Encore un long moment passé à la barre pour Alexandre Guérini mercredi. Parmi les huit faits imputés au frère de Jean-Noël, l'ex-homme fort des Bouches-du-Rhône, les juges ont examiné les troublants mouvements de ses comptes luxembourgeois et suisses.
La justice lui reproche des faits de blanchiment et d’abus de biens sociaux, il encourt au maximum cinq ans de prison et 375.000 euros d’amende.
Suite à la vente de sa société, la Somedis à Veolia, en décembre 2002, Alexandre Guérini encaisse une partie de la part variable de la cession, soit 21,5 millions d'euros.
La somme est répartie en six versements en espèces, entre janvier et juin 2003, sur son compte Natixis au Luxembourg. Le tout en provenance du compte, que son associé, qui dirigeait la Somedis, a ouvert dans le même établissement.
La présidente énumère les nombreux mouvements sur ces comptes, principalement en espèces, la juge s’interroge sur "ces sauts de puces d’un compte à l’autre", des opérations qui seraient selon Céline Ballerini, destinées à casser la traçabilité des flux financiers.
La magistrate demande à Alexandre Guérini pourquoi avoir mis cet argent au Luxembourg ?
Le cadet des frères Guérini explique que c’était la partie commissionnelle (sic) mise par Jean-Pierre Rey, (le dirigeant de droit de la société d’Alexandre Guérini, ndlr) chez Natixis au Luxembourg.
- "Avec lui, nous transférons l’argent sur son compte, après avoir payé au fisc français la taxe sur la plus-value réalisée", explique Alexandre Guérini.
- "Mais pourquoi faites-vous voyager cet argent sur plusieurs comptes", interroge la présidente.
- "Cet argent n’a qu’une source, il a été dispatché sur plusieurs comptes, j’avais divers projets (…) ce n’était pas une volonté de dissimuler".
- "Vous aviez dit au cours d’une de vos nombreuses auditions : je ne suis pas un financier, je suis un bosseur. Pourtant, vous n’êtes pas un néophyte, puisque vous demandez d’investir deux millions d’euros sur l’action Total, vous savez placer votre argent", commente Céline Ballerini
- "Je suis l’évolution de mon compte, les recommandations de mon conseiller financier et Total, c’est pour le moins solide et confortable", argumente Alexandre Guérini.
Des îles Vierges au Panama
Deux ans plus tard, en 2005, les comptes quittent le Luxembourg pour la Suisse, plus précisément à l’Israël Discount Bank de Genève. Trois comptes sont ouverts, ils sont adossés à trois sociétés, dont deux immatriculées aux îles Vierges et une au Panama.
- "Quel est l’intérêt d’avoir ces sociétés sans réelle existence ?", interroge la présidente.
- "A à partir de ces trois sociétés, je peux investir dans des projets", répond Alexandre Guérini.
- "Qui vous donne ces idées ?"
- "Je ne sais pas, ça s’est passé comme ça".
C’est au tour du procureur de poser des questions. Le magistrat, avant d’aborder la question des comptes luxembourgeois, devenus suisses, demande à Alexandre Guerini s’il se souvient d’avoir ouvert en 1991 en Suisse, un compte nommé Hermès, auprès de l’Union Bancaire Privée Genève.
"Je vais vous surprendre, j’avais complètement oublié que j’avais ce compte-là", avance Alexandre Guérini.
Le cadet des frères Guérini, explique qu’il avait ouvert ce compte pour prêter 100.000 francs en espèces à "la maman de ma belle-sœur".
"Vous souvenez-vous qui était le mandataire ?", interroge le procureur (celui qui a une procuration ndlr)
"C'était mon frère ! C’était au cas où il m’arrive un malheur et pour savoir pour qui cet argent devait aller".
Vous ne m’entraînerez pas sur ce terrain, Monsieur le Procureur!
Jean-Noël Guerini, commence à s’agiter sur son siège, se retourne plusieurs fois vers son avocate. Le procureur lui demande de venir à la barre, pour s’expliquer.
"Je ne savais pas que j’étais mandataire. Les parents de ma femme sont partis vivre à Monaco. Je ne savais pas que mes beaux-parents avaient un compte en Suisse. Ce n’était pas des millions ni des milliards. Au décès du père de mon épouse, le compte a été partagé, elle a touché 150.000 francs", se défend Jean-Noël Guérini.
"Vous ne m’entraînerez pas sur ce terrain, Monsieur le Procureur. Mon épouse a absolument tout déclaré aux impôts. Mon honneur m’impose d’être présent devant le tribunal, depuis l’ouverture du procès. J’ai d’autres maladies, plus graves mais j’assume".
Le sénateur hausse le ton : "Je demande que le tribunal me juge en droit. Ma femme avait un compte dormant, il n’y a jamais eu de transaction."
La présidente intervient : "Vous ne répondez pas à la question".
Jean-Noël Guerini :"J'anticipe. On veut m’entraîner dans une ambiance délétère. Depuis 17 ans, je suis sali par les médias, on dit de moi que je suis un bandit. Je m’en fous, si, je fais un AVC, mais mon honneur doit être lavé !"
Le procureur repose la question : "Etes-vous le mandataire du compte Hermès ?"
Le sénateur, s’énerve encore un peu plus, la présidente intervient à nouveau : "Je vous demande de vous calmer, le ton que vous employez, n’est pas adapté !"
Le procureur continue à poser des questions au parlementaire : "Le compte Hermès, sur lequel vous êtes mandataire, un compte de votre frère, vous êtes venu à la banque en 1995, en Suisse, pour maintenir ce compte ouvert".
Le magistrat brandit un document rédigé par un conseiller de l’Union Bancaire Privée, sur lequel est indiqué que Jean-Noël Guerini est bien venu à la banque pour maintenir l’activité du compte
"Je ne suis jamais allé en Suisse, les bras m’en tombent. Croyez-moi, Monsieur le procureur très res-pec-tu-eu-se-ment (sic), je suis très respectueux, des membres du parquet, je n’ai jamais mis les pieds en Suisse pour ce compte", martèle Jean-Noël Guérini.
Debout, à la barre, à côté de son frère, Alexandre vient au secours de son frère : "J’ai donné le nom de mon frère sans le lui dire. Je n’ai jamais fait d’opération sur ce compte que j’avais oublié".
Jeudi, le tribunal aborde le volet destruction d’ordinateurs au conseil général des Bouches-du-Rhône, présidé à l’époque par Jean-Noël Guérini. Il sera entendu comme témoin.