Marseille va prochainement expérimenter une nouvelle amende forfaitaire délictuelles (AFD) de 200 euros, elle vise les guetteurs de halls d'immeuble qui alertent les trafiquants de drogue dans les cités. Une mesure impossible à mettre en place selon le syndicat Alliance.
Annoncée en mai dernier par Gérald Darmanin, cette nouvelle procédure d'amende forfaitaire délictuelle (AFD) va s'appliquer dans un premier temps à Marseille, Rennes, Lille, Reims, Créteil et Foix à partir de ce 19 octobre.
Une amende de 200 euros, ramenée à 150 euros en cas de paiement rapide mais qui peut être majoré à 450 euros au-delà de 45 jours, et qui sera inscrite sur le casier judiciaire. Sur le modèle de la procédure simplifiée généralisée pour les consommateurs de drogue depuis le 1er septembre 2020.
L'expérimentation concerne cette fois "l'occupation illicite d'une partie commune d'immeuble collectif" et vise toutes "personnes qui occupent les espaces communs à plusieurs empêchant délibérément l'accès ou la libre circulation des personnes ou le bon fonctionnement des dispositifs de sécurité et de sureté (portes coupe-feu, extincteurs, systèmes de désenfumage)".
À Marseille, avec cet intitulé, le ministre de l'Intérieur met dans son viseur les guetteurs et autres choufs qui font le guet pour les trafiquants au pied des tours d'immeubles au coeur des cités.
Les mineurs ne seront pas verbalisés
Sur le fond, Rudy Manna, le secrétaire du syndicat Alliance Police 13, approuve la volonté de "leur mettre des sanctions, parce que sinon ils ont rien". Mais pour le syndicaliste, "la mise en application va être hyper compliquée".
Tout d'abord parce que la mesure ne s'applique pas aux moins de 18 ans et que "les guetteurs sont à 99,9 % des mineurs".
"C'est de la poudre aux yeux, estime Rudy Manna, qui attend encore les directives de sa direction. "Comme toujours on va tout savoir au dernier moment", regrette-t-il.
Il considère que l'amende forfaitaire est une bonne chose pour les consommateurs de cannabis, même "s'il faudrait aller plus loin, avec une saisie du véhicule par exemple en cas de récidive".
Pour le secrétaire départemental d'Alliance, l'amende forfaitaire délictuelle donne un "outil supplémentaire" aux policiers mais elle n'est pas adaptée au petit délinquant de cité pas plus qu'au squatteur, qui n'ont jamais de papiers d'identité sur eux et ne sont pas solvables.
"Qui va payer l'amende?", interroge Ruduy Manna. On imagine en effet assez mal les contrevenants répondant au courrier de recouvrement envoyé en recommandé...
Une mesure déconnectée de la réalité
À titre de comparaison, la procédure pour usage de drogue expérimentée à partir du 16 juillet 2020 dans les Bouches-du-Rhône avant d'être étendue à toute la France en septembre a conduit à 9.000 AFD en un an. Selon les chiffres du ministère de l'Intérieur, 34% des amendes envoyées ont été payées.
Vouloir lutter contre les trafics de drogue avec de telles mesures c'est avoir une méconnaissance totale de la réalité de terrain, "c'est du pipeau" selon Rudy Manna, "ça n'amènera rien."
"C'est de l'affichage, on va nous demander d'en faire alors on va en faire... mais je peux vous dire qu'on ne va pas rester des heures à verbaliser dans ces endroits-là, parce qu'au bout d'un moment ils vont être 70 autour de vous".
Dans le cadre de cette expérimentation, une autre amende forfaitaire entrera en vigueur le 19 octobre. Elle sanctionne "l'installation illicite sur le terrain d'autrui, en vue d'y établir une habitation, même temporaire, sur un terrain appartenant à une commune ou à tout autre propriétaire sans être en mesure de justifier de son autorisation".
L'objectif est de lutter contre les intrusions sur des propriétés privées, notamment des gens du voyage. Le montant de cette AFD est de 500 euros, pouvant être ramené à 400 euros si réglé directement ou sous 15 jours et majoré à 1.000 euros en cas de non-paiement dans les 45 jours.