Marseille : nous avons suivi l'errance des mineurs en exil

On les appelle "migrants" ou "exilés". Ils sont mineurs. Après un long périple, ils ont rejoint l'Europe, et MarseilleLe parcours n'est pas fini. Ils vont dormir dehors, démontrer leur minorité, être peut-être hébergés par une famille et... but ultime... être placés dans un foyer.  

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On les appelle les MNA : Mineurs Non Accompagnés. Ils viennent du Ghana, d'Afghanistan, du Mali ou d'ailleurs encore. Ils ont marché des mois ou des années pour rejoindre l'Europe. Certains ont embarqué sur un canot en Méditerranée. Enfin... ils sont là. A Marseille. Mais pas encore à l'abri.

Dans cette série de quatre reportages, nous avons suivi plusieurs mineurs. Tous vont traverser différentes étapes :
- L'urgence : se soigner, se loger, manger, s'habiller
- La justice : démontrer sa minorité
- Les "hébergeurs" : certains Marseillais ouvrent leur porte à ces jeunes pour les mettre à l'abri
- Le foyer : le vrai refuge, leur but.

Reportages de Nathalie Deumier, Laurent Esnault et Sylvain Prouteau.


Premier reportage : la rue 


Ils se retrouvent à Saint-Charles. C'est le rendez-vous historique des migrants à Marseille. Là, ils s'ennuient, attendent, tournent en rond...

Le lieu est dangereux pour eux. On y pratique des trafics de drogue, on leur fait des propositions sexuelles monnayées. Les sectes viennent pour les recruter... Ces jeunes sans toit apparaissent comme des proies faciles. 


Dormir dehors​


Entre 23 heures et minuit, la gare ferme ses portes. Beaucoup d’adolescents restent autour pour dormir. Ils ont un matelas posé dans le parking ou un simple carton le long de la gare. Le lieu sent très fort l'urine et de l'eau coule régulièrement pour laver le sol. Mais elle coule aussi sur les jeunes ! Ils n'arrivent pas à dormir et tombent parfois malade.

L'un d'entre eux nous ouvre la porte de sa chambre d'hôtel. Il a obtenu quelques nuitées au commissariat. On pourrait imaginer qu'il se sent beaucoup mieux là que sur son carton. Étonnamment, il n'est pas à l'aise. Il se sent seul. Son rêve d'école, son rêve d'Europe semblent encore trop loin.


Le contact avec les militants


C'est à la gare que les militants entrent en contact avec les mineurs. Ils leur expliquent les démarches administratives à suivre. Pour les plus jeunes, ou les plus fragiles, ils trouvent un toit. Ils détiennent une liste d'une quarantaine de militants, près à héberger. Tout se passe très vite, personne n'a le temps de réfléchir. C'est une situation d'urgence. 

Intervenants du reportage :
- Adams
- Vève, militante du collectif Soutien Migrants-es 13 El Manba
 
 

Deuxième reportage : l'occupation de l'église​


Le 21 novembre 2017, des mineurs qui dorment dans la rue ou chez des particuliers occupent l'église Saint-Ferreol, sur le Vieux-Port. Ils sont entrés par petits groupes pendant la journée. Le soir, ils sont une quarantaine, accompagnés des militants du collectif El Manba. Une curieuse ambiance règne dans le lieu saint. La messe est dite au milieu des journalistes, militants, fidèles, curé et mineurs. Une rumeur court comme quoi le curé n'accepterait pas d'héberger les jeunes. Et puis, finalement, il prononce un discours pour leur offrir l'accueil pour une nuit.
 

Ils resteront 3 nuits et 4 jours​  


Dans son discours, le curé n'oublie pas d'appeler les institutions à remplir leur rôle et assumer leurs responsabilités. L'institution, c'est le Conseil Départemental, chargé de la protection de l'enfance. En quelques heures, un bâtiment vide, anciennement bureau administratif, est équipé par la Croix Rouge. Lits de camp, cuisine d'appoint, tables, chaises... Le bâtiment appelé Pressensé devient un lieu d'hébergement temporaire. 66 mineurs y sont accueillis.
 

Faux ou vrai mineur ?


Pressensé est géré par une association : l'ADDAP 13. Cette association se charge de la prise en charge en urgence des mineurs de Marseille depuis des années. Des éducateurs de rue vont à leur rencontre. Trois fois par semaine, elle ouvre son local aux jeunes, leur offre à manger, des vêtements, un diagnostic de santé... L'association est également chargée d'évaluer les migrants. Autrement dit, elle doit les mettre à l'abri et apprécier leur âge. Certains d'entre eux trichent sur leur minorité. C'est le juge pour enfants qui tranchera. En utilisant les éléments fournis par l'ADDAP 13. L'association est sous tension. Elle subit de fortes critiques de part et d'autre.
 

L'élue responsable ne s'exprime pas


L'élue du Conseil Départemental, en charge de la protection de l'enfance, a préféré annuler notre interview. Pourtant, le contact a été pris plusieurs semaines à l'avance. De très nombreuses relances ont été faîtes. Et après avoir choisi son jour et son heure pour nous rencontrer, Brigitte Devesa annule l'interview, la veille. Dommage... la situation et le traitement des mineurs sont sous sa responsabilité. Nous aurions aimé connaître son point de vue.

Les militants à l'origine de l'occupation de l'église ont voulu organiser un gros coup médiatique. L'occasion de sensibiliser la population à la situation de ces mineurs. Pressensé était susceptible de devenir un lieu d'hébergement depuis longtemps. L'occupation de l'église a accéléré le mouvement. Ces militants regrettent de devoir agir ainsi pour provoquer la réaction du Conseil Départemental. 
 
 

Intervenants du reportage : 
- David Le Monnier, Directeur du service Mineurs non Accompagnés - Groupe APPAP 13
- Anne Gautier, Militante du collectif Soutien Migrant-es 13
 El Manba
 

Troisième épisode : la famille d'accueil


La famille qui a accepté de nous recevoir a hébergé Roméo pendant des mois. Les parents étaient volontaires et tout s'est passé très rapidement, comme la plupart du temps. Un ami les a appelés, ils en ont parlé à leurs enfants et le mineur est arrivé à la maison. Roméo parle anglais, il n'aime pas trop la cuisine française et dort beaucoup. A tel point que la famille s'inquiète pour lui. En fait, il est probablement déprimé, comme tous les jeunes qui vivent cet exil.

Improvisation totale


Quatre familles se relaient autour du jeune homme. Roméo se sent mieux que dans la rue, évidemment, mais les changements fréquents de famille le perturbent un peu. Quand le centre d'urgence Pressensé ouvre ses portes, il s'y engouffre, espérant ainsi accélérer les procédures autour de son cas.

Dans la famille, le jeune Angelo a le même âge que Roméo. Entre les deux garçons, c'est le choc des cultures. C'est aussi une très belle plaidoirie écrite par Angelo pour un concours de lycéens.  
 
Roméo a été hébergé ainsi pendant 5 mois. Mais l'expérience est parfois très courte. Les citoyens offrent un toit, pas une éducation.

Intervenants du reportage :
- Angelo Castino, famille d'accueil de Roméo
- Diane Guilledoux, Famille d'accueil de Roméo
- Roméo


Quatrième épisode : le foyer


Les Saints-Anges, c’est le nom de cette Maison d’Enfants à Caractère Social, plus communément appelée « foyer ». Le but des mineurs exilés est d’intégrer ce genre de maison. Pour arriver jusqu'ici, il faut que la minorité soit reconnue par un juge pour enfants. Les places sont rares ici et les étrangers en minorité. 

C’est là que vit Saleman. Il quitte l’Afghanistan à 12 ans, arrive à Marseille un an plus tard et intègre rapidement ce foyer. En arrivant, il ne comprend pas ce que lui disent les autres enfants. Il est perdu et se sent triste, repense à sa famille, regrette presque d'être parti. Ici, les adolescents sont scolarisés, ils ont leur propre chambre, apprennent le français et peuvent se poser. 

Lorsqu'ils se posent, ils flanchent


Les éducateurs spécialisés ne posent pas de questions sur leur passé. Ces jeunes ont un parcours extrêmement douloureux, dans leur pays, pendant leur périple et même une fois en France. Certains en parlent, quand ils sont en confiance, souvent d’un coup. Ces adolescents sont fragiles. Se poser peut paradoxalement se révéler douloureux. Certains décompensent, parfois violemment, d’autres pas. Tous sont plus ou moins déprimés les premiers temps

Ils sont venus réaliser leur rêve européen. Un rêve de paix, de papiers en règle et de diplômes. Pour ceux qui sont placés en foyer, le rêve est à portée de mains. Mais ça ne sera pas le cas pour tous. 


La majorité​


Adnan est majeur depuis quelques mois. Il n’habite plus au foyer mais a toujours besoin des conseils à son éducatrice. Il loue provisoirement un appartement avec un autre ancien résident. Comme la plupart des jeunes exilés, il reste en contact avec sa famille. Chaque samedi, ou dimanche, il téléphone à sa mère. 
Après son CAP de mécanique auto, il passe un deuxième CAP de mécanique nautique. Il travaille en alternance et déménagera bientôt. Après 3 ans passés au foyer des Saints-Anges, ici il se sent seul dans son petit appartement. Bientôt, il déménagera dans un foyer pour jeunes travailleurs, qui lui convient mieux.

Pendant ces reportages, les jeunes nous ont parlé de leur rêve d'école, de sécurité. Aujourd’hui, le rêve d’Adnan est de revoir sa mère, au Pakistan.

 

Intervenants du reportage :
- Saleman
- Rachid Moussaoui, éducateur spécialisé MNA - Foyer Saints-Anges
- Adnan Myhammad, ancien résident des Saints-Anges

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