Dans le quartier de Noailles (1ᵉʳ arr.), à Marseille, habitants et commerçants sont à bout, face à une situation avec les vendeurs à la sauvette qui s'aggrave. Malgré de nombreux mails, les pouvoirs publics restent sourds à ces interpellations.
Rue Polak, rue d’Aubagne, ou encore rue Longue des Capucins, les stands de fortune, installés à même le bitume, pullulent. Cette situation n’est pas nouvelle. Depuis un an, les vendeurs à la sauvette ont investi le quartier de Noailles, dans le 1ᵉʳ arrondissement de Marseille. Seulement, depuis le mois de mai, la cohabitation avec les habitants et les commerçants, est plus que difficile. "Avant, ils étaient respectueux. Maintenant, on est dans une agression permanente. Il y a régulièrement des altercations entre eux, mais aussi avec les commerçants et les habitants", explique une habitante du quartier et porte-parole du collectif Rue Polak Aubagne.
"Il faut négocier pour entrer et sortir de chez soi"
Au début du mois d’aout, le collectif Rue Polak Aubagne a lancé une pétition pour "délocaliser les vendeurs à la sauvette". Les désagréments sont quotidiens et habitants et commerçants n’en peuvent plus. "Ils s’installent devant les portes des immeubles, il faut négocier pour entrer et sortir de chez soi. Les gamins ne vont plus à l’école tout seul, ils se font bousculer, regarder méchamment, insulter. Ils ont peur. L’autonomie de nos enfants n’existe plus", poursuit cette habitante, qui ne sait plus que faire pour arranger la situation.
J’habite ici depuis 15 ans, mon quartier, je l’aime pour sa belle mixité, je sais pourquoi je l’ai choisi et je ne veux pas le quitter. Je ne cherche pas la tranquillité absolue, mais là ce n’est plus possible.
Habitante du quartier de Noailles
"On veut retrouver une tranquillité d’esprit qui fait que nos enfants peuvent retourner seuls à l’école, faire les courses sans se faire voler. Mener une vie à peu près normale, dans un quartier populaire. La sécurité, la salubrité, la tranquillité sont des choses qui n’existent plus", confie-t-elle, au bout. Le soir, quand la ville s’éteint, que la rue retrouve son calme, les déchets jonchent le sol. Cannettes, cartons, chaussures, vêtements… il est même possible de retrouver des couteaux et lames de rasoirs dans les pots de fleurs, initialement installés pour égayer le quartier.
Habitants et commerçants désarmés
"Il faut assurer la vie de ceux qui habitent le quartier. Au début, quand les flics passaient, ils essayent de se cacher un peu. Maintenant, comme la police passe régulièrement et ne dit rien, le passage ne fait plus peur. Ils se sentent dans une impunité absolue", se désole la porte-parole.
Elle en est persuadée, "un jour, il va se passer un drame. Entre eux, ou avec nous. Ça devient de plus en plus agressif". La solution serait de renforcer la présence policière et effectuer des descentes régulières, selon elle.
Cette situation, elle épuise aussi les commerçants. Léa Kouassi est propriétaire, depuis 2014, de quatre magasins dans le quartier. "On travaillait très bien, et puis ça s’est installé petit à petit, et cette année ça a débordé", la commerçante livre un témoignage la gorge nouée.
Mes vitrines ne se voient plus. Chaque matin, je dois intervenir pour qu’ils laissent la vitrine accessible pour faire le ménage. Il y a des altercations verbales au quotidien. Mes livreurs n’arrivent plus à rentrer la marchandise dans le magasin et la laisse dans la rue. Le temps de rentrer les cartons, je me fais voler. Ça devient infernal.
Léa Kouassi, commerçante à Noailles
Peur, insécurité, altercations
Le sentiment d’insécurité permanent et la peur ont aussi des conséquences sur ses commerces. "Les vendeuses que j’embauche ont peur et ne restent pas. J’ai trois boutiques qui restent constamment fermées." Sans parler des clients qui ont à peine la place pour rentrer dans les commerces et doivent se faufiler. Tout cela, ajouté à la baisse de fréquentation du quartier par les touristes, fait que Léa Kouassi a vu son chiffre d'affaires baisser de presque 40 %. Mme Kouassi l’assure, le passé était bien différent. "On travaillait tranquillement, je ne craignais pas de sortir. Je ne trouve pas ça normal, vu tout ce que je paie, qu’on ne fasse rien. Je veux simplement travailler", souffle-t-elle, désespérée.
Le quartier a vu des commerces baisser le rideau, voit ses locataires partir les uns après les autres, en voit d’autres, souvent âgés, ne plus sortir de chez eux par peur. "Il faut sauver le quartier, nous sauver", assène Léa Kouassi.
Des pouvoirs publics sourds
Pour ça, le collectif ne cesse d’alerter les pouvoirs publics. Mairie centrale et de secteur, préfecture, Région, Département… Tous ont reçu un mail. En vain. "Ça fait tellement de temps qu’on les interpelle et qu’il ne se passe rien. Tout le monde le sait, et il n’y a pas de solutions trouvées. Chacun se renvoie la balle, personne ne prend ses responsabilités."
Pour cette habitante, c’est aussi une question sociale et d’insertion.
Cette misère, que je peux comprendre, ne peut pas arriver jusqu’à gâcher la vie de mes gosses. La misère faisant, ce sont des gens qui n’ont plus rien à perdre. Il faut comprendre pourquoi ils sont dans la rue et trouver une solution pour les insérer dans la société.
Habitante de Noailles
Le collectif Rue Polak Aubagne espère une action et que les pouvoirs publics agissent, pour mettre fin à cette situation, dans l’espoir que le quartier de Noailles retrouve sa joie de vivre.