Mardi 7 novembre, l'agence du médicament (ANSM) a de nouveau saisi la justice après la publication récente d'une étude de Didier Raoult basée sur des essais cliniques non déclarés au sein de l'IHU de Marseille que le gouvernement et l'AP-HM condamnent.
Les affaires ne s'arrangent pas entre Didier Raoult et l'agence nationale de sécurité du médicament. Ce mardi 6 novembre, l'ANSM a annoncé avoir de nouveau saisi la justice pour la publication en octobre dernier d'une étude dans une revue "New microbes an new infections" de Didier Raoult sur l'hydroxychloroquine.
Une étude sans validation
"L'ANSM a bien connaissance de la nouvelle étude publiée dans la revue 'New microbes and new infections', qui n'a effectivement pas obtenu l'autorisation de l'ANSM et l'avis favorable d'un comité de protection des personnes, nécessaires et obligatoires pour garantir la sécurité des patients. L'ANSM a saisi de nouveau la justice au titre de l'article 40, comme lors de la publication du pré-print", a indiqué l'agence, sans préciser la date de saisine.
De leur côté, les ministres de la Recherche et de la Santé, Sylvie Retailleau et Aurélien Rousseau condamnent une "nouvelle violation des règles éthiques".
Un rebondissement qui va à l'encontre des tentatives d'apaisement entre l'agence et l'institut
L'agence du médicament avait annoncé en octobre dernier avoir allégé les restrictions imposées en matière d'essais cliniques à l'IHU de Marseille, autrefois dirigé par Didier Raoult, sans pour autant les lever intégralement vu l'attitude encore "insatisfaisante" de l'institut.
"Les recherches impliquant la personne humaine (RIPH) pourront reprendre mais sous certaines conditions", a déclaré l'Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) dans un communiqué, jugeant que l'IHU n'appliquait toujours pas de façon "totalement satisfaisante" la réglementation.
En cause, notamment, la mise en ligne au printemps d'une nouvelle étude sur les effets de l'hydroxychloroquine, cosignée par M. Raoult. Le professeur a martelé qu'elle n'était qu'"observationnelle" et ne constituait donc pas un essai clinique, mais cette interprétation est sujette à caution.
L'ANSM, qui a antérieurement saisi la justice concernant cette étude, maintient donc des restrictions: elle impose désormais à l'IHU et l'AP-HM de transmettre un bilan trimestriel des projets d'essais cliniques, ainsi que des prescriptions de traitements hors autorisation de mise sur le marché (AMM).
L'étude en question
L'étude publiée dans "New microbes and new infections" en octobre porte comme la pré-publication finalement retirée en juin par ses auteurs sur plus de 30.000 patients traités en 2020 et 2021, et démontre les supposés bénéfices de l'hydroxychloroquine dans le traitement précoce du Covid.
Une pré-publication, ou pré-print, désigne un article pas encore revu par d'autres scientifiques que les auteurs de l'étude, avant d'être éventuellement publié dans une grande revue scientifique. Si Didier Raoult n'exerce plus à l'IHU-MI depuis plus d'un an, l'étude porte la signature de quatre autres chercheurs, dont trois encore en poste à l'Institut marseillais, et du cardiologue américain Peter McCullough, figure de proue des personnes hostiles à la vaccination Covid aux Etats-Unis.
L'AP-HM condamne cette publication
Contactés par l'AFP lundi, les hôpitaux de Marseille (AP-HM), autorité de tutelle de l'IHU-MI, ont condamné fermement "la publication de cet article portant sur une étude qui, selon l'ANSM, ne respecte pas la réglementation et la protection des patients". L'AP-HM a rappelé "avoir précédemment demandé aux auteurs de retirer ce pré-print, considérant cette étude contraire aux règles méthodologiques et éthiques".
Désormais dirigé par Pierre-Edouard Fournier, longtemps proche de Didier Raoult, l'IHU a précisé mardi à l'AFP "s'associer à la réaction de l'AP-HM". Les ministres Retailleau et Rousseau ont annoncé qu'ils "rencontreront prochainement la direction" de l'IHU pour "assurer le suivi" de la nouvelle feuille de route de l'établissement et des "19 recommandations du rapport conditionnant la poursuite de son activité".
L'étude sauvage sur 30000 patients "autorisée" par un comité d'éthique bidon après un simple mail de PE Fournier, sans examen de dossier est republiée.
— Pr Mathieu Molimard (@MathieuMolimard) November 5, 2023
RIPH1 sans de CPP ni @ANSM
La provocation continue en l’absence de réaction ferme et de sanctions de la part des autorités. pic.twitter.com/SQwGZoPLip
Sur le réseau X (anciennement Twitter), le professeur Mathieu Molimard, président de la Société française de pharmacologie et auteur de plusieurs tribunes demandant des sanctions envers le Pr Raoult, a réagi :"Ils voudraient tuer l'IHU qu'ils ne feraient pas autrement. Il est peut-être temps de dire enfin stop!".