Quinze membres d'une mafia nigériane ultra-violente sont jugés au tribunal correctionnel de Marseille, notamment pour proxénétisme, viols en réunion, trafic de stupéfiants et d'armes.
Dix détenus, trois libres et deux absents sur le banc des prévenus. Quinze hommes âgés de 22 à 37 ans, appartenant à la mafia nigériane installée à Marseille sont jugés à partir de ce lundi 6 novembre au tribunal correctionnel de Marseille. Ils formaient la hiérarchie des Arrow Baga et sont jugés pour de multiples activités criminelles : réseaux d'immigration clandestine, proxénétisme, viols. Parmi eux, deux anciens "Doctor One", des chefs du gang à Marseille. France 3 Provence-Alpes vous détaille trois choses à savoir sur le procès hors norme.
Pourquoi est-ce un procès hors-norme ?
Le procès va durer trois semaines. Les audiences vont plonger le tribunal correctionnel au cœur d'un secteur méconnu du crime de Marseille, l'univers ultra-violent des Arrow Baga ou "Supreme Vikings", un "cult" nigérian au fonctionnement sectaire, implanté dans certaines cités des quartiers Nord de la ville.
L'affaire a éclaté en août 2019 suite à des plaintes de jeunes femmes se plaignant de menaces de mort venant du chef du gang marseillais des Arrow Baga de l'époque, surnommé l'Exécuteur. Des écoutes téléphoniques vont permettre aux enquêteurs de mettre à plat l'organigramme de ce gang d'une cinquantaine de membres, tenu par un chef et ses lieutenants.
Interpellés en juin 2020, les prévenus sont poursuivis pour des faits de proxénétisme aggravés, violences avec armes et en réunion, de viols, association de malfaiteurs et d'aides au séjour irrégulier. Ils encourent jusqu'à dix ans de réclusion. Le procès va durer jusqu'au 24 novembre.
Qu'est-ce que les Arrow Baga ?
Les Arrow Baga est une ancienne fraternité étudiante nigériane devenue "une organisation criminelle hiérarchisée et structurée, avec ses règles et ses rites, ses artifices et ses accessoires", selon le juge d'instruction.
Leur couleur est le rouge qui les rend identifiables à leurs tenues. Leur symbole, la machette. A Marseille, leur QG est basé au cœur de la cité Corot, une copropriété dégradée du 13ᵉ arrondissement.
Le gang dirige un réseau de prostitution, des points de deal, des appartements squattés utilisés pour loger des migrants sans titre de séjour que le réseau
Comme leurs compatriotes et ennemis des Blacks Axes (les noirs) ou des Eiyes (les Bleus) qui sont aujourd'hui largement implantés à Marseille, ces groupes criminels nigérians tirent notamment leurs profits de la prostitution.
Qui sont les parties civiles?
Face aux prévenus, une dizaine de jeunes femmes, prostituées et victimes de viols, et deux associations se sont portées parties civiles dans ce procès.
Les victimes de ces groupes criminels nigérians arrivent de Libye via l'Italie. Guidées par le mirage d'un travail ou d'une formation, elles se retrouvent contraintes, à leur arrivée en Europe, de rembourser des dizaines de milliers d'euros à leur "Madame", une ancienne prostituée devenue mère maquerelle. Pour les soumettre, les proxénètes utilisent la crainte du "djoudjou", un rite sorcier exercé au Nigeria, avec la menace de représailles sur leurs familles. Les Nigérians utilisent aussi le viol, voire le viol en réunion, aggravé par l'usage d'armes.
Fin mars 2020, 20 membres des Arrow Baga font irruption au domicile de quatre prostituées nigérianes. Durant deux heures, ils les violent puis leur dérobent des centaines d'euros, sous la menace de couteaux et d'un pistolet. Une autre jeune femme, âgée de 22 ans, également forcée à se prostituer et "marquée au feu dans le dos", a raconté comment, le 20 juillet 2019, elle avait été conduite à "la maison secrète", une villa abandonnée dans les quartiers Nord de Marseille, lieu de réunion des Arrow Baga. Là, des hommes "en train d'aiguiser des lames de couteaux, de sabres, de machettes" vont la violer successivement.
C'était une punition, car je ne voulais plus être avec eux, je voulais les fuir.
Une prostituée, partie civile
Ces faits devraient relever de la cour d'assise, mais le juge d'instruction, en accord avec les victimes, a choisi de correctionnaliser en agressions sexuelles.