A l'école André Allar, dans le 15e arrondissement de Marseille, les enfants sont forcés de rester sous le préau : des projectiles lancés depuis les immeubles voisins rendent la cour de récréation impraticable.
"Maman, on a eu du caca", "Maman on a reçu des oignons", "un copain s'est pris un oeuf"… Chaque soir en allant chercher ses enfants de 3, 5 et 6 ans, Karima Belabhim redoute le récit qu'ils vont faire de leur journée. Des projectiles sont régulièrement envoyés depuis les trois tours voisines de l'école, vers la cour de récréation de l'école André Allar, dans le 15e arrondissement de Marseille, qui scolarise 195 élèves de primaire et de maternelle.
Certains sont jetés le soir, d'autres pendant la récréation, les interclasses et les cours de sport.
"Ca a commencé par des légumes, témoigne Karima Belabhim, puis ça a été des emballages vides, des pots de fleurs, des excréments roulés dans du sopalin… Des élèves ont reçu des éclaboussures, leurs mamans ont dû venir les changer." Un matin, un long sabre rouillé a même été retrouvé dans la cour. "Un enfant de primaire a reçu une boîte de conserve dans le dos, il n'a pas été gravement blessé, mais ça aurait pu être pire. Les parents n'ont pas porté plainte, de peur des représailles. C'est l'école qui a déposé plainte, pour la sixième ou septième fois."
Le matin, en nettoyant la cour, les ATSEM (agents territoriaux spécialisés des écoles maternelles) ramassent en vrac des préservatifs usagés, des contenants de drogue vide, des morceaux de verre. "Elles ont tout le temps peur de laisser un éclat", raconte Karima Belabhim, qui est également déléguée des parents d'élèves.
Les enfants confinés sous le préau
"Cela fait trois ans que ça dure, mais ça s'est accentué en septembre", décrit-elle. Depuis trois semaines la situation est intenable : les enfants sont confinés sous le préau. Ils sortent par roulement de deux classes car l'espace est trop petit. Impossible, désormais, pour eux, d'utiliser le petit toboggan de la cour ou de faire sport en extérieur.
Les filets au-dessus de la cour ne protège pas les enfants des jets intentionnels. Les parents d'élèves ont lancé une pétition, réalisé une enquête de voisinage : il semblerait que ce soit le bruit de la cour de récréation, qui incommode les voisins. Mais "personne ne veut témoigner".
"La mairie est au courant depuis le début. Elle ne prenait pas ça au sérieux", assure Karima Belabhim.
Contactée, la maire de secteur Nadia Boulainseur (DVG) est en conseil municipal ce vendredi. Elle répond par SMS à nos questions. "Dès les premières alertes de la communauté éducative, la mairie de secteur a prévenu la police et la mairie de Marseille pour que ce sujet soit traité en urgence. La police est souvent sur site pour, dans un premier temps, dissuader par sa présence."
Karima Belabhim le reconnaît, les policiers se rendent de plus en plus souvent à l'école dans le cadre de leur enquête. Mais à ce jour, ils ne semblent avoir interpellé aucun responsable des jets de projectile en flagrant délit.
Des mères qui surveillent
"Une autre maman et moi, on se met en planque pour surveiller, je me cache derrière des arbres, détaille Karima Belabhim, qui tente en vain d'identifier les coupables. C'est très rapide. Des projectiles arrivent de plusieurs habitations."
Les parents d'élèves demandent "a minima" l'installation d'un filet de protection au-dessus de la cour. Mais selon eux, "tout le monde se renvoie la balle" des responsabilités : mairie, bailleur social, syndicat de copropriété… "Ils attendent un drame", s'inquiète la déléguée.
"Les parents ne veulent pas savoir qui est responsable, ils veulent juste que leurs enfants soient en sécurité. Certains veulent se faire justice eux-mêmes, certains ne veulent plus mettre leur enfant à l'école."
Alors que la colère continue de monter, une réunion est prévue ce vendredi avec l'ensemble des responsables. La question des aménagements pour éviter les jets de projectiles dans la cour d'école sera au cœur de la discussion.