Depuis décembre 2021, une brigade de policier municipaux a une mission unique : lutter contre l'accumulation des déchets sauvage à Marseille. Cette "brigade de l'environnement" est une première en France.
Des tas de gravats et de déchet d'entreprises du bâtiment qui s'accumulent sur un bout de trottoir. Un peu partout à Marseille, en pleine ville, des zones de dépôt sauvage empoisonnent la vie des habitants.
Au delà de l'aspect peu esthétique, il entrave la circulation des piétons, quand ils ne barrent pas carrément le passage des personnes les plus vulnérable, se déplaçant à l'aide de fauteuils, poussettes ou déambulateurs.
Comme sur ce bout de trottoir proche du port. La rue est parfois complètement obstruée. Cet angle de trottoir "est très pratique, il n'y pas trop de voisinage, ça prend dix secondes" de décharger illégalement ordures et gravats avec un camion-benne, explique Ahmed Jaoui.
Une brigade de neuf policiers
Il dirige l'unité de neuf policiers municipaux qui composent cette brigade de l'environnement. Elle a été crée à l'initiative de la ville. "C'était devenu intenable", estime Yannick Ohanessian, adjoint à la sécurité et à la police municipale.
Marseille n'est pas la seule ville concernée. Mais le coût du nettoyage de ces dépôts représente plus des trois-quarts du budget consacré par la Métropole Aix-Marseille-Provence. "1,7 million d'euros pour Marseille et les 18 communes environnantes" selon Jean-Yves Sayag, conseiller métropolitain chargé de la lutte contre les dépôts sauvages.
"On a vu ces dernières années émerger à chaque coin de rue, à chaque bout de trottoir disponible, à chaque petit recoin dans la ville, l'accumulation d'encombrants, de gravats, de pneus, de tous matériaux de construction", a explique Yannick Ohanessian.
Les policiers municipaux concentrent leur action sur les professionnels, pour la plupart des artisans ou entrepreneurs du bâtiment peu scrupuleux qui, au lieu de se déplacer en déchetterie, se délestent de leurs gravats de chantier sur la voie publique. Parfois même jusque dans le Parc national des Calanques.
Des dépôts sauvages très organisés
Une pratique évidemment interdite. L'abandon d'ordures expose les entreprises responsables à une amende de 1500 à 150 000 euros.
Certaines "se sont organisées en filières en utilisant de la sous-traitance avec des personnes extrêmement précaires qui, pour gagner un petit billet au noir, sont prêtes à prendre tous les risques", souligne Yannick Ohanessian.
Ahmed Jaoui, enrage face à ces pratiques. "J'arrive pas à jeter un papier par terre, je ne sais pas comment on peut jeter des gravats!", se désole-t-il.
Parmi les endroits particulièrement "dans l'oeil du viseur de la police" municipale, la rue Gustave Eiffel, non loin du stade Vélodrome. Avec sa forme en U, elle échappe en partie à la surveillance de la caméra postée à son entrée.
Les ordures ont été remplacées sur le trottoir par de gros blocs de béton qui se veulent dissuasifs et qui, couplés aux patrouilles fréquentes de la brigade, ont payé. "On passe notre temps à y retourner, à avertir, à signaler", insiste M. Jaoui.
Le réseau des 1 600 caméras de vidéo surveillance est également mis à contribution. "On tient à jour des statistiques sur tous les endroits, le nombre de déchets par secteur, les horaires sur lesquels ils vont préférer jeter", note Serge Gonzales, policier municipal qui décrypte les images au centre de supervision urbain (CSU)
Collaboration avec la justice
"Déjà en temps normal, l'impact de l'homme sur l'environnement est considérable, alors si en plus on rajoute les dépôts sauvages, c'est une catastrophe écologique", se désole-t-il. "Nous n'avons pas vraiment la compétence de l'enquêteur" mais nous "essayons de mâcher au maximum le travail pour la police nationale" et la justice. Ils recoupent notamment les images de vidéosurveillance avec les déchets pour identifier l'immatriculation des fourgons des pollueurs.
Yannick Ohanessian prévoit à terme de doubler les effectifs de la brigade de l'environnement et de mettre en place, dès cet été, des caméras nomades. De son côté, le parquet de Marseille a créé, en 2019, un Groupe local de traitement de la délinquance (GLTD) dédié à la lutte contre les dépôts sauvages.
De mars 2019 à décembre 2021, 240 procédures lui ont été transmises, "contre quelques-unes" avant la création du GLTD, retrace François-Xavier Temple, le magistrat coordinateur du groupe. La moitié des affaires environ ont donné lieu à des amendes rapides, qui peuvent aller jusqu'à 1.500 euros."
Cela prend du temps pour que ça devienne visible pour nos concitoyens, reconnaît M. Ohanessian, mais ça porte ses fruits".