander la protection d'une organisation mafieuse par la suite ? Est-ce de la jalousie liée à sa réussite ? "Toutes les pistes sont à creuser", indique son avocat.
Dans un premier temps, il y a eu un dépôt de plainte comme toutes les procédures. À la suite de quoi, une enquête de flagrance a été ouverte qui se poursuit en enquête préliminaire placée sous le contrôle du parquet "avec une plainte qui a été déposée pour violence avec arme mais on ne sait pas ce qui a été retenu au niveau du chef d'infraction puisqu'on a plusieurs individus", explique Maître Azoulay.
"Donc on attend d'avoir des nouvelles de ce côté-là au moins pour rassurer la victime", conclut-il.
En attendant, Hanene est suivi psychologiquement et reste très marquée par ces deux agressions. Elle va devoir trouver un autre lieu pour recommencer à travailler ."Ici, ce n'est plus possible avec tout ce qui s'est passé, j'ai la boule au ventre de revenir tous les jours dans la crainte de ce qui pourrait se passer encore, c'est traumatisant. J'ai un trés trés beau salon, mais je m'en vais, je ne me sens plus en sécurité".