Les populations vulnérables sont particulièrement touchées par la crise sanitaire. Un programme de dépistage pour les sans-abris a été lancé par l’assistance publique en partenariat avec Médecins du monde. Il permettra d’analyser les conséquences du Covid sur cette population.
C’est sous le nom de COVIDep Homeless que démarre pour trois mois à Marseille, ce programme de recherche et de dépistage auprès des sans domicile fixe. Ils sont 2.000 à Marseille à vivre dans des conditions de grande précarité.
Ce dépistage systématique des sans-abris est mené par les Hôpitaux Universitaires de Marseille (AP-HM) en partenariat avec Médecins du Monde et la coordination ASSAb (accès aux soins et la continuité des soins des personnes sans chez soi).
« On a fait plus d’une centaine d’inclusions déjà. On est sur le terrain depuis le 5 juin », explique le Dr Emilie Mosnier, infectiologue à l’AP-HM, et chercheur en épidémiologie santé publique au sein du Sesstim (Sciences économiques et sociales de la santé et traitement de l'information médicale).
« Nous avons mis à disposition des équipes des outils et des formations pour réaliser les tests auprès des sans-abris. »
On couvre une vaste diversité de populations grâce à une grande diversité d’associations
Les équipes appartiennent à des associations ou institutions qui travaillent déjà avec ces populations vulnérables. Il y a parmi elles des infirmières, des éducateurs, des travailleurs sociaux, des assistantes sociales. En tout, 18 structures locales actives sont impliquées dans ce programme.
« Nous allons essayer de couvrir les plus précaires, les SDF, les habitants des squatts et des bidonvilles, ceux des hébergements d'urgence », précise l’infectiologue. « Les associations les connaissent déjà et les suivent . Ce sont des publics de multiples origines. Et qui ont des histoires différentes.
On couvre une vaste diversité de population grâce à une grande diversité d’associations ».
Le dépistage systématique mis en place est innovant. Deux tests sont réalisés à la fois : le tests sérologique (Trod) et le test virologique (PCR).
Le test rapide d’orientation diagnostic (Trod) est réalisé par la prise d’une goutte de sang. Le résultat est effectif en 10 minutes. Il permet de savoir si la personne a été en contact avec le virus.
Lorsque vous êtes un habitant de squatt, vous n'osez pas quitter votre squatt pour plein de raisons...
Les tests PCR obtenus grâce à un écouvillon sont analysés sur place grâce un « Point of Care » mobile, pas plus gros qu’une boîte à chaussures. Les résultats tombent en 20 minutes. Ils permettent d’identifier les personnes positives, de les prendre en charge, et de prévenir d’éventuels clusters.
Tester et obtenir le résultat sur place est une nouveauté.
« Ce système de dépistage au plus près des gens est important », précise Emilie Mosnier.
« Nous avons voulu nous adapter au public que l’on prend en charge.
Lorsque vous êtes un habitant de squatt, vous n’osez pas quitter votre squatt pour plein de raison, vous avez peur de perdre votre squatt, besoin de vous occuper de votre famille, ou même peur éventuellement de vous faire arrêter. »
? #COVID19 : des dépistages systématiques pour les personnes sans-abri.
— AP-HM - Hôpitaux Universitaires de Marseille (@aphm_actu) June 12, 2020
Pour mesurer l'impact de la #COVID19 sur ces populations vulnérables, @aphm_actu, @MdM_France et la coordination Assab lancent un projet de recherche : COVIDep Homeless
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Si le dépistage est important, il permet aussi une approche globale de la personne. Parmi les équipes sur le terrain interviennent non seulement des infirmières, mais aussi des éducateurs, des travailleurs sociaux, des assistantes sociales.
Le programme COVIDep Homeless permettra d’analyser les conséquences de la Covid-19 sur cette population, déjà vulnérable sur le plan sanitaire et social avant la crise, afin d’améliorer les stratégies de prise en charge.
Améliorer le parcours de soins pour ceux qui en ont, et d'en créer pour ceux qui n'en n'ont pas
Marine Mosnier, de Médecins du monde, est la coordinatrice des équipes de terrain intervenant pour ce programme de recherche.
"On essaie d'identifier les différents parcours de soins, selon les différentes populations, et les différents habitats précaires dans lesquels vivent les sans-abris. Le but est d’améliorer le parcours de soins pour ceux qui en ont, et d'en créer pour ceux qui n'en n'ont pas".
#COVID19 ?#APHM et Médecins du Monde vont dépister avec 17 autres structures, 2000 personnes sans-abri pendant 3 mois, afin d’améliorer les stratégies de prise en charge.
— made in marseille (@MadeMarseille) June 12, 2020
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Sans soins, ou mal soignés, les sans-abris multiplient les risques face à une épidémie comme celle de la Covid-19.
"Chez les SDF on a une surreprésentation de gens qui ont des problèmes psychiatriques", explique l'infectiologue Emilie Mosnier. "
"Ce sont des personnes qu’on aimerait suivre de façon plus régulière, si elles vivent la covid, car elles ont plus tendance à faire des complications. Il y a des co-morbidités qui s'ajoutent à un retard de prise en charge. Elles vont avoir plus tendance à être hospitalisées, à faire des formes graves".
Prévention spécialisée : le défi des bidonvilles. Dans une étude réalisée pour l’Addap 13, la sociologue Véronique Le Goaziou analyse le travail des professionnels de l’intervention sociale et éducative dans des squats et des bidonvilles de PACA. https://t.co/LiDNvrbma8
— Labo Cités (@CRDSU_LaboCites) May 28, 2020
Avec ce dépistage systématique, il sera possible enfin de mesurer l'impact de l’épidémie sur les personnes sans-abri. C'est une avancée, car les services sanitaires ont très peu de données sur cette population.
On se rend compte souvent que les équipes mettent en place des mécanismes à la débrouille
En parallèle de cette approche statistique, deux sociologues interviendront dans le programme COVIDep Homeless pour analyser les retombées psychologiques et sociales durant la période de crise et post-crise.
Le premier sociologue s'intéressera précisément à la population des sans-abris. L'autre aux équipes sociales et sanitaires intervenues auprès de ce public.
"On se rend compte qu'il a été compliqué pour les équipes de s’adapter", précise Marine Mosnier. "Il leur a fallu mettre en place des mécanismes qui n’existaient pas. Et tout ça dans l'urgence et avec très peu d’informations car le covid est quelque chose de nouveau.
On a souvent vu que les équipes mettent en place des mécanismes à la débrouille. On voudrait mieux les comprendre. Ils pourraient être reproduits pour des prochaines futures crises ou états d’urgence".
Les premiers résultats de l'étude devraient être annoncés vers la fin de l'été.
Ce projet ambitieux, financé par la Direction Générale de l’Offre de Soin (DGOS), a été initié par Aurélie TINLAND, praticien hospitalier de l’AP-HM et mené à bien grâce à l’implication de 18 structures locales actives dans l’aide aux personnes sans-abri : Médecins du Monde, MARSS-APHM, PASS-APHM, Nouvelle Aube, Bus 31/32, ASUD, Accueil De Jour, ADDAP 13, AMPIL, Equipe Mobile d’Aide Saralogisol, RSMS, AAJT, St Jean de Dieu - Forbin, Groupe SOS (UHU, St Louis et Sleep in) et la coordination du réseau ASSAb.