À sept mois de la présidentielle, Emmanuel Macron a annoncé vouloir augmenter le nombre d’aires marines protégées sur le littoral méditerranéen. Mais quelles sont-elles ? À quoi servent-elles précisément ? On fait le point.
Quelques jours après la clôture du Congrès mondial de la nature, qui réunissait à Marseille scientifiques, leaders politiques et activistes, Emmanuel Macron a fait part de sa volonté de porter les aires bénéficiant de "protection forte" à 5% de son espace maritime en Méditerranée d'ici à 2027.
Ces zones, destinées à protéger la biodiversité marine et favoriser le repeuplement halieutique, étaient au nombre de 365 en France métropolitaine, selon les chiffres de l’Office Français de la Biodiversité (OFB). Près d'un quart du territoire maritime national détient ce statut.
Appelés “AMP”, ces périmètres se décomposent en plusieurs niveaux de protection. Parmi eux, c’est la Zone de Protection Forte (ZPF), un des régimes les plus protecteurs, que le chef de l'Etat veut développer.
La part des eaux françaises couvertes par le réseau d’aires marines protégées a fortement progressé depuis 1963, année de création du Parc national de Port-Cros, premier espace protégé ayant une partie marine (13 km² de superficie en mer). En 2019, la superficie totale des AMP, sans double compte [1], représente 2 419 325 km², soit environ 23,57 % de l’espace maritime française.
En 2019, les eaux marines métropolitaines sont couvertes à plus de 45 % de leur surface par des aires marines protégées, selon la cartographie du ministère de la Transition écologique.
Port-Cros, un modèle scientifique
Lors des Assises de l'économie de la mer de Nice, le locataire de l'Elysée a réaffirmé mardi ses objectifs de préservation dans le cadre de la transition écologique, et notamment l'accroissement des zones de protection haute en Méditerranée, qui couvrent actuellement seulement 0,2 % de toutes les aires en France.
Une nouvelle que Charles-François Boudouresque, de l'Institut Méditerranéen d'Océanographie à Luminy (Marseille), accueille avec satisfaction.
Pour ce professeur émérite, "c'est un outil extraordinaire pour la protection de la diversité et la pêche", prenant pour modèle Port-Cros, premier espace protégé ayant une partie marine (13 km² de superficie en mer). Aux abords de l'île dePort-Cros, où le Parc national éponyme a été créé en 1963, le mérou a longtemps été une espèce menacée.
Des contraintes pour protéger la biodiversité
Au prix de mesures de protection drastiques et d'années de patience, le mérou a fait son retour, et en masse. Le mérou avait fini par presque disparaître de nos côtes jusqu’au moratoire sur sa pêche, il y a presque 30 ans.
Selon l'Office français de la biodiversité, les effectifs de mérou brun du Parc national de Port-Cros ont ainsi été multipliés par 8,5 sur l’ensemble du Parc entre 1993 et 2011.
Concernant les mesures mises en place, il n'y a pas de règles. Chaque "réserve" est dotée d'un Conseil scientifique qui établit, en concertation avec les pêcheurs locaux notamment, les contraintes appliquées, au cas par cas.
Dans ces "ZPF", la pêche est soit interdite, soit soumise à des contraintes (taille et longueur du filet, période de pêche...). Pour le Pr. Boudouresque, qui travaille auprès de 300 chercheurs, "les pêcheurs en sont malgré tout les bénéficiaires car [cette "mise en jachère" du milieu] permet le repeuplement des zones de pêche. Donc, ça fonctionne !".
Des zones qui ne font pas l'unanimité
"À ceux qui sont sceptiques quant à l'implantation d'une aire marine protégée, je leur dis qu'aujourd'hui à Port-Cros, les eaux grouillent de mérou", ironise le chercheur.
Et des sceptiques, il y en a. À l'image de Gérard Carrodano, premier prud'homme de la communauté de pêcheurs de La Ciotat (Bouches-du-Rhône).
Pour lui, "il faudrait déjà s'occuper des zones qui sont déjà en place plutôt que d'en créer de nouvelles". Autre inquiétude pour cet homme de la mer : la déstabilisation du biotope.
"Si vous créez une zone dite de non-prélèvement, l'effort de pêche va inéluctablement se déporter vers les aires où la pêche est encore autorisée, créant un déséquilibre", renchérit celui qui réclame aussi davantage de moyens pour lutter contre le braconnage.
En juin 2021, la cour d'appel d'Aix-en-Provence a condamné quatre braconneurs à verser 52.000 euros de dommages et intérêts au Parc national des calanques. Pendant quatre ans, entre 2013 et 2017, les quatre pêcheurs ont prélevé d'importantes quantités d'oursins, mérous et poissons, dans des zones protégées et interdites à la pêche.
Le Parc national des calanques avait estimé à 4,5 tonnes le total de cette pêche illégale, comprenant des espèces protégées voire menacées.
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