La vidéo est partagée sur un réseau social bien connu de la police et des dealers. Le trajet est filmé et expliqué étape par étape et vante sans complexe le sérieux de "l'entreprise". Pas de quoi surprendre le secrétaire départemental des Bouches-du-Rhône du syndicat Alliance Police.
Musique, montage, plans de drone… La recette d’une publicité à la mise en scène soignée. Sauf qu’ici, c’est de produits stupéfiants qu’il s’agit. Pourtant, ces trafiquants n’hésitent plus à les mettre en avant sur les réseaux sociaux.
Dans cette vidéo de 1 minute et 41 secondes, "l’Entreprise le I" explique en images le trajet pour se rendre sur le lieu de vente. Un point de deal "ouvert 7j/7" situé dans la cité de la Bricarde du 15e arrondissement de Marseille.
"Voici les directions pour venir". Les instructions sont sans équivoque, détaillées selon la provenance du potentiel client. Dans cet extrait, nous avons volontairement retiré ces indications.
Le "menu" y est listé avec le prix pour chaque produit. Et comme un véritable spot publicitaire, la vidéo se termine sur les diverses commodités, "du choix en gros comme en détail" ou encore un "parking sécurisé".
"Rien de surprenant si ce n’est la qualité de la vidéo"
"On n’est plus surpris par ce genre de vidéos." Rudy Manna, secrétaire départemental Bouches-du-Rhône du syndicat Alliance Police concède que ces vidéos sont de "mieux en mieux faites". "Ils sortent des vidéos de plus en plus perfectionnées, quelle va être la prochaine étape ?"
Pas de surprise non plus sur la localisation du lieu de vente. "Ce terrain, on le connait par cœur, on y est tous les jours", rappelle le policier, déjà au courant des habitudes de ces trafiquants.
Mais même si le lieu est connu, Rudy Manna rappelle qu’il n’est pas si facile de mettre la main sur ces malfaiteurs.
"La vidéo permet de montrer comment y aller, mais la réalité, c’est qu’il y a des guetteurs à plein d’endroits de la cité, et qu’il y a des vendeurs qui peuvent se mettre en lieu sûr dès que nous arrivons. En plus, il faut les arrêter avec du produit ou de l’argent sur eux pour pouvoir les poursuivre."
Malgré cela, il soutient que la police multiplie les opérations antidrogue. Pour ce représentant, "dire que la police n’y va pas, c’est faux", rappelant qu’il y a "quatre à cinq opérations par jour" dans ces quartiers.
Une démonstration de force
Ces vidéos constituent cependant une prise de risque pour ces trafiquants, qui pourrait divulguer une information permettant de les identifier. Pari risqué, mais nécessaire, pour le secrétaire départemental Alliance Police.
"Le problème, c’est qu’il y a beaucoup d’argent en jeu. À Marseille, il y a 161 points de stups. C’est un business très concurrentiel. Alors il faut qu’ils sortent de l’ordinaire pour attirer le maximum de clients."
Et comme pour dissuader les potentiels concurrents, la vidéo s’achève sur une scène de fusillade, loin d’intimider, ce policier. "La démonstration de force en s’en fout, on ne lâchera pas au contraire, ça nous donne encore plus de détermination à pilonner ces réseaux."