Il est à Marseille, ce que le Père Lachaise est à Paris. Avec ses 63 hectares et ses 100.000 tombes, Saint-Pierre est le plus grand cimetière de Marseille. C'est une petite ville avec ses différents quartiers, où reposent aux côtés des plus simples et des plus illustres, ceux tombés pour la France.
Sept heures trente, comme tous les matins, les sept portes du cimetière Saint-Pierre s'ouvrent au public.
"Ce n'est pas un lieu où tout repose comme on pourrait croire. C'est un lieu toujours en activité, du matin, jusqu'au soir", explique Henriette, qui détient les clés de Saint-Pierre depuis neuf ans.
Une fois les lourdes portes d'entrée poussées, Henriette accueille, embrasse, conseille, oriente ceux qui viennent visiter leurs morts. Comme elle, ils sont fleuriste, fossoyeur, tailleur de pierre, écrivain, guide touristique ou chauffeur à s'employer quotidiennement à entretenir la vie.
Joseph Aramo est l'unique chauffeur du cimetière. Il connaît tous les habitués, qu'il écoute, trajet après trajet. Plus qu'un chauffeur, "Jo" est un confident qui amène ses visiteurs et leurs histoires, sur les 15 kilomètres de voies que compte le cimetière. "Je me sens utile, ce sont des gens qui ressentent le besoin de venir régulièrement visiter leurs morts, ça les apaise et quand ils partent, ils ont le sourire."
Avec ses 63 hectares et ses 45 kilomètres d'allées, le cimetière Saint-Pierre est le plus grand cimetière de Marseille. Ses quelque 100.000 sépultures le place comme la troisième nécropole de France, après les cimetières de Pantin et Thiais, en région parisienne.
Carré 47, tranchée 7, piqué 2
Saint-Pierre est une petite ville avec ses différents quartiers. Au bas de l'échelle, le carré des indigents. Y sont enterrés ceux qui ne peuvent pas s'offrir une concession, pour une durée de cinq ans.Avec un renouvellement plus important qu'ailleurs, le carré est constamment entre les mains des fossoyeurs, travailleurs de l'ombre indispensables à la vie du cimetière.
Pelle à la main, Jean-Paul Lombardi arpente ce vaste champ de terre retournée, où les fosses sont piquées de simples croix en bois, fleuries de quelques bouquets.
"Carré 47, tranchée 7, piqué 2…", sa feuille de route à la main, comme tous les jours, Jean-Paul arrange l'une des fosses communes, "pour que cela soit bien plat, bien propre". Pas toujours facile dans la boue des jours pluvieux. Sur un piquet de bois, un numéro et un nom. "Une fois que l'on a enterré, on donne à la famille l'emplacement, si ils veulent transférer le corps."
Ce jour-là, avec ses trois collègues fossoyeurs, il glisse en terre un simple cercueil de pin, avant de piquer "symboliquement" une rose dans la terre fraîchement retournée. "C'est triste d'enterrer quelqu'un comme ça, sans personne pour se recueillir, ça me fait un peu quelque chose".
Aux côtés des plus démunis, figurent aussi de grands noms. C'est vrai un peu à l'écart, les cimetières ont aussi leur hiérarchie. Le dramaturge Edmond Rostand, auteur de Cyrano de Bergerac y repose, comme le compositeur Vincent Scotto, ou plus proche de nous le réalisateur Henri Verneuil et l'ancien ministre de l'Intérieur et maire de Marseille Gaston Defferre.
Des noms que fait revivre Jean-Pierre Cassely, historien, guide-conférencier. Au fil de ses visites, il raconte, l'histoire de Saint-Pierre, l'histoire de Marseille. Comme cette cérémonie organisée pour l'inauguration des lieux, dans les années 1850.
"On a naturellement pensé à une inhumation mais de qui ?", raconte-t-il à un groupe de visiteurs. "Il est alors venu l'idée de donner une concession à un soldat de l'armée, après la guerre de Crimée. Son nom a été tiré au sort. Et celui qui a été choisi s'appelait Joseph Marie Maur, "a-u-r" mais quand même!".
11 novembre, hommage dans la crypte militaire
Le cimetière de Saint-Pierre abrite aussi des monuments remarquables : tombeaux monumentaux, chapelles richement ornées, statues et décors sculptés, splendides caryatides, et bustes en tous genres.Parmie eux, un haut lieu de commémoration. Saint-Pierre abrite plusieurs carrés militaires, un ossuaire et une crypte peu connue. Elle a été construite après la Première Guerre mondiale, en 1920, par l'architecte marseillais Gaston Castel.
En 2019, pour le centenaire de la fin de la Grande Guerre, le monument a été entièrement rénové pour mieux faire vivre le souvenir des Marseillais morts pendant le conflit. Les 11 novembre, la crypte militaire est ouverte au public. Sur ses quatre niveaux sous-terrain, figurent au mur les plaques de ceux qui sont tombés pour la France.
"Il est primordial d'avoir un lieu sacré pour ces anciens qui ont donné leur vie, un lieu de mémoire pour rappeler ce qui est aussi l'histoire de Marseille", explique Maurice Rey, adjoint délégué aux opérations funéraires et aux cimetières.
Saint-Pierre traverse le temps, pour que les morts ne soient pas oubliés. Sur les 63 hectares de Saint-Pierre, des bornes interactives permettent de retrouver la sépulture d'un défunt ou un monument remarquable. Une application permet aussi de télécharger et d'imprimer un plan d'accès et même de voir la photo du tombeau. Comme un devoir de mémoire.
Replay - Cimetière Saint Pierre, la vie entre les morts
Et pour aller plus loin, (re)voir le documentaire de Stéphane Stasi et Henri-Paul Amar, Cimetière Saint Pierre, la vie entre les morts.Situé au cœur de la cité phocéenne, Saint-Pierre traverse la vie de tous les marseillais depuis plus de 150 ans avec ses tombes monumentales et ses pinèdes méditerranéennes.
Une coproduction France 3 Provence-Alpes-Côte d'Azur / AMDA Production.