Un an après la mise en place de ce dispositif expérimental à l'hôpital de la Timone, l'AP-HM s'apprête à l'étendre aux urgences de la Conception. Un projet expérimental, que le gouvernement envisage de généraliser à l'échelle nationale pour mieux protéger les victimes de violences sexuelles.
Accompagnement spécialisé, formation des soignants, examen médical et dépôt de plainte simplifiée : depuis un an, les urgences de l'hôpital de la Timone, à Marseille, expérimentent un dispositif pilote pour les patientes victimes de violences sexuelles.
Devant le succès de ce projet, passerelle entre les urgences, la médecine légale, le parquet et les services de police, l'Assistance publique - Hôpitaux de Marseille (AP-HM) a décidé de l'étendre aux urgences gynécologiques d'un deuxième établissement, situé à proximité, celui de la Conception (5e).
Ce programme pionnier, testé pendant un an, sera aussi prolongé aux urgences de la Timone.
Il devrait d'ailleurs inspirer la secrétaire d'État chargée de l'Égalité femmes-hommes, Élisabeth Moreno, qui s'est engagée jeudi 10 juin à ce que le système de dépôt de plainte à l'hôpital soit généralisé, suite aux conclusions qu'a rendues la mission d'inspection des dysfonctionnements du féminicide de Mérignac.
Fluidifier le parcours des victimes
Dans les faits, les soignants des urgences de la Timone ont pu bénéficier d'une formation pour apprendre à accueillir au mieux les victimes de violences sexuelles. Au sein d'un service où les femmes viennent consulter en urgence après un viol et/ou des violences conjugales, l'échange et l'écoute sont des éléments clés.
Dans un deuxième temps, un médecin légiste est appelé pour examiner ces femmes sur place, et établir un certificat médical. "C'est une étape importante, qui permet de reconnaître qu'il y a eu des violences physiques", détaille l'AP-HM.
De jour comme de nuit, la victime n'a plus besoin de se déplacer au commissariat pour porter plainte, si elle fait le choix d'aller au bout de cette démarche. Avec ce dispositif, un policier doit pouvoir se rendre sur place pour prendre son dépôt de plainte.
Le fait de rassembler toutes ces étapes permet de fluidifier et d'alléger le parcours éprouvant de ces femmes, qui doivent naviguer entre la médecine légale, le commissariat, ou les associations d'aide aux victimes.
Il permet aussi "d'enclencher l'action publique le plus tôt possible", explique le parquet de Marseille, en particulier dans des cas où les victimes peuvent craindre pour leur vie. Chaque année, 400 femmes sont hospitalisées à l'AP-HM pour des violences conjugales, dont 80 jeunes filles mineures.
L'avantage de ce dispositif, enfin, est son coût relativement modéré : 47.000 euros par an, répartis à part quasi égales entre le ministère de la Justice, la préfecture de police et le conseil départemental de Bouches-du-Rhône. "C'est un gros effort d'organisation pour les équipes, mais les premiers résultats sont très encourageants", indique l'AP-HM.
Renforcer la protection des victimes
L'objectif, à terme, sera également d'étendre le dispositif aux urgences de l'hôpital Nord (15e), situé dans les quartiers populaires de la ville.
Ces derniers mois, plusieurs protocoles expérimentaux pour lutter contre les violences conjugales ont été lancés à Marseille. Une convention pour faciliter la levée du secret médical a notamment été signée entre l'Ordre des médecins et les tribunaux d'Aix-Marseille, afin d'autoriser les signalements au procureur de la République en cas de danger immédiat.
L'objectif de cette mesure, qui suscite quelques réserves, est que la justice puisse assurer un traitement prioritaire des dossiers de violences conjugales portés à sa connaissance.
Comme ce protocole, la création de la plateforme d'accueil de la Timone répond à une demande de longue date des soignants, mais découle aussi des travaux du Grenelle contre les violences conjugales de septembre 2019.
Dans le cadre de ce dispositif d'accueil, la levée du secret médical à l'hôpital permet aussi de transmettre le certificat médical de la victime à la justice, même si elle décide de ne pas porter plainte.
Les soignants, les policiers et les magistrats du parquet peuvent donc prendre connaissance du même dossier. Et même sans dépôt de plainte, le procureur peut décider de poursuivre l'auteur des faits.
Généraliser le dépôt de plainte à l'hôpital
Jeudi 10 juin, la mission d'inspection des dysfonctionnements autour du féminicide de Mérignac, très attendue des familles de victimes, a rendu ses conclusions. Elle estime qu'il manque toujours de moyens humains, matériels, et de mesures de protection pour éviter ces drames.
Le manque de coordination est aussi pointé comme un maillon faible du système, auquel veulent remédier des projets comme celui de la Timone.
En réponse, la secrétaire d'État chargée de l'Égalité femmes-hommes, Élisabeth Moreno, a plaidé pour que police, justice, associations et autres acteurs de la lutte contre les violences conjugales renforcent leur collaboration pour éviter ces drames. Ce qui pourrait, entre autres, passer par la généralisation du dépôt de plainte à l'hôpital, a-t-elle précisé.
Lutter contre les féminicides est une priorité du @gouvernementFR
— Élisabeth Moreno (@1ElisaMoreno) June 9, 2021
?100% des mesures du Grenelle engagées
?+60% de places d'hébergement pour les victimes depuis 2017
?Extension des horaires du 3919
?Hausse de 40% du budget d'@egalite_gouv
?4 lois votées pour protéger les ? pic.twitter.com/rFOFraqWUu
Dans un entretien donné à Ouest-France, elle annonce également que le nombre de téléphones "grave danger" devrait doubler d'ici 2022, et qu'un fichier réunissant les auteurs de violences conjugales va être créé.
Reconnaissant des "défaillances" dans le féminicide de Mérignac, la secrétaire d'État a également annoncé un "renforcement du contrôle et de la détention" d'armes.
Environ 220.000 femmes sont victimes de violences conjugales chaque année. Plus de 50 d'entre elles ont été tuées par leur conjoint ou ex-compagnon depuis le 1er janvier 2021.