Seize sociétés savantes parlent du "plus grand essai thérapeutique sauvage connu", l'Agence nationale de sécurité du médicament porte plainte, l'étude est retirée, Didier Raoult défend ses positions... Voici un résumé de cette affaire en cinq questions.
Le professeur Didier Raoult de nouveau dans la tourmente. Au cœur des préoccupations : une étude signée par Didier Raoult sur l'hydroxychloroquine. Vendredi 2 juin 2023, l'AP-HM (hôpitaux universitaires de Marseille) annonce le retrait de cette étude.
Didier Raoult, est devenu une figure médiatique de premier plan dès le début de la pandémie. Il assurait déjà que l'hydroxycholoroquine (un médicament préventif contre le paludisme notamment), était un traitement efficace contre la Covid. Depuis, il est régulièrement visé par la justice, et discrédité par ses pairs.
Quelles affaires visent Didier Raoult ?
- En octobre 2021, Didier Raoult est soupçonné d'avoir mené une expérimentation non autorisée de traitements contre la tuberculose qui a provoqué de graves complications chez plusieurs patients.
- En janvier 2022, sa fille, le docteur Carcopino-Tusoli, porte plainte contre un proche collaborateur de son père pour "diffamation et injures".
- Le 31 mai 2023, une perquisition à l'IHU Méditerranée Infection fait suite à deux rapports de l'Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) datant d'octobre 2021 et de mai 2022, une information judiciaire ouverte du mois de juillet 2022 (parquet de Marseille) et un rapport de signalement de l'IGAS, l'Inspection générale des affaires sociales, du mois d'août 2022. Tout cela à l'encontre d'études antérieures à celles sur la Covid et sur la tuberculose, considérées comme illégales.
- Dernière actualité en date : une tribune écrite par seize sociétés savantes et publiée dans le journal Le Monde dénonce "le plus grand essai thérapeutique sauvage jamais connu" au sujet de la dernière étude mise en ligne par Didier Raoult au mois de mars 2023 sur l'hydroxycholoroquine. Six jours plus tard, le 3 juin 2023, l'Agence nationale de la sécurité du médicament annonce qu'elle va saisir la justice.
C'est donc cette étude sur l'hydroxycholoroquine, qui est désormais visée par la justice.
De quel essai parle-t-on ?
Il s'agit d'un "preprint", c'est-à-dire une version non relue par des pairs, d'une étude de Didier Raoult et sept coauteurs mise en ligne en mars 2023. Elle porte sur l'efficacité supposée de traitements comme l'hydroxycholoroquine. Elle a été réalisée auprès de plus de 30 000 patients Covid, traités à l'hydroxychloroquine entre mars 2020 et décembre 2021.
Plus précisément, il s'agit de recherches impliquant une personne humaine : RIPH, soit, d'un essai clinique, d'après l'ANSM : "après analyse, nous confirmons que cette étude peut être qualifiée de RIPH de catégorie 1", indique l'Agence nationale de sécurité du médicament à franceinfo.
Pourquoi est-il attaqué ?
Cet essai clinique est attaqué parce que toute RIPH (recherche impliquant une personne humaine) a l'obligation d'obtenir en amont l'avis du comité de protection des personnes et l'autorisation de l'Agence nationale de sécurité du médicament. Ce que n'a pas demandé, ni obtenu, l'étude en question.
"Nous ignorons si les patients de l'IHU étaient informés de leur participation à une étude clinique".
Organisations médicalesLe Monde
Les signataires de la tribune du Monde affirment que : ""les règles élémentaires ont été largement enfreintes, en particulier par certains biologistes et cliniciens de l'IHU, notamment à l'occasion de la crise sanitaire". Ils dénoncent un traitement administré de façon systématique. Les ordonnances étaient standards, le médecin avait juste à cocher des cases ou rayer un médicament, selon nos confrères de franceinfo.
Qui porte plainte ?
C'est l'Agence nationale de sécurité du médicament qui assure saisir la justice, le 3 juin 2023. L'ANSM rappelle que l'usage de l'hydroxychloroquine par le professeur Raoult pour traiter des malades du Covid "aurait dû bénéficier d'un avis favorable d’un comité de protection des personnes et d’une autorisation".
La veille, les hôpitaux marseillais (AP-HM) avaient indiqué, sur Twitter, le retrait de ce preprint : "la suite des échanges avec la Direction Générale, le Pr Jean-Christophe Lagier, coauteur et chef de service dans le pôle des maladies infectieuses a annoncé ce jour le retrait du preprint".
Comment se défend le professeur Raoult ?
"Il n'y a jamais eu d'essai thérapeutique", "c'est juste une étude observationnelle", a clamé Didier Raoult sur BFMTV, deux jours après avoir dénoncé "une tribune d'imbéciles". Il ajoute : "j'avais parfaitement le droit, moi, mais aussi les autres, de prescrire de l'hydroxychloroquine". L'infectiologue affirme même que "des milliers de gens qui auraient pu être traités n'ont pas été traités" du fait des choix sur l'hydroxychloroquine.
Sur son compte Twitter, le professeur a réagi plusieurs fois. Le 2 juin 2023, il assure que tous les auteurs, dont lui, ont décidé "par solidarité avec le Pr Lagier menacé par la direction, de retirer le preprint pour ne pas laisser croire à une trahison de sa part et pour protéger les plus jeunes". Et d'ajouter que "les auteurs ont en effet été menacés de sanctions en public par Mr Braun, ministre de la Santé, au sénat, sans procés, sans défense!!! Sous le pretexte que le soin qui a sauvé tant de gens (dont on ne veut pas parler) aurait été un essai et non du soin de qualité". Puis il qualifie de "seuls cobayes" "ceux qui ont été vaccinés, par un essai illégal du fait de l'absence de consentement sans contrainte".
Dimanche 4 juin 2023, le professeur Didier Raoult partage, toujours sur Twitter, une tribune de soutien à son égard. Il écrit : "il y a heureusement des collègues qui comprennent la manipulation qui consiste, maintenant que nos résultats exceptionnels sont incontestables (et incontestés) , à faire croire qu'il était illégal de vouloir guérir les patients, malgré les ordres".
Avec AFP et franceinfo.